Ces derniers jours, je suis étonnée que Politis et Médiapart, appellent à voter Macron, contre le FN.
Médias indépendants, c’est-à-dire sans pub et financés par les ventes et les abonnements, ils m’avaient habitués à plus de respect de l’intelligence de leurs lecteurs, justement, parce qu’ils font un travail d’investigation et de réflexion suffisamment sérieux pour que je me sois abonnée.
Ces deux journaux, ont d’ailleurs un dossier FN bien documenté et bien fait. Après les avoir consultés, aucun lecteur « cohérent », ne peux envisager de voter FN.
JAMAIS !
De là à voter Macron pour … faire barrage au FN … puis, le combattre ???
En voilà une belle contradiction par rapport à la ligne éditoriale de chacun d’eux !
Depuis le début de cette campagne présidentielle, j’avais observé 2 choses qui m’agaçaient :
1) Le traitement de l’abstention :
- Dans chacun de ces journaux, chaque fois qu’ils ont traité de l’abstention, ils l’ont fait avec beaucoup de légèreté, d’approximation. Sauf erreur de ma part, et je n’ai sûrement pas ni tout lu, ni tout relu, je n’ai pas trouvé d’articles traitant de l’histoire de l’enracinement du refus de vote dans l’anarco-syndicalisme, l’histoire des libertaires qui, pourtant fut, à mon avis et à celui d’historiens, très représentative des luttes et des débats idéologiques au 19ème et début du 20ème siècle.
- Je n’ai pas trouvé non plus de grands développements la situant dans les débats philosophiques autour de la démocratie, Castoriadis, par exemple.
- Dès lors que le parti pris était d’ignorer ou de survoler que le refus de vote avait une histoire inscrite dans celle de la lutte pour la démocratie, de l’émancipation des populations, etc…, forcément les « conclusions » ne pouvaient pas être différentes des raccourcis des tenants d’une démocratie de représentativité : l’abstention, c’est le vote FN ; c’est faire injure à ceux qui sont morts pour l’obtenir ; si tu ne votes pas, alors, ne te plains pas et tais-toi…
2) Le traitement du mouvement France Insoumise :
- Je crois que l’un et l’autre de ces journaux, n’ont pas réussi à comprendre ce qui faisait la dynamique du mouvement. Trop loin des schémas de pensée habituels de ce qui a constitué à ce jour, l’histoire politique de la 5ème république : la mainmise d’appareils politiques et syndicaux sur la vie sociale et politique ; partis, syndicats structurés de telle sorte que l’appareil, la structure, quoiqu’il se passe puisse rester pérenne ; « centralisme démocratique » de fait qui ne laisse ni la place au débat, ni celle de la décision à la personne adhérente, bref la reproduction d’une démocratie de représentativité dans les appareils.
- France Insoumise, c’est, à ce jour, une tentative libertaire de mettre en actes, la liberté, l’égalité et la fraternité : chacun compte pour un, pas de parti, pas de chef, des porte-parole mandatés et relégables, dont Jean-Luc Mélenchon.
- C’est une tentative de réponse démocratique, solidaire et écologique à tout ce que la 5ème république ne pouvait que foirer en termes de démocratie et de citoyenneté.
Dès lors, qu’on passe à côté de ces deux aspects, on ne peut que se tromper sur les conclusions de l’analyse qu’on fait de la situation par rapport à ce mouvement, et, du coup, céder sans recul aucun aux antiennes du pseudo front républicain : « voter Macron pour faire barrage au FN ! »
Ceci dit, je ne crois pas que ces deux journaux, contrairement aux autres, aient un intérêt particulier à ce que Macron soit président, alors qu’ils font partie des rares à faire le boulot anti-FN, même hors période électorale, et qu’ils tentent la dé-banalisation du FN.
Par sondages interposés, nous savons depuis le début de la campagne que le FN peut être qualifié au second tour.
Pourquoi, alors, « le front républicain » n’a-t-il pas anticipé, et ne s’est-il pas battu bec et ongle contre le FN, tous candidats confondus, tous médias confondus, afin que celui-ci n’arrive pas au second tour ?
Il me semble que c’était une priorité « républicaine ».
Cela n’a pas été fait.
Hollande ne s’est pas trompé : sortant de sa réserve, une dizaine de jours avant le premier tour, il a insisté sur le « danger Mélenchon » et le « risque du FN et des extrêmes».
