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Billet de blog 10 janvier 2014

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Valls, Le Pen, Soral, Dieudonné, Novlangue et banalité du mal

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Janvier 2014 : La cacophonie des racismes et de la novlangue

On ne parle que d’eux et ils s’en frottent les mains. Interdire les propos fascistes de Dieudonné ? Oui bien sûr, et il faudrait que nous soyons des milliers à manifester contre lui comme nous l’avons fait dans le passé pour l’interdiction des groupes fascistes. Le problème avec l’affaire Dieudonné, c’est que c’est le ministre des expulsions et de la discrimination des roms et des jeunes des cités qui demande cette interdiction. Valls est un pratiquant très "politiquement correct" de la novlangue d'Orwel , c'est à dire d'une langue où les mots se retournent en leur contraire. Tout ce que dit et fait Manuel Valls ne peut que renforcer le crédit des racistes dans l’opinion publique. Les cartes sont brouillées. Valls, Le Pen, Soral et Dieudonné ont chacun de bonnes raisons de se frotter les mains.

Pendant ce temps, la chasse aux Roms continue

Hier après midi,  pendant que le « comique » fascisant jouait les « victimes » devant la France entière, à Perpignan le maire de droite démantelait un camp de Roms. Il faut dire qu'à Perpignan, les nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie Française sont influents à la tête de la mairie. Et louis Alliot, le numéro 2 du FN, voudrait bien prendre la place du maire de droite aux prochaines élections. Droite extrême contre extrême droite. Le démantèlement du camp des Roms de Perpignan hier après midi s’inscrit dans le jeu politique des municipales. La droite sarkoziste fait de la surenchère pour conserver la mairie menacée par le Front National. Et quand les notables de la réaction s’affrontent, c’est toujours ceux d’en bas, les plus faibles des faibles qui doivent payer l’addition.

9 janvier 2014 : un camp de Roms est rasé à Perpignan
"les occupants des campements roms ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles" Manuel Valls

le camp de Roms de Perpignan démantelé le 9 janvier

L’indépendant catalan écrivait ce matin : «  tractopelle, camions et bennes des services municipaux perpignanais sont arrivés en toute discrétion hier vers 14 h à proximité du rond-point de la déchetterie en direction de Canet, dans le secteur des Jardins Saint-Jacques. Objectif : raser le campement fait de caravanes délabrées et de tentes de carton, de bâches en plastique et de misère, où des dizaines de Roms s'étaient installés depuis des années en contrebas de la route et à l'abri des regards.(…) Selon nos informations, on serait venu à plusieurs reprises conseiller de partir à ces habitants de la clandestinité. Certains auraient ainsi plié bagages voilà quelque temps. D'autres auraient encore attendu hier matin pour finalement aller se poser à quelques pas de là. » « Habitants de la clandestinité » les roms ? On croirait entendre les propos de Manuel Valls, le ministre vedette de l’équipe gouvernementale de Francois Hollande qui disait, après l’expulsion de Leonarda : «  les occupants des campements roms ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles (…) Je le redis, je partage ce que m'a dit le Premier ministre roumain : ‘Les Roms ont vocation à rester en Roumanie, ou à y retourner’."  Après ces propos scandaleux,   le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) avait déposé plainte contre Manuel Valls auprès de la Cour de justice de la République. Valls tente à présent de corriger son image et pose en « chevalier blanc » de l'anti-racisme "prenant des risques" en s'opposant à l’antisémite fascisant Dieudonné. Tout ce vacarme médiatique brouille les cartes et les repères et c’est justement un terrible piège : si nous ne faisons rien, c’est la « banalisation du mal » qui s’installe peu à peu, mais  les cartes sont brouillées et  le pouvoir s’emploie tous les jours à inverser les sens et la valeur des mots.  L’extrême droite a le vent en poupe et se fait de plus en plus menaçante.

 Rien n'a changé après les présidentielles et la politique de Sarkozy se poursuit impunément sous Hollande. Une majorité a voté pour le changement social mais les banques, le MEDEF et les licencieurs ont toujours le pouvoir. Hollande « regrette le passé colonial de la France » mais multiplie les interventions militaires en Afrique. Hollande se dit « socialiste» et il nous écrase. Oui, toutes les cartes sont brouillées et c’est du miel pour les fascistes, les révisionnistes et les théoriciens du complot. Soral et Dieudonné super star ! Bravo Hollande et Manuel Valls.

       Jeudi 23 janvier 2014, un procès indigne, dit « procès BDS », aura lieu à Montpellier : trois militants BDS de Perpignan, Yamina, Jeanne et Bernard sont injustement accusés d’« incitation à la Haine raciale » !

Pourtant les trois inculpés sont des anti racistes de longue date. Ils ne sont pas de ceux qui rient avec les clowns de l’extrême droite et  ils ne confondent pas leur combat pour la justice et la paix en Palestine avec les délires des racistes et des anti sémites qu’ils ont toujours combattus. Ils sont des justes et des indignés qui, aux côtés de Stéphane Hessel, avaient appelé au boycott de l’état d’Israël afin de  s’opposer à sa politique de colonisation et d’apartheid contre le peuple palestinien. "BDS" veut dire Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre un état oppresseur qui pratique l'apartheid. Mais dans le climat médiatique détestable créé par l’affaireValls-Dieudonné, le risque d’une condamnation en appel de nos camarades est à prendre au sérieux. Un grand rassemblement de soutien est appelé devant le tribunal à partir de 8h.

