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Billet de blog 5 juin 2021

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Quelques notes sur Contre la révolution politique de Netchaïev

L’approche classique de la notion de révolution, commune à l’anarchisme et au communisme, subdivise celle-ci en trois catégories potentielles : la révolution spontanée, la révolutions sociale et la révolution politique. Dans un ouvrage édité par Divergences, Julien Allevana nous propose une traduction d’un commentaire de l’œuvre de Netchaïev se prononçant contre la révolution politique.

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L’approche classique de la notion de révolution, commune à l’anarchisme et au communisme, subdivise celle-ci en trois catégories potentielles : la révolution spontanée, la révolutions sociale et la révolution politique. Dans un ouvrage édité par Divergences, Julien Allevana nous propose une traduction d’un commentaire de l’œuvre de Netchaïev par Nicola Massimo de Feo se prononçant contre la révolution politique, réactualisant au passage non pas une figure mais deux figures oubliées, ainsi qu’un débat redevenu essentiel à l’heure où les temps grondent et la seule question à résoudre semble être devenue celle du comment.

 La naïveté confondante de Julian Allavena, et plus généralement du mouvement anarcho-autonome français, s’exprime dans la conclusion de son avant-propos. Celui-ci, en ce qui nous apparaît être une contradiction flagrante, tire la thèse de ses commentés afin de faire des révolutions techniques et sociales (l’une enclenchant l’autre dans chacun des exemples qu’il cite) des vagues auxquelles, en tant que sujets politiques, il faudrait se mêler ; subordonnant les révolutions politiques à de simples résultantes de ces transformations ; et dès lors appelant  à ne pas faire de cette forme révolutionnaire le Totem de nos luttes – l’on se demande où l’auteur a passé son XXe siècle, qui nous apparaît, surtout dans la défaite qu’il a infligé à l’anarchisme par les mouvements dits communistes, comme une succession de démonstrations de la capacité des révolutions politiques à effectivement transformer les mondes sans laisser prédéterminer par les modalités de production ou les moyens techniques qui les autorisent.

L’on se demande surtout où vit aujourd’hui Julian Allavena, à une époque où la révolution politique est devenue plus que jamais nécessaire face à la révolution réactionnaire que la technique nous impose socialement et presque spontanément, à travers le gigantisme des nouveaux opérateurs du virtuel, qu’ils soient chinois ou états-uniens. Une époque où certains des seuls actes révolutionnaires, au sens politique du terme (et antisouverain, comme j’ai tenté de le décrire dans mon ouvrage éponyme sur Wikileaks), dans le cadre de la révolution technicosociale qui nous bouleverse aujourd’hui – celle que la novlangue dit des nouvelles technologies – qui ont réussi à tracer un morceau de chemin dans notre contemporain, ont été le fait d’organisations autonomes fonctionnant sur le modèle de cellules hyperconcentrées – comme Wikileaks – ou agissant via des massifications éphémères d’actes de propagande par le fait – comme les différents groupes Anonymous.


Petites choses cependant, grains de sable en une mécanique implacable qui a amené à une transformation radicale de l’ensemble des comportements humains par le truchement d'inventions diverses qui, de l’ordinateur personnel au téléphone portable en passant par les réseaux sociaux, ont imposé une transformation du monde impulsée par le politique (il ne faut jamais oublier à quel point l’appareil de défense états-unien fut la mère nourricière de la Silicon Valley), révolution littérale - concentrant les pouvoirs, aggravant les dysfonctions politiques, le consumérisme et les structures de domination, renforçant les injustices et les oppressions - sur laquelle nous n’avons eu non seulement nulle prise, mais qui a largement absorbé nos comportements et modalités de lutte, nos inventions, nous faisant les contributeurs nets, y compris en nos engagements, non seulement de la machine productiviste, mais plus largement de l’accroissement et de l’intensification de l’exploitation des êtres humains, renforçant notamment l’emprise du capital sur des populations toujours plus éloignées et dirigeables à distance – c’est-à-dire empêchées d’une quelconque façon de renverser le rapport de force politique en faisant de leurs corps des puissances capables d’inquiéter les structures de pouvoir, tandis qu'à l'autre bout du monde, toutes les énergies créatrices, originales, nouvelles, croyant participer à des mécanismes d'émancipation, se laissaient récupérer et absorber non par des espaces révolutionnaires, mais par les antichambres d'immenses machines de guerre au service du capital.

