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Billet de blog 29 octobre 2021

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J'ai testé pour vous : deux semaines de "miracle morning"

Se lever chaque jour à 5h du matin pour jouir (enfin) de quelques heures avec soi-même, est-ce vraiment possible (et souhaitable) ?

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Illustration 1
© SHVETS (Pexels)

Voilà des années que je refuse toute confrontation avec un réveil matinal, préservant ainsi mes sacro-saintes neuf heures de sommeil. Pourtant, malgré une routine du soir tellement constante que même mon chien s’est habitué à aller dormir à 22h pétantes, impossible de fermer l’œil avant minuit, avec quelques réveils à 1h, 3h, 5h et 7h du matin. Résultat : je ne supporte pas les heures matinales. 

Et puis, il y a quelques mois, on m’a offert le petit bouquin intitulé « The Miracle Morning ». Je vais rester dans la franchise : je hais les bouquins de développement personnel, et la méditation me fout de l’urticaire. J’ai donc mis 7 mois avant d’ouvrir ce livre, et de m’y plonger. Parce que oui, même si je n’ai rien à développer personnellement, j’ai voulu savoir si oui on non, y’avait moyen de trouver un peu de temps pour moi dans l’emploi du temps de ministre (moins la thune) qui me sert d’agenda. Spoiler : oui, mais pas merci le capitalisme, mes handicaps et mon auto-critique permanente. 

PREMIERE SEMAINE : MOI ET MOI EN DATE A 5H DU MAT'

Jour 1 : le silence, rien que le silence

5h du matin, le réveil sonne. Franchement, je n’ai pas de mal à me lever, je crois que c’est l’excitation d’entamer un truc nouveau, rien de plus, rien de moins. J’engloutis un grand verre d’eau, histoire de faire disparaitre le gout de la nuit. Il parait que se brosser les dents aide aussi à se réveiller. Je confirme. Et puis soudain, ça me frappe. Emmitouflée dans mon gilet-couette (un vrai gilet-couette, eh oué), j’apprécie enfin le silence absolu de ma maison, au cœur d’une ville encore endormie. Je réalise à ce moment là que c’est exactement ce qui me manque au quotidien. Du silence, le vide, juste moi avec moi-même, et quatre heures devant moi pour faire absolument tout ce que je veux. 

Ce jour-là, je veux suivre la routine présentée dans le bouquin. Casque sur les oreilles, je commence par 10 minutes de méditation. Bon, j’ai déjà ruiné 5 minutes de ma matinée à chercher un podcast sans bruits de bouche, ma hantise. Puis 10 minutes à lutter contre l’envie de me rendormir au rythme de la voix posée et douce de l’autrice du podcast. 

J’ouvre le bouquin pour entamer la suite de la routine : « 10 minutes de visualisation ». Ouais. Nan. Franchement, les trucs de méditation, visualisation, affirmation, très peu pour moi, ça me met mal à l’aise. Et comme je n’ai pas pour habitude de me forcer face au malaise, je laisse tomber, et empoigne pinceaux et aquarelles pour 20 minutes de dessin dans mon carnet d’écriture. En page de gauche, les objectifs que j’aimerais atteindre (dans la journée, dans la semaine, dans la vie) et un dessin random, et à droite, une page d’écriture, les trucs que je ne veux plus avoir en tête, mais aussi mes réussites, les choses dont je suis fière. On ne va pas se mentir, ça fait bien cinq ans que je n’avais pas écrit dans un carnet, ce qui ne m’a pas empêché de continuer à en acheter. Je suis donc plutôt heureuse de noircir ces quelques pages, et de les colorer. 

Après ce moment edgy, j’enfile ma tenue de sport, et me décide à affronter le monde extérieur pour une petite course à pieds. A peine le pied posé dehors, c’est la peur qui vient m’envahir : il fait nuit noire, il n’y a personne. « Si je croise un mec malintentionné, je suis dans la merde, et on me dira que je l’ai bien cherché ». Purée, ta gueule la petite voix, j’essaye de me reconnecter avec moi-même comme le monsieur du bouquin, et y’est pas marqué que je dois me chier dessus de peur. Pas merci le sexisme, pas merci les traumas. Je ne saurai jamais si c’est grâce au miracle morning ou à cause de l’angoisse, mais ce jour là, j’explose mon record en course à pied, et atteins enfin les 6min au kilomètre. J’en suis fière, ouais. 