La campagne BDS, une action légitime de boycott contre l’apartheid,  a été transformée sous Sarkozy en  délit au moyen d'un texte scandaleux : la circulaire Alliot-Marie

Le « crime » de Yamina, Jeanne et Bernard : avoir participé à une action d’information des consommateurs du magasin Carrefour de Perpignan le 15 mai 2010, les appelant au boycott des produits issus des colonies et exportés illégalement par l’état d’Israël. Seul le maintien par Hollande de la scandaleuse circulaire Alliot-Marie explique que nos trois camarades soient encore poursuivis en Appel après avoir été relaxés en première instance à Perpignan.  Encore un reniement et un brouillage de plus à l’actif de François Hollande et de son gouvernement. 

Indignée de la première heure, Jeanne, l’une des trois inculpées du procès BDS de perpignan, avait eu l’honneur de prendre la parole aux côtés de Stéphane Hessel au meeting du Panthéon à Paris. Il faut savoir que Stéphane Hessel  avait été lui aussi menacé d’inculpation à l'époque pour son engagement en faveur de la Palestine et du boycott de l'état d'Israël. Les hypocrites au pouvoir se gardent bien de le rappeler.

De Perpignan à Naplouse ...

 Hiver 2002 des bulldozers saccagent un camp de Réfugiés à Naplouse. Ce matin, c’est Jeanne qui me prévenait par téléphone du démantèlement du camp de rom de Perpignan

Naplouse

Jeanne est  l’une des trois inculpées. Elle avait été le témoin à mes côtés en Palestine, des effets du saccage d’un camp de réfugiés de Naplouse.

J'ai revu à l’instant la photo du camp de Roms démantelé à Perpignan et celles que nous avions prises au camp de Naplouse en 2002, après le passage des bulldozers. Perpignan : du matériel de cuisine abandonné, du linge qui traîne au sol, un sommier et des gravats. Naplouse : des couvertures, un pull de misère, des vêtements  de femmes et d’enfants parmi les décombres. Presque que la même chose. 

Naplouse


Les photos prises au deux bords extrêmes de la méditerranée semblent étrangement semblables. Mais les photos ne disent pas tout. Nous ne connaissons pas encore la suite de l’histoire  des roms expulsés à Perpignan et nous espérons qu’une protestation unitaire nous rassemblera au plus vite dans la rue. Mais au camp de Naplouse en 2002, l’expulsion avait tourné à la tragédie. L’armée israélienne avait sommé la famille de quitter les lieux mais personne n'était encore sorti que les bulldozers écrasaient la maison avec ses habitants à l’intérieur. Il ne restait plus, lors de notre passage, que ces quelques vêtements en charpie sous les pierres. Et il y avait aussi une affiche collée sur un mur voisin avec les photos de la famille martyre de la maison du camp : hommes, femmes, et enfants Nous pûmes entendre le témoignage encore plein de douleur des voisins de l’habitation détruite. Ils gardaient l'image du petit cartable sortant des gravats auquel était encore accrochée la main de l'enfant, mort sous les décombres.

une famille écrasée sous les pierres

 Jeanne a été le témoin indigné de cette ignominie qui n’a jamais été punie. Mais en France, aujourd'hui , c’est elle et Yamina et Bernard qui sont convoqués en cour d'appel et seront peut-être condamnés pour incitation à la haine raciale !

Faire entendre la voix de la justice et des vraies valeurs de la gauche face à la cacophonie des mensonges racistes  de la novlangue au pouvoir.

Quel concert de casseroles ! Vraie droite, fausse gauche, justice sous influence d’une circulaire gouvernementale honteuse, despotisme  libéral, fausse laïcité réellement islamophobe, ministres socialistes cautionnant les plans de licenciements, fascistes champions de la contre façon en tous genres. Ces derniers, Dieudonné et Soral en tête, tentent de faire passer leur détestable haine anti sémite pour un équivalent à moindre coût de l’indignation active, militante et légitime contre la colonisation sioniste. Oui, nous n’avons que mépris et dégoût pour les Dieudonné, Le Pen et Soral. Ce sont nos adversaires de toujours. Ils ne nous empêcheront pas de poursuivre notre combat pour la justice sociale.

Où est notre camp, quel en est le chemin ?  Chacun peut le distinguer s’il en a le courage et la détermination. Dans un monde régi par la lutte des classes, il est tout tracé : c'est toujours celui des opprimés et des exploités en lutte. Sur cette route, les plus vieux d’entre nous ont  battu le pavé de mai 68  en criant «nous sommes tous des juifs allemands »  quand le pouvoir expulsait vers l’Allemagne un leader étudiant d’origine juive. Oui, nous sommes prêts à le crier à nouveau face aux casques et aux matraques. Nous sommes tous  juifs, arabes,  noirs ou tout simplement prolétaires de tous les pays à chaque fois que les unes ou les autres sont attaqués. Mais nous combattrons toujours les oppresseurs quelle que soit leur religion ou leur couleur de peau.

 Et le jeudi 23 janvier, nous devrons être encore plus nombreux à venir, de partout, devant la cour d’appel de Montpellier à 8h pour la relaxe définitive des trois inculpés de Perpignan, Yamina, Jeanne et Bernard. Militants anti racistes, anti colonialistes, pacifistes, syndicalistes, défenseurs des valeurs de la vraie gauche, nous allons crier ensemble le 23 janvier à Montpellier : « Boycott contre l’apartheid ! Nous sommes tous des Palestiniens ! ».

 J P

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