Le 8 juin 2023, cette femme est interpellée par la police pour avoir embouti avec sa voiture la moto d’un policier pendant un contrôle, apeurée par les armes pointées sur elle. Elle est conduite au commissariat de Créteil.
Sur les images des policiers, on la voit menottée au banc et étendue par terre au milieu de huit policier.es, dont sept hommes et une femme, au mieux indifférent.es, au pire moqueurs à son état de panique. Elle leur dit qu’elle est juive et les supplie de lui rendre sa perruque qui a glissé pendant qu’un policier l’empoigne pour la lever. Les femmes juives orthodoxes mariées ont en effet l’obligation religieuse de se couvrir les cheveux.
La mise en concurrence des racismes ne profite qu’à l’extrême-droite.
Elle subit des moqueries face à ses cris de douleur et de choc, mais aussi les entraves physiques de deux policiers qui lui agrippent les bras et les jambes, ainsi qu’un coup de genou dans le dos dont elle témoigne. Elle perd connaissance, est soulevée et secouée sans ménagement, tandis que les policiers continuent leurs railleries. Ils finissent par appeler les pompiers. Elle est emmenée une heure aux urgences, sans être examinée. Le lendemain, son médecin traitant établit un certificat médical faisant état « des contusions et hématomes aux poignets, à la face interne des bras, sur les genoux, à la fosse lombaire droite, à la cuisse droite, au niveau des fesses et un état de choc psychologique ».
Pour citer la victime « Que ce soit une femme juive, arabe ou toute femme qui tient à un vêtement ou a une attitude liée à sa religion. Tout le monde a droit au respect. » Nous la remercions de son témoignage courageux et lui adressons tout notre soutien. Nous dénonçons tous les propos visant à nier le caractère antisémite de ces violences, ou bien qui évoquent un « privilège juif » et un « deux poids deux mesures » que l’on ne connait que trop bien quand on parle d’antisémitisme. La mise en concurrence des racismes ne profite qu’à l’extrême-droite.
Ces dernières années, plusieurs affaires ont mis en lumière la pénétration profonde des idées d’extrême droite et de la violence raciste dans la police.
La liste des victimes de violences policières s’allonge chaque année et cible principalement les minorités. Le traitement dégradant et les insultes racistes visant les populations des quartiers populaires sont monnaie courante et sont confirmées par les sondages d’opinion au sein de la police. En mai 2021, une étude du Cevipof a montré que 60 % des policiers étaient prêts à voter pour Marine Le Pen au prochain scrutin présidentiel.
En 2020, la découverte de plusieurs groupes de policiers, sur des réseaux sociaux, avaient permis de mesurer à quel point le racisme pouvait s’exprimer sans aucune gêne entre agents. Comme dans ce groupe Facebook regroupant huit mille policiers. Les plus radicaux se retrouvant dans des groupes de discussion privées, comme ces policiers de Rouen qui n’hésitent pas à parler de Noirs, des Arabes et des Juifs ainsi : « Je n’attends qu’une chose, c’est que tous ces gens crèvent. […] Ça régénérera l’espèce humaine et surtout la race blanche. » Il faudra quatre ans pour que tous les mis en cause soient finalement révoqués. Nous sommes en droit de nous demander combien de groupes existent encore, dans lesquels les esprits se préparent à la violence raciste.
De même, la présence de néo-nazis, parfois décomplexés, dans l’armée, la gendarmerie et la police s’est traduite dans plusieurs affaires, dans lesquelles ils ont souvent été protégés par leur hiérarchie, et en tout cas peu sanctionnés. Ce sont souvent les victimes mêmes ou les lanceurs et lanceuses d’alerte qui ont dû démissionner ou qui ont été placardisé·es :
– à l’été 2014, un policier tente d’alerter ses supérieurs après avoir découvert des inscriptions nazies en page d’accueil d’un ordinateur de service : « Vive le IIIe Reich » ; « Heil Hitler hihi ».
– à Amiens en 2008, trois agents de la Bac (dont un est marié à une élue FN) effectuent des saluts nazis dans un bar. Un seul d’entre eux sera condamné et révoqué, les autres ont été mutés.
– en 2014, un policier, qui raconte à ses collègues que « Le monde du show-biz, des banquiers, tous des juifs » etqui arborait un symbole SS sur son casque est exclu seulement quinze jours. Quelques années après, il a été promu brigadier-chef.
– en février 2021, c’est un CRS juif qui retrouve son casier tagué : « Sale juif » et deux croix gammées.
– en juin 2021, c’est une croix gammée géante qui a été dessinée sur le toit de la maison d’un policier, par celui-ci et son père, fiers de leur idéologie.
Afin de dresser un tableau plus complet de la réalité d’un antisémitisme qui se répand dans les institutions, il faut mentionner les nombreuses photos de policiers, de gendarmes et de militaires avec des tatouages représentant des symboles utilisés par l’extrême droite la plus violente, empruntant même à l’imagerie néo-nazie, qui circulent en ligne. On pourrait aussi mentionner les autres membres des forces de répression effectuant le geste de la quenelle, avec le visage flouté qui ont largement tourné sur les réseaux sociaux, parfois même fièrement.
L’antisémitisme policier est l’un des aspects de l’expression du racisme dans la police, qui touche au quotidien les habitantes et habitants des quartiers populaires et les minorités noires, arabes, turques, asiatiques, rroms, qui subissent contrôles d’identités arbitraires, harcèlement raciste, violences et meurtres impunis et couverts par l’Etat. Certains, comme Gérard Darmanin, prétendent que la « haine du flic » serait liée à la « haine du juif ». L’histoire antisémite et raciste de la Police française montre bien au contraire que la « haine du juif » existe bel et bien dans la police et n’appartient pas seulement au passé. Elle s’articule avec la haine raciste que subissent les autres minorités. Plus que jamais, face aux violences policières, à l’antisémitisme comme à toutes les autres formes de racisme, faisons front !