Les gilets jaunes sont nés, tel un dernier râle, des classes les plus populaires – et donc les plus éloignées des avant-gardes révolutionnaires – de notre pays afin, tant qu’il était encore temps, de renverser la révolution réactionnaire que la mondialisation avait, avant ces transformations techniques, enclenchée. Le mouvement a consisté, à l’échelle nationale, à faire sentir une dernière fois aux beaux quartiers la dépendance dans laquelle ils étaient placés vis-à-vis des corps qu’ils exploitaient non tant à l'échelle mondiale, mais bien sur le territoire qu'ils avaient directement organisé politiquement. Tandis qu'ailleurs de nombreuses formes de guerilla naissaient contre toutes les formes de domination dont notre pays n'est qu'un infime, et déjà quelques peu colonisé, relais, ici, les derniers exploités de France se levaient, en une mobilisation qui par la jonction des corps exploités que la modernité avait diffracté permettrait de réactualiser la possibilité d’une révolution spontanée à laquelle tous semblaient avoir renoncé.
La puissance romantique de cet événement – aux antipodes des désirs netchaïeviens – et la question des affects fut au cœur de cette insurrection, la nécessité du lien et de la possibilité du mouvement se trouvant au cœur de réclamations qui, au-delà de leur aspect primaire consumériste, furent avant tout d'ordre existentiel. La froideur révolutionnaire du bloc qui l’accompagna après quelques semaines d’hésitation permit à la chose de survivre, tissant enfin un lien entre classes prolétarisées et avant-gardes plus ou moins éclairées par une tradition intellectuelle qu’un certain nombre de résistants, formés autour du noyau de Tiqqun, avaient, avec un certain art de l’entrisme médiatique, réussit à maintenir dans l’espace public, voire à rendre désirable en se donnant une centralité disproportionnée, par le truchement d’une dialectique alternant ironie et poésie et de solides relais au sein de l'establishment au tournant des années 2000.

Le miracle de cette rencontre inachevée, et plus largement du mouvement des gilets jaunes dans son ensemble, fut autorisé par les réseaux sociaux et les espaces d'autonomie politique qu'ils permettent paradoxalement de déployer au sein de leur empire, c’est-à-dire par les outils d’oppression et d’exploitation contre lesquels nous devons lutter, en ce qu'ils sont avant tout les vecteurs d'une révolution sociale conservatrice et réactionnaire qui nous échappe, vecteurs que nous sommes réduits à tenter de détourner, respirant entre les failles d'un capital granitique qui détermine nos devenirs informationnels et donc politiques. Tandis que les révolutions arabes, en ce qu'elles ne finirent par être, après avoir été sociales et spontanées, que des révolutions politiques, éclorent naturellement en des espaces qui promouvaient l'exportation d'un régime politique très spécifique - celui de la "démocratie" libérale, les gilets jaunes constituaient en un premier travestissement véritable de l'usage de ces réseaux sociaux, pendant une brève période où, pour retenir son audience et accroître son profit, Facebook avait décidé de favoriser les contenus Live et postés sur le groupe, sans mesurer les conséquences politiques que son geste engendrerait.
Que Facebook ait ainsi un instant - à l'échelle du temps politique, c'est-à-dire quelques mois - été détourné en un pays comme la France de façon à non plus permettre aux Marc Zuckerberg de la planète – aspirants dominants attirés par la course au Like – de tirer de la bourgeoise, comme cela était son but initial et l’est, d’une certaine façon, demeuré - permettant une marchandisation de nos affects par leur transformation en revenus publicitaires, construisant des hiérarchies internes redistribuant le pouvoir selon des critères demeurant secrets, facticement objectivés par l'algorithmisation et rendant souverain l'état-major de l'entreprise - mais aux damnés d'une terre particulière, celle de la Commune bien plus que de la révolution, de réclamer une once de respect et de souveraineté à ceux qui, par le truchement de la république bourgeoise et du régime dit représentatif, s'apprêtaient une nouvelle fois à les spolier - est un miracle apparent dont il faut mesurer l'importance mais aussi la précarité, nous interdisant toute forme de satisfécit quant au fait qu'il ait pu se dérouler. Car ce miracle n'en est pas un, mais résultante naturelle du fonctionnement de ces instances qui, en favorisant l’expression de regroupements spontanés liés à l’affect, permettent certes la réactualisation d’une hypothèse que Netchaïev condamnait et que le contemporain avait semblé impossibiliter, rouvrant un champs des possibles majeurs, mais produit en parallèle une archaïsation du rapport au politique, renvoyant la pensée à une dimension subalterne à la passion qui, on le comprend, inquiète certes avant tout ceux qui, dominants de par leur détention de capital intellectuel et non économique, pensaient par la voie de la distinction ou son frère-envers, la posture révolutionnaire, trouver l’assurance d’une acquisition ou d'un renversement des hiérarchies qui leur permettrait respectivement de se hisser ou de se voir par un renversement consacrés ; mais réduit surtout le champs révolutionnaire à un devenir à toujours réactualiser, aussi précaire qu'indéterminé, et dès lors prisonnier du spontannéisme si nul relais ne lui est donné, le privant d'effectivité en ce que son aveuglement empêche la mise en oeuvre d'un rapport sacrificielle réel, renforçant le risque de l'adoption de la posture, non pas à l'étape de l'expression du ressenti - celui-ci se voyant exigé à la sincérité pour "percer" - mais à l'étape de l'engagement.

