« Spécimen masculin, 1,87 m, belge », c’est ainsi que se définit lui-même Jos Houben. Quel sujet aborde-t-il pour nous faire rire ? Le rire lui-même. Son spectacle, une sorte de conférence théâtralisée, décortique tous les mécanismes comiques qu’il a pu expérimenter dans sa carrière d’acteur, de metteur en scène ou de professeur.

Après les Bouffes du Nord, le théâtre du Rond Point où le spectacle a affiché complet, le voici à Martigues. Comment en est-il arrivé là ? Réponse.
Qu’est-ce qui vous a déterminé à passer du travail de comédien en compagnie au spectacle en solo ?
Jos Houben - Ma curiosité peut-être. J’ai toujours été comédien et pédagogue à la fois. La transmission et l’apprentissage m’ont toujours fasciné. À un moment donné, à Londres, j’ai créé et mis en scène deux ou trois spectacles burlesques, un peu surréalistes, dans le genre Monty Python, qui ont eu beaucoup de succès.
L’humour y était assez violent, décalé et très physique. Dans le même temps, j’ai rencontré beaucoup de messieurs et de dames du music-hall anglais qui m’ont appris des astuces, des mouvements et qui ont fait que je suis tombé amoureux du monde du burlesque. Tout cela s’est inscrit dans mon corps et je l’ai enseigné. Je faisais des master-class et participais à des festivals. On me disait : « Vous ne pouvez pas monter ce que vous faites dans votre stage ? Ça tient debout, c’est intéressant, engageant, c’est même touchant, pourquoi ne pas le proposer au public ? »
C’est ainsi que naquit L’art du rire ?
J’ai donc inventé cette formule d’une heure à partir de ce que je faisais avec les élèves et qui s’appelle aujourd’hui L’art du rire. Je n’avais pas cette intention au départ, je ne cherchais pas du tout à faire du spectacle en solo. Alors que je jouais dans Fragments de Beckett mis en scène par Peter Brook, une de ses assistantes, qui avait vu le spectacle sur le rire en a parlé à Brook qui m’a demandé de le faire chez lui… Les Bouffes du Nord ! Ce temple du théâtre ! Comme Peter n’aime pas qu’on lui dise non, je l’ai fait.
Depuis nous n’avons jamais décroché le téléphone pour vendre L’art du rire. Le spectacle s’est vendu tout seul ! Le Théâtre du Rond-Point l’a repéré, volé presque… je suis déjà passé deux fois un mois et je dois y repasser encore un troisième mois… Je suis un peu perplexe quant à ce phénomène, qui me fait dire que parfois on trouve ce qu’on ne cherche pas !
Qu’est-ce qui a évolué depuis la master-class du début ?
Au départ c’est une démarche pédagogique, légère, pour divertir les gens, qui ne s’adressait pas à un public de spécialistes. Je joue beaucoup plus de choses aujourd’hui. J’ai construit un personnage, c’est plus sculpté, beaucoup moins improvisé. Mais c’est la même chose que ce que j’ai conçu la toute première fois. Je suis fier de ce bébé !
Quel personnage avez-vous construit ?
Quand on enseigne on a quelque part un personnage, un comportement, une façon de bouger, de parler. J’ai grossi le trait si vous voulez. Parfois je donne à ce professeur une certaine folie, mais attention, c’est subtil, je n’appuie pas sur l’excentrique et le comique et je reste dans mon sujet !
De quel rire est-il question dans votre master-class ? Est-on du côté de Gargantua, de Bergson ?
Je n’utilise que mes expériences personnelles. J’ai toute la littérature sur le rire à la maison. Parfois, j’hésite, je lis… mais je ferme très vite Bergson et tous les autres parce que ça contamine ce que je fais. Le spectacle n’explique pas à proprement parler pourquoi et comment on rit. C’est un acte de tendresse pour un public : je le réveille, je le déséquilibre, je le rééquilibre…
C’est un spectacle qui part du corps et de son comportement. Il décrit la façon dont nous sommes sensibles aux phénomènes de déséquilibre, de décalage, dans nos rapports avec l’espace et dans nos rapports avec les autres.
Quel message voulez-vous faire passer à travers ce spectacle ?
Plusieurs messages peut-être, que je découvre avec le public. C’est un spectacle « source ouverte ». J’écoute les gens, j’introduis même des phrases que l’on me donne. Un des messages pourrait être : nous sommes tous un peu en état d’amnésie de notre corps et de ses possibilités spontanées lorsqu’on ne cherche pas l’exploit pour l’exploit mais pour le plaisir d’exister et de bouger.
Le spectacle propose comme une tentative de réconciliation de chacun avec son propre corps. Soyons contents d’être là, avec les autres, comme on est ! Avec des permanences : nous sommes verticaux, on a un poids, on a des sensations de compression dans les genoux et chacun danse avec ! — Propos recueillis par Marie-Hélène Bonafé
13 | Martigues, Théâtre des Salins, le 11/04, tél. 04 42 49 02 00, www.theatre-des-salins.fr
Repères
Jos Houben étudie la philosophie à Louvain puis se retrouve à l’école Lecoq à Paris, où il croise Simon Mac Burney avec qui il fonde le théâtre de Complicité à Londres. Après dix ans de tournées mondiales, il quitte la compagnie pour réaliser ses propres projets. Il se passionne pour le théâtre musical et travaille notamment avec Georges Aperghis et Mauricio Kagel. Il croise également la route de Peter Brook, une rencontre décisive dans son parcours. Devenu professeur à l’école Lecoq, où l’on étudie particulièrement le langage du corps au théâtre, il vit actuellement en France.