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Billet de blog 27 mai 2014

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Grèce : observations sur les élections

Les 18 et 25 mai 2014, la Grèce a connu une triple séquence électorale : municipales, régionales et européennes.

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Les 18 et 25 mai 2014, la Grèce a connu une triple séquence électorale : municipales, régionales et européennes.

Elections locales : résistance du bipartisme traditionnel, renforcement de la gauche, néonazis et berlusconisme municipal

En remportant les deux principales villes du pays (Athènes, Thessalonique) et 11 des 13 régions, les candidats soutenus par la coalition gouvernementale de la Nouvelle démocratie (droite conservatrice) et du Pasok (parti socialiste), parviennent à limiter l’ampleur des dégâts.

Le principal parti d’opposition, Sy.riz.a (Coalition de la gauche radicale), remporte pour la première fois deux régions, en particulier l’Attique, la plus riche et la plus peuplée avec près de la moitié des habitants du pays. A Athènes, Sy.riz.a s’est qualifié au second tour et a perdu de peu la capitale, avec près de 49 % des votes.

Les néonazis d’Aube dorée confirment leur implantation en réalisant 16 % au premier tour des municipales à Athènes. Ils atteignent même près de 20% dans certains bureaux de votes de quartiers populaires tout en réalisant des scores à deux chiffres dans certains beaux quartiers de la capitale.

Les élections locales confirment également l’émergence d’un berlusconisme municipal avec l’élection au Pirée, le port d’Athènes, du vice-président du plus grand club de football du pays sur la liste duquel figurent le propriétaire actuel du club, le fils du précédent propriétaire et la fille d’un des anciens propriétaires du même club, le tout avec le soutien, non officiel, de l’Aube dorée… Ce phénomène n’est pas isolé étant donné qu’à Volos, le propriétaire du club de football local est également élu maire, avec un lourd passé juridique à son actif et le soutien d’une partie de la droite et de l’extrême droite.

Européennes : victoire de la gauche, défaite partielle du gouvernement et poussée des néonazis.

Les élections européennes se sont déroulées dans un climat politique tendu. Les caractéristiques du scrutin – une seule circonscription, enjeux quasi-exclusivement nationaux, dimension de referendum pour ou contre le gouvernement – permettent de considérer que ces élections ont donné une image fidèle du paysage politique grec actuel.  Avec 60 % de participation (équivalente à celle des dernières législatives en 2012), ces élections n’offraient pas uniquement l’occasion d’un vote défouloir mais pouvaient également déboucher sur des élections législatives anticipées en cas de lourde défaite de de la coalition gouvernementale (ce que même certains ministres reconnaissaient à demi-mots).

Au final, les résultats du 25 mai permettent à pratiquement tous les partis de se déclarer satisfaits.

Avec 26,6 %, Sy.riz.a arrive pour la première fois en tête d’un scrutin national, confirme sa dynamique et exige la tenue d’élections anticipées, considérant que le gouvernement a été désavoué dans les urnes.

En réalisant 22,7 %, les conservateurs de la Nouvelle démocratie, principal parti de la coalition gouvernementale, connaissent une baisse de leur puissance électorale (29,7 % en 2012) mais cette baisse est assez limitée au regard de l’impopularité du gouvernement et des mesures d’austérité draconiennes qu’il applique.

De plus, le résultat moins catastrophique que prévu de son allié gouvernemental, le Pasok (PS grec se présentant sous la bannière de l’Olivier) permet à la coalition au pouvoir d’apparaître toujours majoritaire en pourcentage. En effet, le Pasok réalise 8 %, résultat bien faible comparé aux législatives de 2012 (12,3 %) et surtout de 2009 (44 % !), mais s’estime très heureux de ce résultat, alors que les sondages prédisaient sa quasi-disparition.

En remportant 9,4 % des suffrages, l’Aube dorée devient le troisième parti du pays et accroît son pourcentage par rapport aux législatives de 2012 (6,7 %). Avec près de la moitié du groupe parlementaire en détention provisoire ou mis en examen suite à l’assassinat d’un militant antifasciste à l’automne dernier, alors que son discours nazi, raciste et xénophobe est désormais connu de tous, cette montée en puissance confirme que les néonazis ne sont pas simplement un phénomène conjoncturel.

Quelques conclusions

Les élections des 18 et 25 mai n’ont pas changé fondamentalement le paysage politique grec. Le gouvernement de coalition et l’opposition de gauche ont mesuré leurs forces et sont désormais en ordre de bataille en prévision des prochaines législatives, qui pourraient intervenir dès 2015.

Soulagé d’avoir évité les législatives anticipées, maniant toujours l’argument de la réussite économique des mesures d’austérité, après six années de récession, le gouvernement prépare un remaniement ministériel. En parallèle, le Pasok se croît capable de renaître de ses cendres et ambitionne de recréer un pôle social-démocrate.

De son côté, Sy.riz.a souligne que le gouvernement est désormais illégitime car désavoué par les urnes. Il se pose comme l’incarnation d’une autre politique économique et sociale non seulement au niveau national mais également européen, étant donné qu’il représente la seule victoire de gauche au sein de l’Union dominée par les conservateurs et la poussée des réactionnaires. La question de la capacité de Sy.riz.a à former une coalition de gouvernement est désormais régulièrement évoquée et son leader, Alexis Tsipras, n’hésite plus à lancer des appels, sans destinataires bien identifiés à ce stade, afin d’écrire une nouvelle page dans l’histoire politique grecque.

L’installation de l’Aube dorée comme acteur politique incontournable pose avec encore plus d’acuité la question de l’attitude à observer vis-à-vis de ses électeurs. Alors que Sy.riz.a et Nouvelle démocratie s’accusent mutuellement de chercher à les courtiser, les personnes qui ont apporté leur suffrage à un parti aux thèses explicitement néonazies représentent le symptôme le plus flagrant des dysfonctionnements d’une démocratie de basse intensité, dans laquelle les institutions et la parole politique sont totalement décrédibilisées.

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