Voilà en toutes circonstances que l'hypothèse révolutionnaire trouve son paradigme réactualisé par les nouveaux moyens de domination qui ont émergé ces dernières années, requérant la création de nouvelles pensées, c'est-à-dire de nouvelles avant-gardes dont la fonction sera de préparer les après des spontanéités révolutionnaires qui, en ces espaces, se voient nouvellement autorisés, sans les trahir ni les instrumentaliser, en tentant dès à présent de les penser.

 Il est difficile en toutes circonstances, au regard de ces éléments, de considérer qu’une quelconque révolution sociale qui ne soit réactionnaire puisse intervenir dans la configuration actuelle, tant les fenêtres insurectionnelles sont étriquées et contrôlées, à la fois algorithmiquement (elles doivent, pour émerger et perdurer en ces espaces, proposer un rapport pulsionnel ou émotionnel permanent qui pousse parallèlement et indirectement, par le maintien de l'attention au sein de ces espaces, à la consommation, condition de leur viralité, et donc de leur capacité à faire masse, insupportable et infini paradoxe dès lors que l'on connaît la fonction antalgique de la consommation) et par la volonté des dominants de nos dominants dominants (capables à tout moment de tordre le fonctionnement algorithmique à vocation purement marchand afin de censurer ou étouffer tel mouvement qui viendrait les menacer structurellement), et que l’enjeu de notre époque ne soit pas l’articulation entre révolution spontanée et politique.

 Or, comme le montra le mouvement des gilets jaunes, mais aussi tous les mouvements qui par la suite tentèrent sans succès de donner un contenu politique à la résistance spontanée aux politiques de santé adoptées par la puissance politique lors de la seconde phase de la pandémie, le spontanéisme – qui, rappelons-le, naît de la vulnérabilité au politique, ceci expliquant cela – nourrit une crainte obsessionnelle, celle de la récupération, c’est-à-dire de la prostitution bourgeoise et représentative et de la hiérarchisation qui elle-même, reposant sur des mécanismes de distinction, emporte avec elle la nécessité de l'humiliation. En ce qui concerne les gilets jaunes, cette crainte permit de préserver la dimension sociale du mouvement, sauvant probablement de nombreuses vies et en politisant de nombreuses autres, provoquant positivement un déracinement définitif, et non plus de façon contestataire ou apolitique, de millions de personnes à l'encontre de la démocratie représentative. Elle interdit cependant toute concrétisation tangible d’une organisation politique alternative, l’absence d’avant-gardes révolutionnaires laissant les citoyens s’étant auto-organisés en cabanes notamment parfaitement vulnérables à l'égard des offensives féroces et rapaces dirigées sur ordre du pouvoir et exécutées au niveau des préfectures, par des forces affamées de destruction qui dévasteraient tout les lieux de vie politique alternatifs qui alors, notamment dans les maisons du peuple et sur les ronds-points, pullulaient sur le territoire.

