Que dire aux milliers d'espèces disparues ? Aux milliers d'hectares partis en fumée ces derniers mois ? À notre eau, à nos paysages et à notre air ? Que dire à nous-même ?
Lui dire que nous lui déclarons la guerre. Car oui : en déclarant la guerre à ce virus, notre chef d’État déclare la guerre à la Vie. Plaçant l'espèce humaine dans une position d'affront face une forme de vie qui diffère de la nôtre et qui, désormais, lui confère une qualité d'ennemi. En matière de Vie et de considération de l'autre, qu'il soit Homme ou non, notre manque d’exemplarité ne nous confère le droit ni de donner des leçons ni de déclarer la guerre à quiconque. Et ce d'autant plus que l'activité humaine n'est sans doute pas extérieure à la naissance de ce virus.
Déclarer la guerre à la vie, c'est oublier que nous ne sommes qu'Un. Toutes les espèces interagissent, se complètent, s'opposent au sein d'un Tout dans lequel nous nous inscrivons aussi. Que nous le voulions ou non.
Je ne suis donc pas en guerre contre ce virus. Je ne suis pas plus en guerre contre les cellules qui me composent, les bactéries qui m'agrémentent et les insectes qui me distraient. Je ne comprends d'ailleurs pas mieux cette obsession de vouloir sans arrêt se placer dans un rapport de force. Cette injonction "nous sommes en guerre", marteler comme un harcèlement, sonne comme une marque d'arrogance, comme un manque de réflexion certain. Unir sous le signe de la guerre, c'est unir sous le signe de la peur et de la haine. Attaquer c'est aussi refuser de changer. Qu'il n'en déplaise à M. Macron, persuadé ici de tenir sa seule occasion d'apparaitre comme un chef d’État Fort, au sommet du combat.
Le but n'est pas d'attaquer, mais de comprendre pour mieux agir. Comprendre nos erreurs, nos manquements. Interroger nos mode de vie, nos mode d'agir et d'organisation. Et alors, il nous faudra lutter contre le vrai mal. Je pense à cette mondialisation omniprésente, nos priorités parfois floues voire inconcevables, notre manque de préparation face à ce type d'épidémie et, plus généralement, notre incapacité à tirer les leçons du passé. Là seulement sera la guerre.
Nous devons agir certes, et dans la tolérance plutôt que l'affront. Mais nous devons aussi comprendre. Nous remettre en cause plutôt qu'attaquer, le poing rempli de certitudes.