Voilà bien le premier point positif de ce miracle morning : je prends enfin le temps de faire ce que j’aime le plus, écrire pour moi-même, me vider l’esprit au fil des lignes, puis me défouler. 

Jour 2 : sieste, mon amour

Obstinée, je retente la méditation. Mis à part une to-do list pour ma journée, je ne vois pas quoi en tirer. J’en conclus que la méditation, ce n’est définitivement pas pour moi, j’ai l’esprit qui divague (vague), et refuse catégoriquement de se fixer sur les propos de l’autrice. Je passe donc à l’écriture un peu frustrée. 

Côté exercices physiques, hors de question de réitérer la course poursuite contre mes angoisses de la veille. J’opte donc pour du gainage, mais on ne va pas se mentir, on se fait vite chier ici. Pas moyen de faire tenir le casque sur mon crâne dans les différentes positions, ça m’agace, donc je me retrouve à devoir souffrir en silence. Franchement, bof/20, don’t recommand. 

Je constate qu’il me reste 2h30 à occuper. Je décide d’écrire (enfin) la structure du livre que je souhaite tant écrire. PAF, 1h30 plongée dans ces lignes qui me tiennent tellement à cœur, un vrai plaisir. 

Dans la journée, le stress me prend : je donne cours ce soir en plus de ma journée de travail. Comment tenir ? Sur ma pause de midi, je me lance dans une sieste de 30 min (+ 30 min pour réussir à m'endormir). Sincèrement, sans ces minutes salvatrices, mes élèves auraient eu droit à un revival de The Walking Dead. Pas ouf.

Jour 3 : 6h du matin à la salle, le paradis… empoisonné ?

Cette fois-ci, adios la méditation, je passe directement à l’écriture et au dessin, avant de tenter un petit tour à la salle à 6h du matin. Bon, ladite salle de sport se trouve au bout de ma rue, et je n’aurais certainement pas tenté l’expérience s’il avait fallu prendre les transports en commun ou la voiture, soyons honnêtes. 

6h pétantes, je passe la porte de mon temple de la muscu. Là, c’est le bonheur absolu : AUCUN MEC A L’HORIZON. Aucun être humain, en fait, seulement la dame de l’accueil. Mon paradis. Je suis presque perdue devant l’étendue des possibilités à ma disposition. Que faire ? Les abdos, les bibis, le fessiers, LES MOLLETS ? EST-CE QUE ÇA SE MUSCLE LES CHEVILLES ? Bref, génial. 

6h30, le premier mec passe la porte, je fais mes étirements, et je me casse. That’s a wrap.

Jour 4 : MA routine

En rentrant à la maison après la salle, c’est la satisfaction qui m’envahit. Je me rends compte que j’ai enfin identifié un créneau où je peux tranquillement m’entrainer, sans commentaire pourri, sans conseils non sollicités et inutiles… Et puis la colère. Pourquoi devrais-je me lever à 5h du matin pour aller à la salle l’esprit libre ? Pas merci le sexisme. 

Je prends alors un moment pour déterminer MA routine idéale, et c’est on ne peut plus simple : réveil, verre d’eau, brossage de dents, écriture, lecture, exercices physiques, puis travail sur des projets personnels. Chouette.

Jour 5 : la satisfaction d’être avec soi-même 

5h du matin, 5ème jour. On ne va pas se mentir, je me lève fière de moi. J’ai réussi à me réveiller à 5h du matin et à affronter ma journée tous les jours de la semaine. Une chose me saute aux yeux : toute la semaine, j’ai eu bien moins de difficultés à gérer les interactions sociales de la journée, justement parce que j’ai eu le temps de « recharger mes batteries » en me mettant dans ma bulle pendant 4 heures au préalable. D’ordinaire, une fois ma journée terminée, j’ai de véritables difficultés à interagir avec mon compagnon, épuisée par les échanges professionnels ou non que j’ai pu avoir tout au long de la journée. Là, cinq jours durant, j’ai ressenti bien moins de fatigue. Bon, soyons clairs, mon autisme n’a pas pris la poudre d’escampette (et je m’en porte très bien, j’aime ma bulle et je n’ai pas de mal à le faire savoir), hein. 

Pourtant, malgré tout ce positif dans mon bilan de première semaine, un doute persiste. Serai-je capable de faire de même les jours de crise d’endométriose ?

Week-end : rêve pas, c’est mort, dans aucune dimension je me lève à 5h du matin un week-end.

