Quand je regarde mes contacts Facebook, la plupart d'entre vous auraient opté pour le vote blanc parce qu'aucun candidat ne répondait à vos attentes ou auraient voté pour Mélenchon parce qu'il portait un projet de société à taille humaine et bla bla bla. Moi j'aurais sans doute voté pour lui : ce grand malade voulait faire réécrire la constitution par des assemblées citoyennes, etc etc.
Qu'est ce qui nous pousse à soutenir ce genre de projet ?
Qu'est ce qui fait qu'on se verrait bien accueillir les réfugiés, peu importe d'où ils viennent et pourquoi ils se sont tirés de chez eux ?
Qu'est ce qui nous pousse à partager nos maigres ressources avec les plus démunis ?
Pourquoi cotise-t-on auprès de nos centrales syndicales ?
Pourquoi trouvons-nous normal – casse-pied mais normal – de se voir ponctionner une partie de notre paie pour que puisse fonctionner la sécurité sociale ?
Bref, pourquoi avons-nous le cœur à gauche ?
Rousseau disait que « par nature, l'homme est bon ». Moi, je crois que Jean-Jacques fumait de la bonne.
Moi, j'ai toujours su au fond de moi que « l'homme est un loup pour l'homme » comme l'a écrit Thomas Hobbes.
L'homme est un loup pour l'homme jusqu'à ce qu'il aille à l'Ecole. Où plutôt jusqu'à ce qu'on l'école. Que les 2-3 personnes de droite qui ne m'ont pas viré de leurs contacts se rassurent. Celui qui a dit cela n'est pas Marx, Lénine ou Fidel qui l'a dit.
Non, ce n'est que moi.
Etre de gauche. C'est la chose la moins naturelle qui soit.
Ce n'est pas inscrit dans notre cerveau reptilien. J'y connais rien en neurologie et j'ai autre chose à foutre mais moi, je crois que le cerveau reptilien, c'est lui qui guide quand on mate le journal télé ou quand on va voter.
Agression, défense, fuite, voilà les options de base.
Etre de gauche. Croire que la grandeur d'un Etat ou d'un être humain se mesure à la façon dont il traite les plus faibles. Savoir qu'il y a assez de ressources sur cette planète pour que tout le monde aie un toit et bouffe à sa faim, au chaud. Cela ne va pas de soi.
Etre de gauche. Rencontrer la différence et se dire que c'est cool la différence. Se faire aborder par un inconnu en rue qui demande l'heure ou une pièce de monnaie.
Agression, défense, fuite, voilà les options de base. Ecouter, rencontrer, accueillir, voilà les options de gauche.
Mais, ces options, nous ne sommes pas nés avec. Ces options nous ont été transmises par l'éducation.
C'est un prof à l'école. C'est un bouquin poussiéreux. Un ami venu de loin. Un inconnu dans un train. Des préceptes religieux ou philosophique. Ou le voisin - « Putain, t'as vu les conneries qu'ils débitent à la télé ? ». Ou un mec dans un bar. Un éduc. Un artiste. Un ouvrier en pause. Le boucher. Le coiffeur.
Bref. Quelqu'un, un jour ou plusieurs personnes, plusieurs jours, vous ont transmis le courage, la force, mais surtout la logique de gauche.
Moi, j'imagine que ce sont mes parents. Merci à eux. Et les lectures. Steinbeck. Zola. La Beat Generation. Le Che, évidemment. Camus, essentiel. Et puis certains sociologues (Bourdieu, Castel).
Quand on a compris les principes de gauche, il n'est nullement besoin de lire tout Karl Marx pour se rendre compte que le monde tourne mal et agir en conséquence.
Bref. A ceux qui sont déçus aujourd'hui : soyez tous, dès demain matin, les éducateurs qui feront qu'après-demain, les personnes qui croiseront votre route seront sensibilisées aux principes humanistes de gauche.
Pas besoin d'une élection pour façonner le monde de demain – même si bien sûr, ça pourrait aider.
Le monde de demain, ce n'est pas un Parti ou un homme politique providentiel qui va le bâtir. Ni Jean-Luc, ni Raoul.
Non.
Ce monde là, c'est nous qui allons le construire et on en est tous responsables. En plus, quand on y pense: le monde qui nous fait rêver, plus juste, plus égalitaire, parole au citoyen et tout et tout... Il n'a jamais existé dans nos sociétés occidentales. On l'a rêvé, on court après comme si on l'avait perdu il y a longtemps. Mais aucun homme de gauche ne l'a vécu.
Éduquons notre prochain, qu'il soit jeune ou vieux. Expliquons ce qu'est Unilever ou AbInbev (oui, en tant que belges ça nous fera mal mais bon... une bière se déguste encore mieux quand elle est équitable...). Expliquons, sans juger ni moraliser, pourquoi ça craint d'aller acheter des fringues chez Primark. Expliquons ce qu'est la dette, ce qu'est la crise, ce qu'est Daesh. Ce que sont TF1 et RTL, Belfius et BNP Paris-Bas.
Expliquons pourquoi on n'a pas besoin de ces putains d'avions de chasse ni de militaires en rue.
Réfléchissons collectivement. Organisons-nous. Révoltons-nous contre les injustices en agissant, pas juste en écrivant. Sortons de chez nous quand l'injustice se montre. Prenons le temps d'aider les autres.
Et éduquons, sans cesse. L'éducation c'est l'effet domino. Et peut-être que les prochaines élections révéleront que le monde que nous, personnes de gauche, voulons, nous l'avons déjà bâti.
Ni Jean-Luc, ni Raoul. Juste vous, chaque jour, une personne à la fois.
Parce qu'être de gauche, ça s'apprend.