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Billet de blog 27 juillet 2016

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Saint Etienne du Vouvray

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour à tous

 Au moment  l'islamophobie se déchaîne, a la faveur du climat crée par  les attentats ignobles de Nice et de Saint Etienne du Rouvray. Les peurs et tous les préjugés racistes sont exploités politiquement et tous les amalgames sont permis. Des politiciens nous parlent maintenant, toute honte bue, « d’envisager l’israélisation de nos méthodes de sécurité », je me permets de vous transmettre un petit texte personnel, qui  n'exprime que  mon ressenti et mon  témoignage .

 Jai vécu  une trentaine d'année dans la banlieue de Rouen. J'y ai milité, en tant que syndicaliste cheminot à Sotteville les Rouen et  à Saint Etienne du Rouvray, dans le cadre de nos activités de soutien à la Palestine. Nous avons été amenés à travailler fraternellement ensemble, militants du soutien à la Palestine, musulmans et chrétiens et curé de la paroisse de Saint Etienne du Rouvray. Je viens d'écrire ce texte à mon retour de Tarragona.. C’est dans cette ville qui m’est chère pour des raisons familiales et personnelles que  l’on nous a appris l’attentat de Nice.

J P.

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La vie,  transparente et multicolore, s’est envolée  au dessus de  la majestueuse rambla de Tarragone. Devant l’impressionnant belvédère surplombant la mer,  cette jolie petite sphère translucide a éclatée. Cette "vie" n'était qu' une bulle de savon. Et puis plus rien ensuite ? Non, d’autres bulles  se sont levées, de plus en plus nombreuses, reprenant le tourbillonnement joyeux de la première.  Les enfants  émerveillés couraient en tous sens pour les retenir. C'etait en Juillet, là ou j'ai appris ce qui s'était produit à Nice. Tarragona, c’est ma ville.

 A l’église de Saint Etienne du  Rouvray aussi,  la vie a éclaté,  mais là, le sang a giclé brutalement.  Saint Etienne du  Rouvray, c’est une des villes de banlieue  de l'immense agglomération  de Rouen, qui fut l'un des plus grands bassin d'emploi en France. Saint Etienne du Rouvray et l' « agglo », c'etait aussi "chez moi".  C'etait  ma «  patrie ouvrière », celle  de nos luttes et de nos combats sociaux durant toute ma vie active de cheminot.

       Non, Saint Etienne du Rouvray n’est pas la « petite ville normande » dont parlent les médias,  qu’on imaginerait endormie, inconsciente des périls, autour de son clocher, parmi les pommiers et les fleurs.... Saint Etienne du Rouvray, c’est une partie de la grande agglomération industrielle de Rouen ou sévit encore et toujours l’exploitation des travailleurs, l’injustice et le chômage. Pendant des dizaines d’années, nous y avons mené de grands et beaux combats sociaux, aux ateliers de Quatre Mares, à Sopalin, à la poste, dans la métallurgie, la santé, la chimie... Je me souviens des piquets de grève de solidarité,  la nuit durant la grande grève avec occupation des papeteries de la Chapelle Darblay, au pied des cheminées géantes de l’usine. C’était  à deux pas de Saint Etienne.

 Je me souviens aussi d’une autre veillée, un peu plus tard. C’était le 25 décembre 2004, dans les locaux de l’église de Saint Etienne du Rouvray, au quartier du Château Blanc. Nous y passions la nuit de Noël, invités par le prêtre de l’église. Nous étions réunis là, avec mon camarade et ami Mohamed, marocain, musulman pratiquant et militant du Collectif Palestine de Rouen et Maha, une jeune infirmière venant des territoires occupés. Le prêtre de l’église était heureux d’honorer Maha en ce jour de fête, car elle était l’une des membres de la tournée syndicale palestinienne en France menée par Mahmoud Ziade. J’avais été un peu surpris de voir ce soir là Mohamed, très enthousiaste, entonner avec les fideles de l’église un chant de noël, pendant que je restais silencieux.  Et oui, un musulman peut aussi avoir l'envie de chanter dans une église. Car les  guerres de religions ne sont pas décidées par les peuples croyants, quelque soit leur religion.   Depuis des temps immémoriaux, ces fausses " guerres de religions"  sont tous simplement attisées par des tartuffes sans foi ni loi, adorateurs de leur propre image et de leur toute puissance haineuse. Ne leur faisons pas aujourd’hui le cadeau de désigner leurs crimes par le nom d’une religion qu’ils manipulent frauduleusement. N'oublions pas que le dictateur Franco, le sanguinaire, prétendait lui aussi qu'il avait été choisi " por la gracia de Dios"

Je ne suis pas croyant, ou plutôt j’essaie tout simplement de croire à la Vie, cette jolie bulle de savon, et aussi à l’Humanité. Je sais que mes amis musulmans, Juifs ou chrétiens expriment quelque chose de très proche, avec leurs mots à eux. Aujourd’hui, que nous soyons musulmans, chrétiens, juifs ou athées, la  violence et la haine déchainée par Daech  nous abasourdit. Nous restons  paralysés et sans voix, comme devant le spectacle  d’un barrage qui cède, emportant tout sur son passage.

 Mais attention, très vite, il faut se reprendre et réagir à la catastrophe.  Les grèves et les « nuits debout ! » du printemps dernier, les grandes mobilisations internationales pour le BDS, tout cela doit encore être  devant nous à la rentrée prochaine !. Car il nous faudra résister plus fort encore, et reprendre la rue et les luttes en criant: « no passaran ! ». Ce  cri, qui fut celui des républicains antifascistes ne s’adressera pas seulement aux terroristes fanatisés de Daech.

     Nous ne devons pas tomber dans les pièges tendus par les hommes du pouvoir en place et ceux de la droite et de l’extrême droite qui répondent à la haine par la surenchère à la haine.  Tous,ils nous appellent au « rassemblement contre le terrorisme islamique », c'est-à-dire au soutien inconditionnel à leurs politiques injustes et guerrières.  Un tel rassemblement serait celui  d’un troupeau peureux autour de son berger surarmé. Mais ce « berger » là est aussi notre ennemi. Nous autres, voulons  vraiment la Liberté, l’Egalité et la Fraternité qu’ils ont escamotées.  Nous voulons la résistance par le combat contre toutes les discriminations et toutes les injustices sociales! Nous voulons l’unité de tout le peuple travailleur, par delà les différences de couleur, de culture ou de religion. Notre résistance doit être un combat contre tous les fascismes, contre toutes les oppressions, et contre ceux qui sont au pouvoir et continuent d’alimenter le mal qui monte par leurs reniements, leurs guerres et leurs injustices sociales. Ils ont semé le vent cauchemardesque  qui vient de se lever. Car ce sont tous ces puissants du monde, de New York à Tel Aviv en passant par Paris, qui  alimentent chaque jour la haine, par  leur violence aveugle et sophistiquée et par l’arrogance de leur domination sur le monde.

J. P.

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