Yanis Varoufakis, l'ancien ministre grec de l'économie du gouvernement Tsypras l’a reconnu : « le Parlement grec doit, de nouveau, après cinq mois de brève indépendance, devenir une annexe de la Troïka – faisant mécaniquement passer des lois traduites].
Le Sommet de la zone euro souligne de nouveau que la mise en œuvre est l'élément clé et que dans ce contexte il se félicite que les autorités grecques aient l'intention pour le 20 juillet de demander le soutien des Institutions et des États membres en vue d'une assistance technique, et demande à la Commission européenne de coordonner cette assistance de l'Europe. »
Alexis Tsypras a été « tué politiquement ». Mais il vit toujours à la différence d’Allende. La « victime » Tsypras a accepté de se transformer en agent du système qu’il voulait combattre. Tsypras va faire voter aujourd’hui au parlement une loi qu’il dénonçait hier : ceux qui ne peuvent plus payer leurs dettes seront expulsés de leur toit. Et on apprend que 17 militants grecs, dont 2 syndicalistes membres d'Antarsya, passeront en procès aujourd’hui. On les accuse de violences envers la police au cours des manifestations de protestation contre « l’accord européen ».
Tout cela doit nous interpeller, bien au-delà du cadre de la situation grecque. Car Alexis Tsypras n’est pas un vulgaire Manuel Valls ou François Hollande. Il était de ceux qui disaient qu’ « un autre monde est possible ». Il vient de s’incliner devant la pensée unique de l’Ordre Mondial. Pourquoi ?
La question difficile de la transition d’un système économique injuste à un autre fondé sur les besoins humains.
C’est tout simplement la transition vers l’abolition du capitalisme. Elle pose un problème de solution de continuité car la machine économique capitaliste, tant à l’échelle nationale qu’internationale, ne se laissera jamais « réformer » docilement. C’est une machine à faire du profit, à exploiter le travail humain. C’est cette exploitation qui attire les capitaux. Si on tente de modifier le mode de fonctionnement du système, la machine se « révolte » et devient brutale comme en Grèce.
La transition au socialisme est comme un passage des tempêtes. Le «capitaine »Tsypras s’est trouvé face au monstre. Tous les robinets de l’argent étaient coupés par le système. Le leader de Syriza a vu l’abîme qui s’ouvrait en cas de non signature du dictat ultra libéral, et il a reculé. C’est sans doute ce que ferait la plupart des leaders de la gauche européenne à sa place. En tous cas, on a entendu Jean Luc Mélenchon lancer une violente diatribe contre l’ « Allemagne » mais il n’a pas rien dit sur la capitulation de Tsypras. On ne pouvait vraiment rien faire d’autre ?
Il était possible d’assurer cette transition mais à condition de faire du gouvernement un gouvernement de combat qui en appelle à la lutte de masse de tout son peuple. Un capitaine peut franchir le « cap des tempêtes » mais avec la confiante totale et la mobilisation de toutes les forces de son équipage.
Une grave illusion persiste parmi nous. Nombreux sont ceux qui pensent que le système est mauvais mais qui espèrent en leur for intérieur pouvoir le corriger en douceur, faire pression sur lui et peut-être parvenir à convaincre nos adversaires par la seule force de leurs arguments. Il y eu aussi autrefois des « sociaux démocrates honnêtes », (il en reste peut-être quelques uns), qui avaient cette illusion, ils sont morts ou se sont inclinés avant de se corrompre cyniquement. Car la transformation sociale n’est pas simplement une « meilleure » gestion du système par des hommes de gauche. Il s’agit de la Lutte des classes et c’est un combat ! La classe dominante défendra son intégrité par tous les moyens comme elle l’a toujours fait. Derrière le masque, sa démocratie est une dictature de classe. Cette classe a compris que, plus que jamais en période de crise, elle ne doit pas laisser s’ouvrir des brèches. L’autorité et la stabilité de son système seraient menacées. Alors que faire ? Reconnaitre qu’ils sont « trop forts » et reculer devant l’abîme que l’Europe capitaliste a ouvert aux pieds des Grecs, comme il s’ouvrira demain aux pieds des Espagnols ou de tout autre gouvernement qui s’opposerait aux lois de la classe dominante ?
