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Billet de blog 23 décembre 2009

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Liu Xiaobo: un début de procès musclé

Métro Babaoshan, proche du cimetière militaire. La Première Cour Intermédiaire de Pékin a jugé ce matin le dissident et écrivain Liu Xiaobo.

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Métro Babaoshan, proche du cimetière militaire. La Première Cour Intermédiaire de Pékin a jugé ce matin le dissident et écrivain Liu Xiaobo. Il est 9h, la température est encore en dessous de zéro. Une cinquantaine de journalistes grelotent dehors, à 80 mètres à droite de l'entrée du tribunal. Les policiers sont partout. Les partisans se comptent sur les doigts d'une main.

La plupart des journalistes sont américains, allemands ou italiens. Les caméras sont à terre ou sur les trépieds, prêtes à être dégainées. On cherche les journalistes français croisés la veille lors de la réception du premier ministre. Les caméramen n'ont pas le droit de filmer l'entrée du tribunal; ils sont parqués derrière un long ruban de chantier bleu et blanc et encerclés de policiers qui se gênent pas pour les photographier ou vérifier leur identité. Un témoin crie en chinois "Il faut défendre Liu Xiaobo" avant de s'avancer vers le tribunal le long d'un chemin balisé.

Au même moment, d'autres étrangers font des allers-retours le long de ce même couloir de barrière métalliques. C'est le chemin balisé entre l'entrée du tribunal et le bout de trottoir réservé aux médias. Il s'agit en fait de courageux diplomates canadiens, américains et européens dont la demande d'assister au procès est finalement rejetée "parce qu'il n'y aurait pas assez de place à l'intérieur, nous dit-on". Alors ils s'expriment devant les journalistes, chacun leur tour, pour afficher l'opposition de leurs pays à l'emprisonnement annoncé du dissident chinois. On apprend que le beau-frère de Liu Xiaobo assiste au procès.

Le correspondant de zdn, la deuxième chaine télévisée allemande est sur le front depuis 7h du matin. Il est 10h: avec son cameraman et son preneur de son, il s'accorde une courte pause au pied de l'hôtel Pullman, adjacent. Il se souvient du procès de Hu Jia, tenu en mars 2008. "On a filmé l'arrivée de l'avocat ce matin. Il ne peut pas s'exprimer devant la presse avant le verdict. A l'époque, c'était beaucoup moins sécurisé ici. Aujourdhui, il y a des policiers absolument partout. C'est impossible de filmer le tribunal et ce qui s'expriment ont peur d'être arrêté".

On s'éloigne. A quelques mètres un homme à casquette, la quarantaine, se fait bousculer. Il s'est exprimé devant les caméras mais les policiers n'ont rien dit. Puis il s'est éloigné de la zone banderolée et a été rattrapé en silence. Deux officiers le saisissent par les bras et l'embarquent en douceur à bord de l'une des camionnettes stationnées sur le trottoir d'en face. "Des témoins disent que plusieurs personnes ont déjà été arrêtées" pourra-t-on lire sur une dépêche matinale. Trois d'après les twits chinois. Mais quels témoins oseraient s'exprimer au micro d'un journaliste étranger? A 11h, la rue est désormais entièrement bouclée; seuls déambulent des policiers en civil que l'on voit régulièrement s'entretenir avec leurs homologues en uniforme, aux extrêmités des rues Shi Jing Shan et Lu Gu Dajie.

Twitter s'affole

Vendredi dernier, le bloggeur dissident basé à Canton et signataire de la Charte08, Wen Yun Chao s'est fait saisir chez lui ses deux téléphones et son ordinateur portable.

Ce matin sur Twitter, "Sfchoi8964" précise en chinois à qui voudra bien le lire, qu'on trouvera les supporters de Liu Xiaobo avec un petit ruban jaune discret sur la poitrine. Ils attendraient devant l'entrée du centre commercial tout proche, surveillé lui aussi. C'est le West Wanda Plaza, un quartier d'hôtels de luxe et de commerces. Leur ruban jaune est le nouveau symbole de solidarité avec Liu Xiaobo. Certains l'ont déjà noué ce matin sur les portes d'autres tribunaux, aussitôt coupés aux ciseaux par les vigiles. Voir la vidéo tournée par un internaute à Hong-Kong, au même moment.

L'artiste engagé et signataire de la Charte08 Ai Wei Wei n'est pas là (updated: il arrivera à 11h05). La "Mère de Tian An Men" Din Ziling non plus. A 73 ans, celle qui promettait la veille d'apporter son soutien à l'extérieur du tribunal est finalement cloîtrée chez elle en résidence surveillée. Idem pour Liu Xia, l'épouse de Liu Xiaobo, qui n'a pas obtenu l'autorisation d'assister au procès.

Posté devant l'entrée du tribunal, un bloggeur met en ligne sa colère sur "twitterpic"

L'écrivain de Chengdu et autre signataire Ran Yun Fei bloggue à 9h54 l'arrestation d'une dissidente devant le tribunal dont le pseudo est Nv Zhenzi. L'information est reprise aussitôt par le site des écrivains indépendants chinois ChinesePen. Un autre signataire, Zola Zhou, fait circuler les photos de rubans jaunes sur son compte twitter...

Mais sur d'autres blogs, les internautes solidaires de Liu Xiaobo ne se font guère d'illusion sur l'issue du procès. "Il y a eu tellement de signataires pour la Charte08 que Hu Jintao devra montrer un signe très fort".

Il est midi. La première journée de procès touche déjà à sa fin. Trois bloggeurs twittent leur départ "Nous entrons dans le métro. Des policiers nous collent au train".

Sur le forum zyzg.us, un texte en chinois mis en ligne hier mardi à 22h08 pronostique un verdict pour le 25 décembre. L'information sera confirmée.