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Billet de blog 1 octobre 2025

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Les grands oubliés des manuels scolaires

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Comprendre les mécanismes du racisme et de l’antisémitisme pour mieux lutter contre.

Dans les manuels et les programmes scolaires en Histoire, le racisme et l’antisémitisme sont des thèmes qui reviennent. Durant le cycle 4 (qui correspond aux classes de cinquième, quatrième et troisième) la traite négrière couvre ainsi un chapitre tandis que l’affaire Dreyfus comme les génocides juif, tzigane, tutsi et arménien et l’intégration des migrant·es venu·es d’Afrique du Nord sont souvent l’objet d’études de cas. Si les phénomènes racistes dans leur paroxysme (génocide et esclavage) sont présentés en tant que faits historiques (et économiques dans le cas de la traite), les discours qui ont permis leur diffusion sont rarement évoqués. Les recommandations en Éducation Morale et Civique intègrent bien trois à cinq heures en classe de troisième pour échanger sur le racisme et l’antisémitisme, mais du fait de la surcharge des programmes, ces recommandations sont rarement suivies d’effet.

Résultat : peu d’élèves acquièrent les clés nécessaires pour identifier le racisme et l’antisémitisme. L’étude des violences racistes dans leur forme la plus paroxystique, la Shoah dans le cas de l’antisémitisme, est impérative mais insuffisante. D’autant plus que l’antisémitisme contemporain ne repose pas sur une infériorité raciale des Juifs, discours raciste plus facilement identifiable, mais sur des constructions idéologiques différentes.

Un racisme spécifique et intellectualisé

L’antisémite a inventé un ennemi bien particulier : celui d’une élite juive supposément bourgeoise, manipulatrice, capable de se fondre dans la société tout en dirigeant secrètement les rouages du monde. Cette figure du « juif perfide » a été construite non seulement comme une menace économique ou sociale, mais aussi comme une sorte de maître invisible, responsable de tous les maux et même des oppressions subies par d’autres populations marginalisées.

Cette mécanique a produit un racisme paradoxal. Là où d’autres préjugés racistes reposent sur l’idée de l’infériorité des dominés, cette forme d’antisémitisme construit le Juif comme une figure supérieure, dominante et manipulatrice et le dépeint comme l’oppresseur universel. Si l’antisémitisme est une sorte « d’idéal-type » du racisme complotiste, on peut retrouver la même logique dans d’autres formes de racismes, à l’encontre des Tutsi, des Asiatiques, ou dans certains discours islamophobes. Cette idée est allée jusqu’à convaincre des populations victimes de discriminations qu’elles devaient haïr « le Juif », présenté comme l’auteur caché de leurs oppressions. L’exemple typique est la thèse relayée par des personnalités et groupes aussi divers qu’Henri Ford, le Ku Klux Klan, la Nation of Islam et la sphère dieudo-soralienne selon laquelle les Juif·ves seraient responsables de la traite négrière.

Vulgariser pour mieux déconstruire

L’antisémitisme est une construction complexe et intellectualisée, capable de s’adapter et de se réinventer pour nourrir la haine. Il se nourrit de contradictions : « le Juif » est à la fois perçu comme isolé et infiltré, prolétaire et riche capitaliste et communiste, communautaire et cosmopolite. Quoi que fasse « le Juif », il est coupable. Il en va de même pour l’islamophobie : un·e Musulman·e dont la pratique religieuse est visible sera accusé de prosélytisme, si ce n’est pas le cas il sera accusé de dissimulation.

Ces contradictions sont autant d’éléments qui rendent difficile la détection d’un discours raciste, d’autant plus si l’on n’a jamais appris à en identifier les rouages. Cette détection est d’autant plus difficile qu’aujourd’hui le racisme parle et pense de manière codée, avec un vocabulaire parfois emprunté au camp progressiste : le Rassemblement National ne se dit pas raciste, pour attaquer les Musulman·es il se prétend « laïque » ; les partisan·es de Soral ne se pensent pas antisémites, pour attaquer les Juif·ves ils se disent « antisionistes ». Ces discours ne reconnaissent pourtant in fine aux Musulman·es et aux Juif·ves qu’une seule possibilité : celle de disparaître.

Enseigner les mécanismes de ces idéologies ne signifie en aucun cas les légitimer. Il est possible – et nécessaire – de vulgariser cette pensée complotiste, non pour la valider, mais pour mieux la déconstruire. Cette démarche permettrait de donner aux élèves des outils pour reconnaître le racisme complotiste et comprendre pourquoi il a pu fonctionner si efficacement, jusqu’à justifier des politiques d’extermination comme lors de la Shoah ou du génocide des Tutsi.

L’urgence d’un enseignement adapté

Aujourd’hui, la majorité des gens perçoivent le racisme comme une simple affirmation de supériorité sur des personnes différentes par leur couleur de peau, leur origine ou leur culture. L’antisémitisme, comme les autres formes de racisme complotiste, brouille ces repères et s’inscrit dans une logique de manipulation. Ignorer son fonctionnement dans l’éducation favorise une méconnaissance qui laisse la porte ouverte à sa persistance.

Il est temps d’intégrer cette histoire particulière dans les programmes scolaires, en mettant en lumière les ressorts idéologiques de l’antisémitisme. Sans une telle démarche, nous continuons à priver les générations futures d’une compréhension essentielle pour détecter et combattre cette forme insidieuse de racisme. A l’heure ou l’extrême-droite est aux portes du pouvoir et ou l’islamophobie comme l’antisémitisme se répandent à grande échelle dans notre société, il y a urgence !

Texte écrit le 25 novembre 2024

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