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Billet de blog 15 septembre 2011

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TOURISTES OU VISITEURS : À propos du billet sur l'Aldeia da Luz

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Touristes ou visiteurs : à propos du billet sur l'Aldeia da Luz

Dans un commentaire sur un billet que j'ai écrit le 27 août, Philippe Ries a écrit que l'Alentejo n'a pas besoin de « touristes » mais de visiteurs. Philippe Trine lui a demandé quelle était la différence entre les deux. « Vivre est un village » a écrit : « De mon point de vue un visiteur s'intéressera à l'architecture du barrage, le touriste se bronzera sur la plage permise par le barrage !!! »

Je ne vais pas répondre à la place de Philippe Ries mais essayer tout simplement de donner mon interprétation.

L'Alentejo est une vaste région, grande comme la Belgique, où vivent 500.000 personnes. Dans les circonscriptions qui entourent le Grand Lac créé par le barrage d'Alqueva, la densité de la population se situe aux alentours de 15 à 25 habitants par km². C'est dire qu'il y a de la place et que le grand lac, le plus grand lac artificiel d'Europe, dont les marges atteignent les 1.200 km tellement il est dentelé alors que la côte même du Portugal représente environ 900 km (et pourtant le lac « ne fait que » 85 km sur la plus grande longueur) en plus de son objectif premier (l'irrigation), pourrait susciter des projets divers attirant des visiteurs en nombre.

Autour du lac il y a 19 villages riverains dont Monsaraz qui est souvent considéré comme le plus beau village historique du Portugal, à moins de dix kilomètres de la frontière espagnole et à cent kilomètres de Badajoz. Ceci explique que pendant les week-ends et les périodes de vacances on y voit beaucoup de visiteurs (excursionnistes) espagnols, beaucoup plus que des portugais eux-mêmes (Lisbonne se trouve à près 200 km et Évora, la ville la plus importante de l'Alentejo, à 60 km). Outre Monsaraz il y a le nouveau village de Luz et son musée qui attirent aussi des visiteurs. Et si rien n'a été fait pour « sédentariser » ces visiteurs car à Luz, comme dans la plupart des villages riverains, il n'y a pas d'hôtels ou de pensions, seulement quelques maisons d'hôtes par-ci par-là, parfois fort chères, ce n'est pas plus mal puisque ainsi l'identité culturelle des villageois est préservée. Les voyageurs viennent, puis s'en vont et ils laissent la région en l'état.

Mais il n'y a pas que les vieux villages historiques et le nouveau village de Luz qui attirent des voyageurs. Il y a en bordure du lac une marina, « Amieira Marina » qui en cinq ans d'existence a attiré plus de 100.000 voyageurs, donc des visiteurs, un fait qui jusqu'à présent ne s'était jamais produit. Même si parmi ces visiteurs il y a des natifs de l'Alentejo, la plupart vient d'autres régions du Portugal, et de l'étranger, et venant jusqu'au au grand lac peut-être sont-ils passés par Évora, peut-être sont-ils allés à Luz et à Monsaraz, peut-être ont-ils fait le tour du lac, parcouru le barrage et visité d'autres villages, dont Estrela qui se situe dans une très belle presqu'île. Parmi les visiteurs la plus grande partie n'avait pas encore envisagé un tel voyage dans la région.

La marina possède trois bateaux de croisière, deux avec une capacité de 25 personnes et un pour 120 personnes. Le nombre de voyageurs pendant la année de 2007, a été de 18.538. L'arrivée du bateau pour 120 personnes a permis que la croissance prenne un rythme plus important et, en 2008, 37.392 passagers se sont promenés dans le Grand Lac sur les trois bateaux.

L'année 2009 a connu une baisse du nombre de passagers transportés, atteignant alors 32.568. L'objectif pour 2010 était ambitieux et prétendait atteindre les 40.000, ce qui a eu lieu. Dès la fin juin 2010 un autre objectif a été atteint et les deux dizaines de personnes qui travaillent chez « Amieira Marina » portent un tee-shirt avec le chiffre 100.000 et la phrase « Grâce à vous nous avons atteint les 100.000 passagers ». Ce chiffre a été atteint en moins de quatre ans d'activité.

La marina, dans son activité principale qui constitue une innovation dans le marché national - les bateaux de plaisance avec cabines, les « barcos-casa » - est fière des résultats obtenus. Dans ce domaine, au-delà de la promotion de la nouvelle destination, « Amieira Marina » veut faire la promotion de la nouvelle activité à laquelle elle consacre une grande partie de son énergie faisant quelque chose de différent de ce qui existe dans les grands lacs nord-américains des États-Unis et du Canada. Dans son approche la plus naturelle et parfaitement intégrée dans la nature du Grand Lac et des villages riverains, les « barcos-casa » de « Amieira Marina » veulent s'affirmer comme la façon adéquate de connaître « paisiblement » cette merveilleuse destination qui est le « Grand Lac ».