Ainsi l’anarchisation du politique naissante, concrétisant d’un rêve depuis longtemps enterré en ce qu’elle se trouvait là, devant nos yeux, mise en œuvre effectivement par les dernières classes prolétaires du pays, les plus exploitées et vulnérables – là où elle ne semblait plus subsister qu’en tant que passion bourgeoise, en tant que fantasme de quelques groupuscules isolés – se trouvait abattue à l'instant où elle se massifiait par son désarmement volontaire, par son refus de se voir protégée. Par son refus d'une révolution politique qu'elle n'avait eu le temps d'organiser.

La question qui se pose désormais est celle de la marche à suivre, c’est-à-dire du comment de l’articulation de ces différentes notions, et de l’intérêt des catéchismes relatifs aux comportements à adopter en méthode révolutionnaire. Il est un fait qui appelle à la censure des débats oisifs qui peuplent une partie de l’ouvrage publié par les éditions Divergences, en ce qui concerne la praxis révolutionnaire « intérieure », c’est-à-dire la forme d’organisation des rapports entre individus engagés dans la lutte, renvoyant là encore au débat sur l’éthique révolutionnaire entre Netchaïev et Bakounine : c’est bien les circonstances et non les décisions des individus (pour peu que cette notion ait un sens) qui produisent non seulement les affects, mais les comportements des personnes engagées. De facto, l’entreprise anarchisante que fut Wikileaks (à la fois dans son objet, sa méthode que dans le cadre purement asymétrique dans lequel il évoluait, similaire à une forme de propagande par le fait informationnelle) – et qui m’apparaît comme l’une des plus importantes tentatives d'armement politique de la révolution de notre temps – enfanta au sein de l'appareil, ou du dispositif, un cynisme netchaïevien que tous se gardèrent cependant de réclamer. La nécessité de préserver le socle, la structure, le vecteur révolutionnaire autorisait toutes les trahisons entre les différentes composantes qui y participaient, et ce tant dans les moyens que dans les rapports individuels, pour peu qu’à aucun moment ces trahisons ne vinssent atteindre à l’intégrité du double-noyau de l’organisation, technique et corporel. Avantage de la verticalisation symbolique de la lutte, tant du fait de la centralisation symbolique produite par la figure de Julian Assange que par l’existence d’un dispositif technique que son propre corps recouvrait, et qui constituaient le seul capital de cette aventure, les règles du jeu s’imposèrent ainsi sans nécessité d’explicitation dans les rapports humains qui la fécondèrent. Ce détour par cette expérience me permet d'affirmer que dès lors que le moyen et la fin sont déterminés, comme cela fut par exemple le cas au sein de cette organisation, nul catéchisme ne devient nécessaire en ce qui concerne les rapports au sein de l'organisation, tout étant littéralement autorisé dès lors qu’il contribue à la préservation ou l’accroissement du capital de celle-ci, la détermination de ce qui est autorisé et la façon dont il devra l’être faisant en conséquence l'objet d'un simple calcul de coût opportunité, c’est-à-dire d’une intelligence de la situations, chacun déterminant par voie de suite quel sacrifice volontaire il sera prêt à mettre en œuvre à cette fin, tout en acceptant qu’il puisse être à tout instant intégralement sacrifié à cette fin.

Il est un dernier point, dans la tentative de réactualisation de ces débats au sein de l'ouvrage que nous commentons, qui appelle à la réflexion, et qui permet de commencer à répondre à la question du comment : à l’époque de la correspondance entre Bakounine et Netchaïev, les forces révolutionnaires appartenaient au corps social opprimé et cherchaient, à travers la lutte, à trouver une forme d'émancipation éthique et collective qui emporterait leurs prochains. Les avants-gardes qui se formaient pouvaient ainsi, par effets d’agglomérations successifs, mettre en mouvement de façon rhizomatique, sans effort particulier, les masses dont elles provenaient, puisqu’agissant en leur sein et se nourrissant de la même matière que celle de leurs prochains.

