Josep Girones

Abonné·e de Mediapart

24 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 décembre 2017

Josep Girones

Abonné·e de Mediapart

Maccarthysme néolibéral ...

Josep Girones

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

... et montée des fascismes

     Il faut  tout d'abord que nous parlions d' un des points de l'actualité de la semaine  en France : la campagne  scandaleuse qui a été lancée contre Gérard Filoche. On lui fait payer l’engagement, la pugnacité  et l’intelligence dont il fait preuve dans le combat pour la défense du droit et des acquis sociaux des travailleurs. Par un  clic  et un tour de passe-passe, les médias et les partis de l’ordre ont mis au pilori un homme politique de la vraie gauche : l’antiraciste de toujours devient un « antisémite ». Ils savent que c’est faux mais leur but est de salir.  Il faut signer massivement la pétition relayée par le journal  L’Humanité. (http://pour-lhonneur-de-gerard-filoche.org/). Pas question de courber l’échine devant cette forme nouvelle de maccarthysme en train de se mettre en place. Le  Tweet  malencontreux et détestable n’est qu’un  prétexte. Tous les utilisateurs des médias sur le web savent combien il est facile d’y faire une erreur.  C’est un zapping permanent d’images, de « bon mots », de vignettes, et tout ça  défile sur l’écran. Parfois, on peut  « liker » quelque chose qui s’avère être  une bêtise ou une horreur. On ne sen aperçoit pas immédiatement.  Les  adversaires de Filoche  ne lui feront pas de cadeaux. Il voulait gagner au sein du PS un combat impossible car le PS n’est plus un parti ouvrier.  Manuel Valls avait dit quelques jours plus tôt en pointant Edwy Plénel de Médiapart  : « il faut leur faire rendre gorge».  C’est tous ceux qui dénoncent l’hypocrisie du consensus libéral au pouvoir que sa haine désignait.

 Démocratie libérale et fascismes nouveaux

         L’Europe  change. Elle ne s’émeut même plus des atteintes à la démocratie sur son propre sol. Les dirigeants légitimement élus de Catalogne ont été emprisonnés mais l’Europe a fermé les yeux en continuant de sourire à Rajoy. Autrefois, les démocraties coloniales prenaient soin d’être plutôt « républicaines » à domicile… et plutôt fascisante dans leurs colonies.  Aujourd’hui,  en France même, la pensée unique ultra libérale tourne à l’autoritarisme. Comme le montre la campagne  lancée contre Gérard Filoche,  on calomnie, on condamne, on exclut, on met au ban du système tous ceux qui sont un danger pour lui. Mais la démocratie se porte encore plus mal dans les quartiers défavorisés des banlieues.

       De leurs côtés, les mouvements fascistes relèvent la tête, surpris  de paraître à nouveau presque respectables. Leur longue relégation a fait oublier leur passé odieux. Ils peuvent à nouveau prétendre être la solution de rechange face à la mondialisation ultra libérale.

La bourgeoisie ultra libérale met en sourdine ses vieux principes démocratiques du monde « libre ». Un nouveau maccarthysme apparaît, comme une forme rassurante de centrisme mou et consensuel. Mais son gant de velours cache une main de fer prête à écraser tous les «  extrêmes » qui lui résistent.

Le fascisme qui revient  n’est pas très différent de la vieille  peste brune. En France avec Le Pen et Soral, en Allemagne, en Hongrie, en Espagne, partout le fascisme utilise les mêmes ficelles : démagogie, nationalisme anti libéral, racisme, tout est bon pour eux car il s’agit de détourner la colère des peuples de leur véritable ennemi : la classe des capitalistes.

         Soral, Le Pen et la montée des fascismes en Europe

       Le site de Soral,  Egalité et Réconciliation, est très fréquenté par un public jeune issu parfois des banlieues. L'extrême droite branchée de Soral est en apparence aux antipodes de celle d’un Jean Marie Lepen, vieux réac nostalgique des temps de la «  gégène » et des guerres coloniales. Soral mêle habilement une posture anti conformiste et faussement rebelle à un discours ultra nationaliste. Il parle d’anti impérialisme, fait la promotion de livres sur Chavez et dénonce le colonialisme israélien. Mais il publie aussi les mémoires d’Hitler, reprend à son compte les vieux discours antisémites,  et  soutient le parti néo Nazi  Aube dorée en Grèce. Spécialiste d’une  confusion idéologique assez perverse, il mêle en permanence  le miel et le poison. C’est un fasciste moderne.

Pavlos Fyssas  assassiné en Grèce par des fascistes d’Aube dorée

          Débattre avec Soral, comme s’il s’agissait d’un idéologue ordinaire, serait totalement contre productif. On ne discute pas avec des idéologues fascistes et  antisémites. Cela ne fait que les conforter.  On discute en revanche avec les jeunes qu’il parvient à séduire, mais sur notre terrain : en combattant en permanence et sans concession l’injustice sociale, le chômage et l’exclusion qui sont le terreau de toutes les haines.  Par nos luttes syndicales et politiques, nous devons faire la preuve que nous sommes les seuls à défendre vraiment ceux qui sont discriminés et exclus par le talon de fer du système dominant.

