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Billet de blog 12 avril 2022

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Santé en Macronistan (suite) : maternité fermée dans la Nièvre : l’angoisse

L’angoisse qui étreint les futures mamans dans la Nièvre et les risques qui leur sont imposés par la politique qui détruit le système de santé français

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https://www.lejdc.fr/nevers-58000/actualites/maternite-en-service-tres-reduit-a-nevers-le-stress-total-de-futures-meres_14114670/

Publié le 12/04/2022 à 18h00

La maternité de l'hôpital de Nevers est momentanément fermée. ©

En raison de nombreux arrêts maladie de sages-femmes à la maternité de Nevers, celle-ci ne peut pas assurer la plupart des accouchements. Et les femmes qui y accouchent sont transférées avec leur bébé dans d’autres établissements. Entre inquiétude et colère, ces mères témoignent.

[Mise à jour à 18h27 : la totalité des sages-femmes hospitalières sont arrêtées]

« J’ai été suivie à l’hôpital de Nevers tous les mois pour ma grossesse, car il y avait des complications. Depuis septembre, j’entends dire qu’il y a des problèmes de recrutement de sages-femmes et de médecins. Mais je ne pensais pas en arriver à ce qu’il n’y ait plus d’accouchement ! »

À l’instar d’Amélie, une future maman de Nevers, de nombreux futurs parents de la Nièvre sont abasourdis et inquiets depuis l’annonce, dans Le Journal du Centre, qu’il n’était plus possible d’accoucher à la maternité de Nevers, tout du moins pas en urgence. Depuis lundi 11 avril, la maternité ne peut prendre en charge que les mères qui sont à une ouverture du col supérieure à cinq centimètres. C’est-à-dire très proche de l’accouchement. Et qui ne pourraient pas se rendre ailleurs qu’à Nevers.

Auxerre, Bourges, Moulins...

Mais pour beaucoup, il faut envisager d’aller ailleurs. Auxerre, Bourges, Moulins… Et les mamans accouchant sur place devront être envoyées vers ces autres maternités avec leur bébé pour le suivi.

Si j’accouche à l’hôpital de Nevers, où va-t-on me transférer par la suite ?

En cause : un très grand nombre d’arrêts maladie chez les sages-femmes de la maternité, qui se disent épuisées après des mois en sous-effectif. Mardi 12 avril, dans la soirée, la totalité des quatorze sages-femmes hospitalières étaient arrêtées, selon les sages-femmes elles-mêmes. « Mon terme est le 1er mai, mais mon col est déjà un peu modifié. À Nevers, on me dit que c’est possible d’accoucher, mais si je suis vraiment sur le point d’accoucher. Si c’est le cas, après l’accouchement, je serai envoyée sur une autre maternité avec le bébé. Si c’est Dijon, vous voyez la route », s’inquiète Amélie, qui attend son premier enfant.

Vendredi 15 avril, elle aura sa dernière consultation de grossesse. Originaire de Riom, elle compte se rapprocher de la maternité de Clermont-Ferrand pour voir si elle peut y accoucher. « Si j’accouche à l’hôpital de Nevers, où va-t-on me transférer par la suite ? Car je suppose que c’est en fonction des places de libres/disponibles… Je n’ai vraiment pas envie d’atterrir aussi loin de chez moi, alors que j’ai une maternité au pied de la porte. »

Laura aussi est proche du terme. Elle doit accoucher dans deux semaines. « C’est un premier bébé pour nous, l’accouchement est déjà un stress particulier. C’est l’inconnu. Et maintenant, on ne sait même plus où on doit aller…  ». Elle vit à Saint-Éloi et a préféré anticiper : elle a contacté l’hôpital de Moulins, pour savoir si elle pouvait y accoucher. L’établissement a accepté. « Ils ont été très compréhensifs. »

Sachant que ni moi ni mon conjoint ne sommes véhiculés, je suis très, très, très inquiète.

Manon, une Neversoise de 25 ans, est enceinte de 32 semaines. Elle a déjà eu plusieurs enfants et a l’habitude de faire des grossesses à risque. « En général, j’accouche plus tôt que prévu, entre 29 et 38 semaines, et il me faut une assistance médicale. Je peux donc accoucher à tout moment. Sachant que ni moi ni mon conjoint ne sommes véhiculés, je suis très, très, très inquiète. J’ai été informée de la fermeture temporaire de l’hôpital par l’article (du Journal du Centre, NDLR), je n’ai pas eu d’information de la part de l’hôpital. »

Et d'ajouter : « Mercredi 6 avril, ils m’ont juste dit que mon rendez-vous qui devait avoir lieu deux jours plus tard était reporté d’un mois, sans plus d’explication. Je suis suivie par une sage-femme libérale, parce que je dois faire un monitoring par semaine. Je vais voir avec elle, pour trouver une solution. Elle pourra peut-être répondre à mes questions, m’orienter. Je ne sais plus trop vers qui me tourner. Personne n’a de réponse. C’est stressant, je suis dans l’angoisse. Je dors mal. J’ai peur de devoir accoucher chez moi, entourée de pompiers ».

