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Billet de blog 29 avril 2012

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Chen Guangcheng, la patate chaude sino-américaine

L'avocat non-voyant, célèbre militant contre les avortements et stérilisations forcés, s'est échappé de son domicile où il était consigné et tabassé. Depuis jeudi soir, il serait donc à Pékin, "sous protection américaine" selon Bob Fu, le fondateur de "ChinaAid" une ONG chrétienne américaine influente. Tous les yeux sont naturellement rivés sur l'ambassade américaine...

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L'avocat non-voyant, célèbre militant contre les avortements et stérilisations forcés, s'est échappé de son domicile où il était consigné et tabassé. Depuis jeudi soir, il serait donc à Pékin, "sous protection américaine" selon Bob Fu, le fondateur de "ChinaAid" une ONG chrétienne américaine influente. Tous les yeux sont naturellement rivés sur l'ambassade américaine...

Mais pour l'instant, ni l'ambassade, ni le gouvernement chinois ne souhaitent commenter l'affaire. Hier soir, lors du pot de départ des correspondants Melissa Chan (Al Jazeera) et Jonathan Watts (The Guardian), les diplomates "proches du dossier" étaient si peu bavards sur cette "patate chaude". A cinq jours de la visite chinoise d'Hillary Clinton et du secrétaire au Trésor Timothy Geithner pour un sommet économique, les autorités pékinoises auraient sans doute intérêt à régler fissa cette histoire embarrassante.

Après tout, si on prend la loi chinoise au pied de la lettre, Chen Guangcheng (CGC) est un citoyen libre (c'est sa consignation à domicile qui ne l'était pas) donc rien ne l'interdit de quitter son village du Shandong et d'aller déambuler dans une ambassade pékinoise si cette dernière est d'accord !  A la différence du chef de la police de Chongqing Wang Lijun, qui de part ses fonctions, aurait du demander "l'autorisation" à ses supérieurs avant d'aller se réfugier au consulat américain de Chengdu...

Ce weekend, l'inquiétude va pour ses proches, tour à tour entendus au commissariat ou injoignables par email ou téléphone: la sublime He Peirong qui dit avoir organisé sa fuite, le dissident Hu Jia qui dit l'avoir accueilli peu après, Zeng Jinyan son épouse ou même l'avocat des droits de l'homme Guo Yushan, qui affirme avoir mis en ligne une vidéo-témoignage de CGC. On s'inquiète aussi pour la famille de CGC, actuellement détenue par la police locale. Le site de Mao Yushi, vieil économiste pékinois connu pour ses positions réformatrices, est fermé. Espérons vraiment que le pays ne connaisse pas une nouvelle vague de répressions, comme ce fut le cas dans les mois ayant suivi les tentatives de rassemblement de Jasmin de février 2011, où avocats, intellectuels, militants de tout le pays étaient systématiquement assignés à résidence.

Car si le gouvernement central a toujours nié être au courant des difficultés rencontrées par l'avocat, on peut se demander si des chefaillons de Linyi seraient capables d'interdire les mots "chen guangcheng, ambassade, US, avocat aveugle" de Weibo (twitter chinois) ou même d'obtenir l'arrestation de personnes à Pékin ou Nankin.

On peut aussi se demander comment CGC et Hu Jia, deux hommes parmi les dissidents les plus surveillés de Chine ont réussi à se faire photographier bras dessus bras dessous, au nez et à la barbe des autorités ?

... Et c'est seulement samedi en début de soirée que Hu Jia est questionné par les Guobao. Ce retard à la détente est peut-être un élément révélateur de la jolie cacophonie qui règne en haut lieu ! 

Voici quelques suggestions de lectures en français ou en anglais:

"He Peirong, la perle de Nankin", qui a aidé l'avocat aveugle à s'échapper (Blog de Stéphane Lagarde, RFI)

How China tried to lock down a blind man (The Guardian)

L'Onu inquiète de la sécurité de CGC et de sa famille (site de l'ONU)

A Chen Guangcheng primer (Foreign policy blog)