         Bien sûr, les fascistes continueront d’entretenir la confusion comme autrefois. Les partis de Mussolini et Hitler se présentaient comme des partis prolétariens.  C’est l’irrésolution des directions du mouvement ouvrier à mener ensemble le combat jusqu’à son terme, ce sont nos échecs collectifs qui  favorisèrent la montée du fascisme. Nous devons aujourd’hui en tirer les leçons et être offensifs et intransigeants dans les luttes et dans les quartiers populaires, là où la social démocratie  a capitulé face au chômage, au racisme,  à la ghettoïsation, au démantèlement des bastions du mouvement ouvrier et de ses conquêtes sociales. C’est parce qu’en Europe,  les directions du mouvement ouvrier n’ont pas su  mener ce combat qu’un espace s’est libéré au sein du peuple pour la renaissance de cette réaction fascisante. L’anti fascisme purement idéologique des  « anti Fa » ne conduit qu’à l’isolement, et à la division de la classe ouvrière. On n’oublie pas nos morts victimes du fascisme mais le vrai combat anti fasciste, en France comme en Espagne ou en Grèce, passera par le rassemblement des travailleurs et la convergence de nos luttes. Le rassemblement anti fasciste doit se faire autour d’un plan d’urgence, un programme anti capitaliste partagé par tous ceux qui entreront en lutte!                                 

                   Fascisme et démocratie libérale
    C'est une erreur de croire que le monde doit être séparé en deux camps: celui des démocraties libérales et celui des dictatures.
Cette division est illusoire. Elle masque  une autre division : celle des dominants et des dominés.     Par ailleurs, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, la lutte des classes oppose encore et toujours ceux qui n’ont pas d’autre choix que celui  de vendre leur force de travail et ceux qui ont les moyens de l’acheter pour l’exploiter et en faire du profit.         En France, les médias ferme les yeux la dessus et nous parle de " discipline républicaine". Tous derrière Macron pour faire barrage à Le Pen ? Quel piège !  Comment pourrions-nous être, avec le Medef, l’armée française, la vraie droite et la fausse gauche, dans le camp de la démocratie libérale face au camp du fascisme? Cette  prétendue démocratie libérale saurait fort bien s’accommoder comme autrefois du fascisme si ses profits et son pouvoir étaient en jeu.

   Mais une fois de plus aux présidentielles, la  « discipline  républicaine » a permis la victoire de Macron. Mais déjà celui-ci s’en prend, non pas à Le Pen, mais à nous les « extrêmes, les cyniques et les fainéants » c'est-à-dire en langage patronal, à la classe ouvrière.

La pensée unique du libéralisme a toujours été une pensée molle. Ils sont contre l’injustice mais « modérément ». Ces modérés qui s’opposent aux « extrêmes » nous rappellent  cette majorité de  centre gauche et de centre droit  qui vota ensemble  à l’Assemblée en 1940 les pleins pouvoirs à Pétain.  L’ « extrême » était venu du centre.

                    Rassemblement des travailleurs pour un plan d’urgence social et anticapitaliste

                    L’anti fascisme édulcoré qui  fait consensus dans les médias est une hypocrisie. Il n’y a rien à attendre d’un front républicain avec ceux qui sont nos adversaires de classe. Comptons sur nos propres forces, pour combattre à la fois les fascistes en train de monter et la droite capitaliste qui est toujours en place. En combattant la politique de celle-ci, on empêchera les premiers de progresser.  Assez de reculades. Hier comme aujourd’hui, il faut  rassembler largement le monde du travail contre le pouvoir aux mains du MEDEF. Si l’on veut éviter une nouvelle flambée du fascisme en France et en Europe, il est grand temps de construire, avec toutes les forces de la vraie  gauche syndicale et politique, avec les salariés en grève, avec les chômeurs et les militants des mouvements sociaux, avec la jeunesse des quartiers, un grand rassemblement pour un plan d’urgence anti capitaliste.


En effet, partout, c’est le recul social qui a nourri la montée du fascisme. La démocratie libérale n’est pas la démocratie. Avant même que le fascisme ne s’avance pour conquérir la place, le despotisme est déjà bien installé au sein de la société libérale : despotisme maccarthysme de la pensée dominante,  despotisme colonial de la Françafrique, despotisme des forces de l’ordre à Notre Dame des Landes ou du Medef à Goodyear. 
       On nous dira que tout cela est exagéré. Peut être  pour ceux qui ne fréquentent que le centre ville de nos belles villes européennes là où ça brille, ou c'est riche, et où les cafés sont sympas.  Mais même là,  au cœur de nos capitales, la misère commence à s'étaler sur les trottoirs: des cartons, un vieux matelas et quelques couvertures, c'est tout ce qu'ils ont laissé aux sans-logis. Sortons des beaux quartiers,  allons faire un tour du cotés de l' usine, du pôle-emploi, des banlieues, accompagnons les familles de détenus devant les sas d'entrée des prisons... 
    La géographie de la misère a changé. la mondialisation capitaliste nous promettait une Europe de liberté sans frontière... Bientôt, elle construira des murs ( comme en Palestine ou aux Amériques) pour protéger ses nantis. Tout autour de l'Europe, Shengen s'entoure de barbelés pour barrer la route aux réfugiés. 