C’est non, n’insiste pas.

DEUXIÈME SEMAINE : LES PROBLÈMES (ET LA SOLUTION)

Jour 1 : le pacte de non-agression de 6h du matin 

6h du matin, retour à la salle. Déception : trois mecs sont déjà là. Pourtant, le calme règne, et chacun se concentre sur ses bibis respectifs. Existerait-il un pacte de non agression de 6h du matin à la salle dont je n’aurais pas connaissance ? Nos cernes nous protégeraient-elles des propos non sollicités ? Spoiler : non, sinon les miennes auraient déjà fait leur effet depuis leur apparition et non disparition à mes 21 ans. 

Tant de questions, si peu de réponses. 

Jour 2 : endométriose, mon (dés)amour

3h du matin, le réveil ne sonne pas, mais mon utérus brule. Dans mon ventre, c’est la fiesta endiablée. Torsion des ovaires, incendie dans mes intestins, migraine terrible. Ah, l’endométriose fait son miracle morning. Yes. Super. 

Impossible de lutter, et surtout pas envie. J’engloutis mes antidouleurs, et me rendors. De toutes façons, je donne cours ce soir en plus de ma journée de travail, et d’expérience retenue la semaine passée, je ne peux pas tenir une telle journée avec un miracle morning, pas assez de carburant. 

Dodo time.

Jour 3 : ne pas répéter les mêmes erreurs 

3h du matin, rebelote. L’endométriose pousse la fiesta, et fait son after 24h après son entrée. CASSE TOI PURÉE. Je tente quelques étirements pour calmer la douleur. Echec. Je prends mes antidouleurs, un grand verre d’eau, et me rendors. 

5h du matin, je m’extirpe du lit (difficilement). J’écris mes petites lignes, lit trois pages de mon bouquin et… sombre dans une deuxième nuit, épuisée par ma crise d’endo. 

Note personnelle : l’endométriose n’est pas compatible avec ce miracle morning en période de crise. Ne pas réitérer l’expérience. 

Jour 4 : la guerre de l’endomètre 

La veille au soir, je sens la crise venir. Migraine, fatigue intense, envie de pleurer sans raison apparente, douleur dans le dos et le bas du ventre. Ça ne loupe pas, à minuit, je lutte encore pour m’endormir et la douleur monte. Je chope la boite d’antidouleurs… Personne à bord, nada, niet, les antadys ont quitté le navire. 

Ma guerre contre l’endomètre durera jusqu’à l’aube, et je ne trouverai le sommeil qu’à 6h du matin. Pas de miracle morning pour moi. J’ai le moral en miettes, je me sens nulle. Le monsieur du livre disait pourtant que c’était si facile, à la portée de n’importe qui. Alors pourquoi pas moi ? Parce que t’as des handicaps, Val, et que c’est comme ça. Comme d’habitude, on ne me parle pas. 

Jour 5 : Mes handicaps et moi 

Cinquième jour, je décide enfin d’arrêter de lutter psychologiquement contre moi-même, et de baisser les armes. Je n’ai tout simplement pas à m’en vouloir d’avoir des handicaps, et de ne pas réussir à coller aux standards du développement personnel mon cul. C’est chouette le développement personnel, quand ça ne devient pas une contrainte et une course à la perfection superficielle. Comme énormément de choses (voire toute) dans notre chère société, le développement personnel, ou du moins les méthodes majoritairement mises en avant, ne prennent pas en compte les handicaps, ne les mentionnent pas, ne déculpabilisent pas les lecteurs/auditeurs/spectateurs handicapés de ne pas réussir à remplir toutes les cases et étapes des méthodes présentées. Et c’est nul. 

Personnellement, j’arrive rapidement à me reprendre en main et à cesser de culpabiliser, mais ce n’est pas le cas de tout le monde, et ça ne devrait pas relever de notre responsabilité. On ne devrait pas subir cette culpabilisation constante. 

En somme, je ne peux pas dire ce que ce miracle morning a de si miraculeux, si ce n’est que lorsqu’il est possible de se lever plus tôt pour profiter de soi même, ces moments sont plutôt agréables, et franchement chouettes. Mais d’un autre côté, ce temps là aurait déjà été à ma portée si je n’avais pas d’obligations professionnelles. Bref, pas merci le capitalisme, mais merci à moi même d’être aussi agréable en date matinal solo.

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