Ainsi, pendant la 1ère année d'activité, avec des structures très précaires et seulement 5 embarcations, on a atteint 57 réservations (des blocs, nombre de jours supérieurs à un week-end). En 2007, alors déjà avec 10 embarcations, elle a dépassé l'objectif de 150 blocs, ayant atteint 179 réservations. Les 313 réservations en 2008 et les 396 en 2009 ont consolidé la croissance. En 2008, le nombre de bateaux est passé à 15. Dès le début 2010, jusqu'à la fin juin, 268 réservations ont été enregistrées, alors que l'objectif pour cette année était de 450 réservations. En prenant compte aussi des loyers d'une seule journée, plus de 2.800 personnes ont utilisé les « barcos-casa » en 2009, contre 2.400 en 2008 et 1.200 en 2007. L'objectif pour 2010 était de 4.000 utilisateurs.

Dans les autres activités de « Amieira Marina », par exemple, la restauration et le bar terrasse une croissance est aussi observée, bien qu'ici la primauté soit donnée à la qualité du service, prétendant devenir une référence dans la région. Le restaurant panoramique, ouvert en avril 2009, offre une cuisine régionale moderne avec une belle présentation dans les assiettes, un service impeccable, une belle carte de vins. Ce qui fait qu'il a mérité le Bib Gourmand du Guide Michelin. Pour 48 euros par personne « Amieira » propose une « journée dans le lac » comprenant une promenade en bateau, le déjeuner dans ce restaurant, une visite guidée à Monsaraz et une dégustation de vins dans le domaine de « Ervideira ».

Au niveau des activités sportives, les nouveautés les plus récentes sont des activités plus radicales et la réalisation de stages pour des compétiteurs professionnels de ski et wakeboard, mais aussi pour ceux qui sont débutants dans ces pratiques et à niveau amateur. Ce partenariat vient ainsi s'ajouter à ceux qui existaient déjà, comme la « Babika », également dans le ski, wakeboard, speedboat, remorquage de banane et bouée, avec « Break » en ce qui concerne les motos 4, TT et autres activités radicales et avec le Noyau de Voile de « Amieira Marina », « toujours avec le vent en poupe » dans ses embarcations de voile de croisière et de voile légère.

Avec la création du lac, d'autres projets ont vu le jour ou sont encore restés sur papier. Des terrains de golf, des hôtels de luxe et même un « PIN » (Projet d'Intérêt National) dont les promoteurs voulaient qu'il donne origine à un village de 10.000 à 12.000 habitants qui viendraient de l'étranger pour partager la sérénité du paysage et l'identité des autochtones (sic !). Ce projet, après avoir été porté aux nues par les promoteurs, les entités régionales et même le gouvernement, a été revu à la baisse quelques mois plus tard. Il n'est plus question d'un investissement de... 974 millions d'euros. Pourtant le projet totalise plus de 2.000 hectares et a un accès direct au lac sur environ 250 km. Paraît-il qu'un hôtel de luxe sera construit en bordure du lac. Son exploitation sera confiée à « Alila », une importante chaîne d'hôtels et domaines de luxe asiatique dont ce serait le premier établissement en Europe. Parallèlement le promoteur continue à manifester sa volonté d'y développer un tourisme résidentiel.

Faut-il miser sur de tels projets, alors que je viens de citer longuement l'exemple de « Amieira Marina » dans lequel l'investissement a été de l'ordre de 4 millions et demi d'euros en 2006, avec les résultats que l'on connaît. Ce n'est pas hasard si le 8 juillet 2010 la RTP (radio télévision portugaise) a fait de « Amieira Marina » la « salle de séjour » du Grand Lac pour son reportage sur le barrage d'Alqueva (cinq heures d'émission). C'était une reconnaissance implicite du travail qui y est réalisé.

Finalement, faire venir des visiteurs par dizaines de milliers, c'est bien mieux que d'essayer de « sédentariser » des touristes en leur proposant des maisons soit dans le « fameux village » de 10 à 12.000 habitants ou « dans d'autres types de logement parmi lesquels les plus luxueux seront des unités résidentielles complètement isolées avec des terrains de 2.000 à 15.000 m² « de façon que les maisons soient situées en dehors de la portée des regards des voisins »... (propos tenus par l'administrateur exécutif de l'entreprise qui gère le « PIN » au journal local « A Palavra » en mars 2007). Des « maisons situées en dehors de la portée des regards des voisins »... (je répète) voilà une bien curieuse façon de partager d'identité culturelle des autochtones...

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