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Billet de blog 28 avril 2017

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L'abstention: un sursaut républicain!

La crise politique engendrée par les résultats du premier tour est assez forte pour justifier l'abstention ou le vote blanc. Mais cette option reste souvent un acte de colère et de dépit. Elle peut aussi devenir un acte symbolique de désobéissance civile donnant le ton d'une nouvelle étape de la lutte pour une politique digne de ce nom.

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L’abstention, sursaut républicain !

Après le premier tour des élections, la plupart des candidats à l’Elysée appellent les français à un sursaut républicain pour contrer le Front national.

Un appel qui semble témoigner des valeurs les plus nobles : responsabilité, lucidité, valeurs de la République… Le spectacle et les discours font vibrer la corde sensible de l’électeur sérieux.

Mais, à y regarder de plus prêt, les choses ne sont pas si simples.

Qu’est-ce qui a assuré le développement du Front national ? N’est-ce pas la politique néolibérale qui s’est développée dans notre pays au milieu des années 70-80 ? Ce courant de pensée naît dans les années 1950 aux USA et prend corps dans le Consensus de Washington après la deuxième guerre mondiale pour conduire la mondialisation libérale. Lentement, mais sûrement, ce mouvement s’est assuré une domination symbolique, économique et politique sans partage, brouillant la frontière entre la droite et la gauche. Il démantèle, sans le proclamer, l’Etat social mis en place après la deuxième guerre. La politique de l’UE est l’illustration exemplaire de cette politique.

Dérégulation, privatisation et libéralisation, financiarisation, les principes du Consensus de Washington ont remplacé l’humanisme qui fondait la Déclaration de Philadelphie (1944). Elle inspira dans les pays occidentaux les Constitutions avec la reconnaissance des Droits sociaux (santé, éducation, retraite …). L’expérience de la guerre avait appris que la violence nait de l’injustice qui engendre la misère.

L’accumulation obscène de l’argent entre les mains d’une minorité s’est développée avec l’explosion de la précarité, du chômage et de la misère. Cette politique engendre un tel ressentiment qu’un grand nombre de nos contemporains se tourne vers le repli sur soi et le rejet de l’étranger. Défenses psychologiques contre l’angoisse provoquée par cette situation. Les fondements de la démocratie en sont ébranlés. L’enjeu d’une telle crise est bien la survie de la République.

Mais qui sont ceux qui ont engendré cette crise ? Ne sont-ils pas  les artisans de cette politique libérale ? Ceux-là même qui crient « au feu » ! Et qui maintenant se présentent comme des sauveurs ? Leur politique est la cause de la crise et ils se présentent comme la solution à la crise. Ils trouvent dans la crise, non une remise en cause de leur politique, mais une justification pour la continuer. La politique libérale est présentée comme le salut, l’Etat social est présenté comme un archaïsme dépassé. Les fossoyeurs de l’humanisme s’en font les héros.  Pervertir, c’est mettre sens dessus-dessous. Cette logique est fondamentalement perverse. Le néolibéralisme fait de la démocratie et de la République des concepts trompeurs  et  vides de sens. Il engendre un effondrement du débat politique qui fait le terreau des nouveaux fascismes.  Talonnés par la misère, la précarité comme seul avenir, beaucoup sont tentés par l’ordre et l’exclusion plus que par le débat démocratique. L’extrême droite se nourrit des effets du néolibéralisme.

L’histoire récente nous montre que cette politique n’a pas de limite, elle se fortifie des crises qu’elle provoque. Comme en témoigne la crise de 2008 : la financiarisation de l’économie n’y a pas été remise en cause, elle s’est accentuée au détriment des peuples : la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie.... L’explosion des suicides dans ces pays en est l’aveu  le plus insoutenable. Cette logique qui se nourrit des crises qu’elle engendre nous conduit vers une crise sociale sans précédent, à la mesure des crises écologiques qu’elle provoque dans le même élan. Crises qui sont déjà là.

Et si le prochain rendez-vous aux urnes était celui de l’abstention et du vote blanc: un acte de désobéissance civile, comme le théorisait Gandhi?  Pour transformer l’élection présidentielle en référendum pour une autre politique ? Un acte collectif et non violent qui transformerait la colère et le dépit en rupture. Un geste symbolique  qui donnerait le ton d’une nouvelle étape de la lutte. En trois mots: un authentique sursaut républicain.

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