 La situation est différente aujourd’hui. Les maigres forces avant-gardistes qui cherchent à se déployer se situent pour la plupart à l’extérieur des mondes qu’elles cherchent à libérer, et ne s’y rattachent, le plus souvent, que de façon artificielle, en une déprise par rapport à leurs mondes d’origine qui ne permet nulle mixtion sincère ou intégrale avec les masses auxquelles ils espèrent, je l'imagine, encore s’accoupler (un doute quant à ce désir provenant de la multiplication des localismes et auto-organisations à des échelles ultralocales, semblable à la prolifération des organisations communales du début du XXe siècle, mais fonctionnant cette fois sur le pillage du surplus marginalement abandonné par le grand capital, et non sur une auto-organisation de l'exploitation à des fins émancipatrices, avec tout ce que cela peut engranger de différences, et d'insuffisances). Profondément cultivées par la machinerie productiviste et formées par les divers impérialismes qui l’appuient, les masses exploitées se trouvent, en notre territoire, tenues à des lieues d’écart des espaces qui aujourd’hui nourrissent une tradition révolutionnaire ancrée en un corpus et une tradition conceptuelle, distance que seul le mouvement des gilets jaunes, c’est-à-dire le spontanéisme, a permis de partiellement raccourcir, en rapprochant les corps de la pensée, mais non dans le sens que nos intellectuels auraient pu espérer. La raison m’apparaît simple : nos masses étant elles-mêmes déjà dominantes et exploitantes, de par leur position au sein d’un modèle consumériste mondialisé qui en fait les acteurs de l’exploitation d’un tiers-monde dont elles dépendent pour subsister, elles se trouvent à des lieues de ceux qui, s’inscrivant en une tradition politique née d’une époque où les coordonnées matérielles de l’exploitation étaient fort différentes, croient lutter pour elles, et dont les discours auraient une résonance potentielle bien plus importante auprès des corps livrés massivement par des États souverains aux puissances du capital dont la demeure, en notre territoire, produit des ruissellement proportionnellement marginaux mais pourtant déterminants pour le reste de notre population, celui-là même qui, se soulevant, a montré qu'il n'était certes pas disposé à s'en contenter, mais a fortiori à qu'on l'en prive sans qu'aucune alternative soit dessinée.

 C’est bien en ces terres lointaines qu’une véritable force révolutionnaire, au sens social du terme, a encore la possibilité de naître, et c’est bien ce qui explique pourquoi la question souveraine, et donc de la révolution politique, est celle qui est devenue centrale pour les damnés de « notre » territoire, exigeant l'élaboration d'une réponse révolutionnaire politique à même de convaincre ces forces aujourd'hui éclatées d'une nouvelle fois se soulever. Il est certain que les révolutions sociales de demain, en des terres tierces, ne se feront pas à partir des prédicats ou d’un quelconque énoncé qui proviendrait des terres et corporéités qui les ont si longtemps exploitées, après les avoir conquises et coloniser. L’internationalisme est en ce sens parfaitement mort, et ne nous reviendra que sous la forme d’une violence que nous avons trop longtemps contrôlée et exploitée, et dont les diverses expressions religieuses qui nous ont déjà touché ne sont qu’une préfiguration appelée à se généraliser. Cela nous met dans une position certes modeste mais pourtant radicale : à mon sens, celle qui nous exige de nous contenter d’une révolution politique qui, par l’encadrement strict, au sein d’une structure nationale, du centralisme politique qui en déboucherait, le dépassement de toute forme de représentativité, et la libération immédiate de territoires ouverts à de nouvelles formes de communalité, nous permettra d’éclater les tutelles qui nous assèchent et d’anarchiser enfin, dans le sens le plus noble et riche, notre rapport au politique, faisant dans l’entre temps des puissances souveraines qui sont nées sur notre territoire – dont l’État – des vecteurs d’appui et de relais des révolutions qui en d’autres territoires rompront les carcans que nous avons créés.
C'est ce qui m'a amené à écrire et publier Abattre l'ennemi, dont la dernière partie n'est rien d'autre un manuel de reprise en main de l'Etat en tant qu'outil de concentration du capital, c'est-à-dire de potentialités politiques, à des fins de révolution politique, dans l'idée non seulement d'ouvrir l'horizon de la prochaine révolution spontanée, mais de démontrer la possibilité d'une révolution politique qui viendrait encadrer, contraindre et renverser les révolutions sociales qui nous sont actuellement infligées - démonstration ayant vocation à devenir autotélique, en brisant les dernières rétentions qui nous firent, il y a deux ans, à quelques pas de l'Elysée demeurer.

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