Vous l’avez déjà bien compris : l’atmosphère sous-Marine c’était pas celle de la terre sans marins. Certains se sentaient marron et c’était pas marrant. C’était pas une élection genre bonnet blanc ou blanc bonnet. Il y avait comme un goût de revanche.
Pire, tous les habituels rats des villes et rats des champs, tous les petits doryphores des jardinets et potagers n’ont eu d’autre échappatoire que de vite se réfugier dans quelque sous-sol, à l’abri d’un compost ou d’ancestrales grosses racines.
Car la déflagration chez les sapiens sapiens avait été telle qu’on se serait cru revenu en plein cœur du Moyen-Age. Des bataillons d’impies, de sorcières et de mécréants affirmaient avoir tous plus raison que les autres. Un goût de vengeance.
...Ce n’était pas le cas sur le pont inférieur : nos petites bestioles,
toutes plus ou moins noires, plus ou moins blanches ou plus ou moins colorées,
n’avaient pas même eu le temps de se dire d’où elles venaient puisque déjà, elles étaient toutes là...
ni de se demander de quel pedigree...
ni de quelle ascendance...
ou encore moins de quelle tendance...
ou avec quelle croyance.
Car il leur fallait d’abord survivre et toutes.
Alors, elles se déclarèrent comme à une sorte de jugement du Jeu de Pomme : "Entente Française".
Pourquoi ce nouveau truc bizarre ?
Comme Coalition faisait trop guerrier, Rassemblement trop tarte à la crème et Ensemble très fourre-tout, elles pensèrent à l’Entente nécessaire comme dans une espèce de famille ou d’un métier ou d’une école. Et elles ajoutèrent Française, car elles vivaient toutes depuis plus ou moins longtemps en France et pas ailleurs. Normal. Et même si on pouvait noter une très légère saveur d’exotisme lointain, cela avait l’irrémédiable goût d’un sourire ensoleillé et un peu d’air d’été. Normal aussi.
Mais qu’est-ce qu’elles pourraient bien faire de tout ça ?
Eh bien, tous convinrent vite qu’un peu de protection et de sécurité ça arrangerait tout le monde.
Tous convinrent aussi qu’un peu de respect et de dignité, ça serait pas mal aussi.
Enfin, tous qu’un peu de justice et d’équité, ça serait la juste cerise sur le gâteau.
Que, quoi et comment, direz-vous ?
Elles regardèrent autour d'elles dans chacun de leur terrain et y implantèrent des compères qui répondent « présent », écoutent, agissent, trouvent, soignent, réparent, sanctionnent dès qu’il le faut.
Celles pour qui un sou est un sou demandaient si ça allait coûter beaucoup d’argent. Peut-être, le reconnaissaient-elles volontiers, mais au moins c’était elles-mêmes qui l’avaient choisi et elles verraient où cet argent serait passé.
Et comme leurs principaux soucis passaient aussi par l’école et par la santé, elles étaient prêtes à faire corps - le temps qu’il faudrait - pour que l’on y remette de l’attention, du soin, de la curiosité, de l’effort et de l’entraide.
Après tout, le reste en découlerait logiquement car ces simples ingrédients retrouvés se joueraient sur la relation homme-femme, sur la bonne prise en charge des générations extrêmes, de la vieillesse, du handicap, du temps de retraite, des conditions de travail et de mobilités, en bonne entente -justement- avec Mère Nature, avec les voisins plus ou moins lointains, l’espace, la mer, la paix…
Sûrement êtes-vous certains à rester incrédules en pensant que tout était à créer ? Détrompez-vous. Tout avait déjà été dit, écrit, consigné, réclamé, supplié parfois. C’était même consigné dans des cahiers de doléances bien soignés, sincères et même parfois émouvants.
Sauf que quand on est sourd, on est est sourd et on est très lourd.
Dans « l’ambiance » sous-Marine, Sapiens sapiens allait-il continuer à se disputailler grave avec son égo ? Aucune bestiole souterraine ne croyait en une telle stupidité. On n’est pas des dingos quand même ! Heureusement.