« On marche sur la tête ! »

Ne pas avoir d’information, c’est ce qui met Charlotte, une Neversoise à moins d’une semaine du terme, le plus sur les nerfs. Elle avait rendez-vous à l’hôpital lundi 11 avril pour son échographie de fin de grossesse. « On ne m’a rien dit. J’ai découvert l’information par la page Facebook du Journal du Centre. On n’est pas des chiens. On dirait que c’est l’omerta. »

C’est son premier accouchement et Charlotte angoisse au vu de la situation. L’hôpital lui dit qu’elle pourra accoucher sur place et qu’elle sera transférée ensuite. « Mais s’il n’y a plus de sages-femmes, s’il y a plusieurs femmes en même temps, comment ils vont faire ? Vous vous posez cette question, alors que ce n’est pas à nous de nous la poser. On se dit que c’est celle dont la situation est la plus critique qui sera prise en charge. Mais on ne sait pas. En 2022, on marche sur la tête ! »

Dimanche, j’ai dû aller aux urgences, j’étais dilatée à 2 cm. (...) S’il m’arrive quelque chose, je fais quoi, je vais où ? C’est le stress total.

Du côté de Pouilly-sur-Loire, à Bulcy, Séverine, 44 ans, est, elle aussi, sur le point d’accoucher. « J’arrive à la 36e semaine. C’est mon quatrième enfant, et j’ai des difficultés depuis la 30e semaine, où j’ai failli accoucher. Dimanche 10 avril, j’ai dû aller aux urgences, j’étais dilatée à 2 cm. J’ai finalement pu retourner chez moi, mais je sais que ça peut arriver d’un moment à l’autre. S’il m’arrive quelque chose, je fais quoi, je vais où ? C’est le stress total, ce qui pourrait avancer mon accouchement ».

« Ça devrait être un moment de bonheur, ça devient un moment de panique »

Mardi 12 avril, elle a essayé toute la matinée de joindre la maternité. En vain. « J’ai donc appelé le 15. Ils m’ont dit de me rendre à Moulins ou Bourges, mais c’est à trois quarts d’heure ou une heure de route. Et que si les contractions étaient rapprochées, ils enverraient une ambulance, qui me transférerait à l’un de ces deux hôpitaux. Mais de toute façon, il faut passer par eux pour qu’ils transfèrent mon dossier dans l’autre hôpital. On a l’impression d’être laissé à l’abandon. C’est : “Débrouillez-vous”. Je ne vais pas aller à l’hôtel à côté d’un hôpital pendant quinze jours. » 

Séverine poursuit : « Ça devrait être un moment de bonheur, ça devient un moment de panique. On n’est pas dans un pays en guerre quand même ! Je suis en colère. Je comprends la difficulté, le ras-le-bol, l’épuisement. Mais ce n’est pas parce qu’il y a des burn-out que les autres doivent tout arrêter, fermer un service du jour au lendemain. Ce n’est pas la faute des patientes. Il faut s’en prendre aux responsables. Nous, on demande juste à mettre notre enfant au monde dans de bonnes conditions et dans le respect. »

Elle a dû ranger ses affaires « en catastrophe »

Certaines femmes venaient d’accoucher quand le service a été mis à l’arrêt. Comme Jessica, qui a accouché de son deuxième enfant dimanche. Elle loue le travail de l’équipe, mais regrette la façon dont elle a été informée, lundi après-midi, de son transfert avec son bébé à la maternité de Bourges, car il n'y avait plus de sage-femme à partir de 20 h, « sans réellement plus d’explications malgré nos demandes ». Jessica explique avoir dû ranger ses affaires « en catastrophe ». « C’était une totale anarchie en maternité afin de pouvoir transférer au plus rapide les personnes présentes avant 20 h. Cette situation nous a fortement perturbés car nous voulions le meilleur pour notre enfant et moi-même. »

Lydie Ratheau, la femme du porte-parole nivernais de la Confédération paysanne, Sylvain Ratheau, a elle aussi été transférée avec leur deuxième enfant dans une autre maternité, après avoir accouché samedi soir. Destination Auxerre. Elle a été la dernière informée et ne comprenait pas ce qu’il se passait dans la maternité.

« Dans l’après-midi, je sentais bien que quelque chose n’allait pas. J’entendais des mamans en pleurs : je pensais que c’était dû au baby blues. Mais non, ce n’était pas ça ». Une demi-heure après avoir été informée, Lydie Ratheau était partie avec son bébé. « Il a fallu trouver un siège auto. Tout ça dans l’urgence. Moi, je ne voulais pas partir à Auxerre avec le bébé sur les genoux. Donc ils ont emprunté le siège auto de la maternité en le fixant sur un brancard ».

« On débarque dans un endroit qu’on ne connaît pas »

La maman estime s’en être bien sortie en termes de destination par rapport à d’autres. Auxerre est à la même distance que Nevers de chez elle, qui vit du côté de Corbigny. Mais une fois arrivée à Auxerre, elle a senti de la désorganisation : il fallait trouver une chambre, remplir un dossier, alors que son bébé voulait téter. « Pour moi, la maternité, c’est comme si c’était ma maison. Ils ont fait mon suivi, etc. Là, on débarque dans un endroit qu’on ne connaît pas… Pfff ». À Nevers, elle estime que « le personnel a fait du mieux qu’il pouvait ». Mais elle ne comprend pas « qu’on soit arrivé à ce stade dans un hôpital public. »

Jenny Pierre et Marlène Martin

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