       Fascisme ou domination ultra libérale? Dans un livre de Daniel Guérin publié en 1936,  Fascisme et Grand Capital celui-ci expliquait déjà, en citant Karl Marx, que

 " La « doctrine » fasciste n’est autre que la vieille idéologie réactionnaire.

Cette doctrine, à vrai dire, [le fascisme] n’attend pas d’avoir conquis le pouvoir pour l’élaborer. On la retrouve, bien auparavant, sous la plume et la doctrine de ses chefs, mais noyée dans la phraséologie « anticapitaliste ». Maintenant la démagogie passe au second plan, cède le pas à la légitimation idéologique de la dictature. Et nous voyons enfin tout à fait clair : la doctrine fasciste est une vieille connaissance, elle ressemble comme une sœur à la philosophie réactionnaire de l’ancien régime féodal, clérical et absolutiste.

     C’est précisément cette même phraséologie que la bourgeoisie, à l’aube de son règne, a dû, pour s’affranchir, combattre avec acharnement. Au dogme pessimiste de la chute de l’homme, elle a opposé l’idée du progrès indéfini ; à la connaissance révélée, la raison, la pensée libre ; au « principe aristocratique », à l’ « Etat-Moloch », le gouvernement des masses, la démocratie ; à la force brutale, le droit. Mais un jour vient où la bourgeoisie s’aperçoit, suivant les termes de Marx, « que toutes les armes qu’elle a forgées contre les idées féodales se retournent contre elle même, que tout les moyens  d’instruction qu’elle a imaginés se liguent contre sa propre culture, que tout les dieux qu’elle a créés lui tournent le dos », où elle comprend que «  tout ce qu’on appelle liberté bourgeoise ou organes de progrès attaque  et menace sa domination de classe. Ebranlée dans ses bases par la crise du capitalisme, ne pouvant assurer ses profits menacés qu’en détruisant les institutions démocratiques, qu’en exterminant brutalement le prolétariat organisé, la bourgeoisie  rejette l’idéologie qui lui a servi jadis à vaincre l’absolutisme ; elle nie le progrès, elle s’acharne contre la raison, elle refuse aux masses le droit de se gouverner et piétine la démocratie ; elle invoque le « principe aristocratique » et la raison d’Etat. Elle réhabilite la violence "

P 315 Daniel Guérin Fascisme et Grand Capital. Edition Libertalia

     Par des routes différentes, ultra libéralisme et fascisme  visent un même objectif : protéger les intérêts des plus riches.  La mondialisation capitaliste piétine  la démocratie, instaure le règne de la pensée unique. C'est une malédiction contre les pauvres, les immigrés, les classes dangereuses qu’il faut surveiller et punir, contre les peuples d’Afrique et du Proche Orient qu’elle  condamne à l’enfer d’une prétendue  guerre de civilisation. Les populations européennes se trouvent condamnées à vivre dans la crainte, sous la menace d’un terrorisme fanatique pratiquant la loi du talion.
     Le talon de fer de Jack London n’est plus une fiction. Fascisme et maccarthysme néolibéral sont les deux visages de l’oppression capitaliste moderne. Ils nous laissent encore nous exprimer mais c'est parce qu'ils ne nous craignent pas encore.

      Nous sommes  en 2017 et c’est une année anniversaire.  On a fait grand silence sur l’immense espoir que souleva, il y a exactement cent ans,  la révolution russe. Face à l’effroyable boucherie de la première guerre mondiale , les travailleurs insurgés de Russie avaient lancé à la Conférence de Bakou, un appel au soulèvement des peuples d’Orient contre l’impérialisme capitaliste.  Cet appel souleva une espérance immense dans tous les peuples du monde. Elle continua de se répandre bien après que la révolution russe fût écrasée par une bureaucratie thermidorienne et totalitaire. L’étoile soviétique était restée longtemps comme ces astres dont la lumière nous parvient bien après qu’ils se soient éteints. Elle a encouragé des mouvements de libération en Chine, au Vietnam, en Palestine et en Amérique Latine.  Aujourd’hui, aucune lumière ne nous vient de la Russie devenue capitaliste. La loi du capital est peut être plus dure que jamais. Le Proche Orient est à feu et à sang. L'impérialisme américain reste le gendarme du monde et  reprend pied  dans ses anciennes chasses gardées d'Amérique latine. Il est  bien décidé à continuer à saigner de toutes leurs veines ouvertes les pays du Sud. Et Trump continue de  construire son mur de séparation entre le bien et le mal, c'est à dire entre les plus riches et les plus pauvres.  Pour combien de temps encore? Est-ce là le monde que nous voulons laisser aux générations futures ? Il est temps que le monde du travail relève la tête et s'organise dans l'unité car il n’y a qu’une seule alternative : «socialisme ou barbarie ».


Rédaction du  Manifeste sans frontière

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.