dossier argentine | Portrait Juan Carr | Un entrepreneur social à la rescousse de l'Argentine
Pourtant, ce vétérinaire, professeur de biologie de 42 ans est à l’origine d’un système d’entraide, la Red Solidaria (traduire Réseau Solidaire), semblable à une grande entreprise de services à vocation humanitaire. Le principe: mettre en relation des gens qui ont des besoins et ceux qui peuvent les combler. Une manière de compenser de nombreuses carences de l’état en Argentine.
L’aventure naît en 1995, dans les faubourgs de Buenos-Aires.« Beaucoup de choses commençaient à ne plus tourner rond en Argentine. Nous voulions agir, mais nous n’étions que cinq professionnels aux emplois du temps chargés. L’idée: créer un système permettant d’aider efficacement notre prochain en optimisant notre temps libre. Nous avons acheté un ordinateur, installé un téléphone et nous nous sommes mis au travail. »
Le chômage, les enfants disparus, la faim, chaque problème appelle une solution. « Notre premier atout, c’est l’engagement de milliers de collaborateurs qui s’impliquent et donnent de leur temps » explique Juan. 35 volontaires répondent au téléphone à domicile, chacun 3h par jour, et renvoient les gens qui demandent de l’aide vers les 350 organisations affiliées au Réseau. Un système ingénieux, simple et efficace. Si un donateur veut léguer une chaise roulante, on le dirige vers une association spécialisée : on évite ainsi l’étape du stockage et toute formalité administrative. Pas de bureaux, pas de budget, seul coût fixe: la facture de téléphone de 200 euros par mois.
Promu porte-parole des plus nécessiteux, Juan n’hésite pas à enchaîner les plateaux-télé et les émissions-radio, prêchant aussi bien pour l’ouverture d’une cantine scolaire que pour la non-violence dans les affaires d’enlèvement qui secouent l’Argentine.« Je suis seulement un citoyen qui a décidé de changer la réalité de son pays » dit-il modestement. Et son engagement quasi-sacerdotal porte ses fruits: depuis la création du Réseau, près de 300 000 appels et 45 000 mails ont été échangés, apportant de l’aide à 500 malades du Sida, 200 000 victimes d’inondations, 168 écoles rurales…
Son ambition affichée est de transcender les frontières du pays et généraliser la culture de la solidarité. Il y a déjà partiellement réussi puisque l’expérience a été tentée avec succès à Barcelone, Paris, Prague, Washington ou Boston. Mais dans sa boulimie d’action, Juan Carr en veut plus. Pour preuve, cet e-mail adressé à ses correspondants étrangers début mai : « Une grande famine en Angola fait des milliers de victimes. Connaissez-vous quelqu’un sur place ? Pouvons-nous faire quelque chose ? ».