Avant même sa prise de fonction ce Dimanche 10 Décembre, Javier Milei, largement élu à la tête de l’État argentin, avait déjà engagé la bataille contre les avancées sociales durement gagnées par les Argentins depuis la fin de la dictature.
Ses vidéos chocs avec sa tronçonneuse pour tailler dans le budget de l’état ont fait le tour de la planète et ses diatribes contre le Pape “Cet imbécile qui veut l’égalité sociale alors que l’égalité sociale c’est du vol“ ont pu choquer mais continuent d’être revendiquées comme lignes conductrices de son action.
Sans majorité au parlement, sa nécessaire alliance avec la bourgeoisie de droite et d’extrême droite l’a conduit à changer une partie de son staff pour faire de la place à des vieux routiers des élites possédantes et à abandonner (pour l’instant dit-il) une de ses mesures phares : la suppression de la banque Centrale. Il est vrai que cette expérience n’a jamais été tentée ni même sérieusement théorisée.
Mais s’il est un domaine qui cristallise sa volonté antisociale, c’est bien le droit des femmes.
D’ores et déjà, depuis des semaines, des plans ont été dressés, des listes noires établies et des ordres donnés pour attaquer frontalement les sociologues, les féministes, les travailleurs sociaux et, d’une manière générale, démanteler les institutions qui œuvrent pour le droit des femmes et des personnes LGBT+.
Je vous retranscrit ici, in-extenso, l’appel d’une des responsables du Ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité de la Nation, qui parle de lui-même.
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“Bonjour! Je suis Juli, travailleuse au Ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité de la Nation. Je viens vous dire que le 11 décembre je perdrai mon emploi car le président élu n'a pas l'intention de continuer à mener des politiques publiques en faveur de la diversité et des femmes.
Ces 3 dernières années, nous travaillons à la Maison d'édition du Ministère, qui compte 15 livres à son actif. Mon idée est d'appeler TOUT LE MONDE à les télécharger gratuitement sur https://editorial.mingeneros.gob.ar/.
Vous trouverez des livres qui parlent de :
- Les soins
- La violence
- Les masculinités
- L’Interruption volontaire ou légale de grossesse
- La participation politique des femmes et des diversités dans l'histoire argentine
- L’accompagnement des personnes en situations de violences de genre
- De la communication avec une perspective de genre
- Des formation sur la loi Micaela (1)
Vous trouverez aussi une compilation de Dora Barrancos (2) qui rassemble différentes voix qui reflètent et pensent les mouvements des femmes et LGBTI+ (celle-ci est un joyau).
Dans 10 jours le site internet n’existera plus et le travail de 4 ans sera perdu à jamais. C'est pourquoi je vous demande si vous pouvez diffuser cette information à toutes les personnes qui, selon vous, s'intéressent aux questions de genre.
Nous continuerons à tisser un réseau comme nous le faisons depuis des décennies pour conquérir les droits qui nous manquent jusqu'à ce que tout soit comme nous l'avons rêvé.
Juli“
- La loi 27499 ou “loi Micaela“ stipule en son article premier « Une formation obligatoire sur la question du genre et des violences à l'égard des femmes est instituée pour toutes les personnes qui travaillent dans la fonction publique à tous les niveaux et hiérarchies des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire de la Nation.»
- Dora Barrancos est une sociologue argentine, ancienne directrice de L’institut interdisciplinaire pour l’étude des genres de l’Université de Buenos Aires et autrice de nombreux ouvrages sur ce thème.“
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Au milieu du tumulte mondial actuel - de la Palestine à l’Ukraine en passant par le Haut-Karabakh et tant d’autres - le peuple Argentin va probablement servir de laboratoire discret à la plus sauvage avancée du Néo-libéralisme depuis les années Reagan-Thatcher.
Si nous voulons éviter que, tôt ou tard, nous soyons tous victimes des retombées de l‘arrivée au pouvoir de celui qui se définit comme le premier “Anarcho-capitaliste“ de l’Histoire, ne détournons pas nos yeux du Rio de la Plata et n’économisons pas notre solidarité avec les luttes à venir. Elles nous concernent tous.