On voit où a été sa hiérarchie : France Insoumise un danger, le FN un risque, comme on parle de risque naturel !
Cette surprenante hiérarchie n’a pas été soulignée par les médias trop occupés depuis des mois à mettre dans le même sac France Insoumise, réduite à Mélenchon, et le FN.
Mais, elle n’a pas non plus été reprise par Médiapart et Politis.
Pourquoi ?
Cela aurait été pourtant l’occasion de clarifier les lignes et les orientations politiques, de les éclairer, de les mettre en débat.
Une telle phrase assassine, aurait dû être commentée.
En quoi France Insoumise est-il un mouvement qui met en danger ce que porte la 5ème république ?
Pourquoi, réduire le mouvement à une personnalisation via Mélenchon ?
Qui est, et/ou, qui soutien France Insoumise ?
Sans parallèle simpliste entre les deux mouvements, mais en relevant qu’il y a bien des points communs entre les deux, on assiste au même traitement, je devrais dire, même déchaînement, médiatique et politique que les Indignés et leur traduction politique Podemos, subissent en Espagne.
Tout le danger, c’est bien de savoir jusqu’où, des personnes, en demande de démocratie, « non contrôlées » par des appareils, peuvent-elles aller quand elles décident d’agir ensemble sur l’environnement toxique dans lequel elles vivent.
Le danger, c’est bien que, quand l’action démocratique se met en mouvement, personne ne peut savoir ce que cela va produire en terme de transformations sociales, économiques et environnementales.
Là encore, pourtant, l’histoire pouvait éclairer : on sait quel fut le traitement infligé aux libertaires de la CNT pendant la révolution et la guerre d’Espagne par les communistes, les socialistes et les franquistes, avec le soutien de fait, des « démocraties » occidentales.
Le choix fut simple : le franquisme (fasciste) plutôt que la démocratie pour chacun ! (Je sais que je fais court, mais le résultat est là).
Je peux comprendre que des médias propriétés de financiers, des politiques, des financiers, des grands patrons, se sentent directement menacés et tentent de stopper cette marche-là.
Je peux même comprendre que, des citoyens, pourtant de gauche, ne veuillent pas en prendre le risque, mais, eux et les médias citoyens, je les invite à réfléchir à ce que cela signifie, quel message cela véhicule ?
La démocratie peut être dangereuse, et en corollaire, tous les citoyens n’ont pas les mêmes droits à exercer leur citoyenneté.
Je vous le demande, à quand le permis de penser, de voter et pour qui ?
Dans le discours consensuel de ce 2ème tour, qui porte aussi, le déni de citoyenneté égale à chaque personne résidant sur le sol français ?
Même si je ne veux pas, à mon tour tomber dans l’amalgame, même si le déni de citoyenneté du FN n’est pas le même (droit du sang), et doit être combattu pour ce qu’il porte de violence active sur des pans entiers de populations, celui de la bien-pensance consensuelle, est lui, très insidieux, et du coup très cynique et violent aussi, par ce qu’il présuppose de fait, que la citoyenneté est inégale.
Il est donc beaucoup plus difficile à combattre.
Or, combattre cet hideux contresens sur le bien-fondé de la révolution constitutive de la république, c’est aussi, à minima, rejeter les thèses xénophobes et violentes du FN.
Alors, oui, je suis en colère contre ce terrible consensus auquel « mes » journaux participent aussi, qui fait de France Insoumise le responsable anticipé et désigné comme tel de ce que sera de toute façon l’après 7 mai.
Je ne sais pas ce que sera le devenir de France Insoumise, mouvement auquel je n’ai pas encore adhéré.
Ce que je sais, c’est qu’en tant que démocrate et libertaire, j’ai envie de lui donner une chance de rassembler, d’agir dans l’intérêt général, ici, en France et dans le monde, avec en exergue, la nécessité de démocratie, ce qui exige le respect de la liberté et de la dignité de chacun, la non-violence, l’action pour paix (et non la défense), l’action pour une planète saine et sûre, le tout nécessitant de fait, le droit pour chacun de satisfaire les besoins élémentaires et universels : logement, santé, éducation, énergie, culture
Pas de parti, pas de chef, une personne une voix, à exprimer et à voter, des porte-parole mandatés et relégables, une intelligence collective au service de tous, c’est ce que je nous souhaite.
Personnellement, je refuserai de voter le 7 mai : je refuse de cautionner cette farce unanimiste, donc anti-démocratique.