La lutte de classe nous montre concrètement une alternative. Le conflit en Grèce n’opposait pas un leader charismatique à la classe capitaliste mais une classe à une autre classe Notre classe, on n’en parle jamais qu’au passé, comme si elle n’existait plus, comme s’il n’existait plus qu’un peuple d’anonymes isolés, seulement bon qu’à répondre aux sondages des médias.
Mais si notre classe a changé, elle existe bel et bien cette classe de salariés, de précaires, de sans papiers, de jeunes sans avenir et sans emploi. Nous devons nous tourner vers elle, défendre, pied à pied son intégrité comme les capitalistes défendent la leur. C’est même sur cette base là que nous pourrions construire un chemin politique à vocation majoritaire.
Prévoir un programme de transition pour « franchir l’abîme » et assurer tous ensemble, le passage conflictuel vers l’abolition du capitalisme
En Grèce comme dans toute l’Europe, nous aurions besoin d’un programme social d’urgence pour faire converger nos colères. Ce programme unitaire, ouvert à tous, serait comme un pont pour franchir les difficultés immenses qui séparent la société actuelle de celle que nous voulons construire où le capitalisme sera aboli. Ce « pont », ce « programme transitoire » devrait partir des aspirations concrètes du peuple pour les faire converger vers l’objectif politique à atteindre. C’est ainsi que nous pourrions mobiliser toute notre classe vers un objectif de changement radical de rupture avec le capitalisme.
En signant pour l’austérité, l’attaque contre les retraites, les salaires, les droits sociaux etc. Alexis Tsypras fait exactement le contraire de cette démarche. Il sape le « chemin des exigences sociales » qu’un gouvernement anti capitaliste conséquent aurait dû construire. Il perd la confiance des masses et ouvre la voie à l’extrême droite.
Bien sûr, cela ne veut pas dire que l'expérience de Syrira soit à écarter ainsi que tout projet électoral et citoyen . Une victoire électorale est toujours à envisager même si le système électoral nous est, en règle générale, très défavorable. C’est peut-être le cas en Espagne aujourd’hui avec Podemos.
Mais un gouvernement anticapitaliste doit être un gouvernement de combat social. Il doit avoir l’audace et la modestie d’en appeler à la mobilisation de toute notre classe en lutte pour ses exigences vitales. Car elle seule peut assurer la transition. Le peuple en lutte est le seul véritable acteur du changement.
Un gouvernement de gauche devrait avant tout soutenir les luttes et s’appuyer sur elles pour avancer. Alexis Tsypras avait fait un pas dans ce sens avec son appel au non au référendum grec. Ce fut un coup assez magistral. Il fallait continuer dans ce sens et appeler à la tenue de grandes assemblées populaires, à des états généraux pour un plan d’urgence, tout à la fois réaffirmer les grandes exigences sociales du peuple, et appeler à la mobilisation de tous, à la résistance contre le diktat européen.
Cette voie aurait été très difficile certes, mais en cohérence avec le projet de Syriza; Le gouvernement aurait été assuré du très large soutien de la population et des classes laborieuses. Une classe en lutte est toujours capable de grands élans de désintéressement, de courage et de sacrifices quand elle sent qu’elle peut avoir confiance et qu’elle a les moyens de contrôler ceux qui dirigent son combat. Les pires des combats perdus sont ceux que l’on n’a pas osé mener jusqu’au bout.
Ce ne sont pas seulement les Grecs, mais tous les travailleurs européens qui viennent de subir momentanément une défaite. Je ne parle pas ici en expert de l’économie mais seulement avec mon expérience de travailleur, celles notamment des grandes luttes sociales du chemin de fer en décembre-janvier 1986 et décembre 1995, où nous avons tout fait pour unifier les forces de l’ensemble de la classe ouvrière sans être entendus par les dirigeants des grandes organisations traditionnelles du mouvement ouvrier. Mais le combat continue et nous devons tirer les leçons de ce qu’il vient de se passer en Grèce pour pouvoir avancer dans les mois et les années à venir.