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Billet de blog 31 décembre 2010

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Pékin veut en finir avec ses logements souterrains

Héritage de la guerre froide, Pékin a son lot d'abris anti "raid aériens"construits sous de solides immeubles en centre ville. N'en déplaise à la municipalité, des milliers de travailleurs y ont trouvé refuge.

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Héritage de la guerre froide, Pékin a son lot d'abris anti "raid aériens"construits sous de solides immeubles en centre ville. N'en déplaise à la municipalité, des milliers de travailleurs y ont trouvé refuge.

Cachés derrière de grosses portes en fonte, ces sous-sols souvent répartis en plusieurs niveaux ont été aménagés au fil des ans en logements locatifs abordables pour les travailleurs modestes de la capitale, refroidis par l'explosion des prix de l'immobilier. Pas de lumière naturelle, beaucoup d'humidité mais du chauffage et de l'espace (voir le reportage du Spiegel)

Mais après avoir fait détruire cet été la cité des fourmis de Tangjialing, soit des logements construits en lointaine banlieue par des paysans pour les jeunes cadres migrants de Pékin (l'un des trois épisodes consacrés au logement sur Mediapart en mai dernier), les autorités s'attaquent maintenant à ces logements souterrains en centre-ville jugés "non conformes".

Sans doute que les propriétaires prospères de ces chambres souterraines s'en mettaient plein les poches sans déclarer le moindre yuan au trésor public. Mais ce ne sont pas des marchands de sommeil pour autant et les locataires, encore une fois, vont en faire les frais et se retrouver à la rue. Car si je ne m'abuse, la vie est très chère à Pékin et l'on ne trouve guère de dortoirs pour ces millions d'ouvriers, serveurs, vigiles, masseurs, profs de gym, vendeurs, hôtesses d'accueil et autres travailleurs venus de tout le pays pour contenter les Pékinois à moindre coût. Je connais pour ma part une association d'aide et d'assistance juridique aux travailleurs migrants dont les locaux sont dans les sous-sols d'un hôtel de luxe. Pour y accéder, on n'emprunte pas l'ascenseur doré de l'établissement, on descend un vieil escalier métallique.

Qu'adviendra-t-il de ces locataires bientôt expulsés (pas trop vite j'espère car il fait -11°c en ce moment)? En matière de relogement, Pékin a des yuans mais manque cruellement d'idées. A part des indemnités variables pour les propriétaires quand il s'agit par exemple de raser un Hutong pour un projet de centre commercial annoncé comme étant d'intérêt public, les familles migrantes, elles, n'ont que leurs yeux pour pleurer.

En Chine, au moins 46% des recettes fiscales des gouvernements locaux (comme ici, celui de Pékin) proviennent de la cession de terrains. Une mine d'or.

Aucune envie dès lors de les sacrifier pour un programme de logements sociaux. A Pékin, ce sont donc les promoteurs les plus fortunés (voir mon portrait de Zhang Xin, redoutable patronne de Soho, le principal promoteur dePékin, dans l'édition papier de Marianne, 21 août ) qui s'octroient l'espace vital pékinois pour y construire des tours résidentielles futuristes mais totalement inabordables, en particulier pour cette fameuse classe moyenne, garante de la stabilité du régime chinois. Pas de logement en ville, voire même pas de voiture puisque la municipalité a décidé de réduire de 2/3 les nouvelles immatriculations en 2011: deux petits coups de canif dans le contrat de mariage entre le Parti Unique et cette génération de Chinois trentenaires peu revendicatrice mais pressée de devenir propriétaire ou d'acquérir une voiture (l'âge moyen d'achat d'une voiture neuve en Chine est de 35 ans).

De fait, des gratte-ciels vides de commerces ou d'habitants forment désormais la charmante "skyline" de la capitale. J'habite juste en face des jolies tours Soho Sanlitun et je travaille juste en face des tours de Jianwai Soho: deux étranges mini "villes fantômes" au coeur d'une mégalopole de 17 millions d'habitants.

Retrouvez en vidéo le passionnant reportage de l'intrépide Melissa Chan (@melissachan sur twitter), correspondante chez Al Jazeera English, sur la disparition annoncée des logements souterrains de Pékin.

Xin nian kuai le ;)

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