Juives et Juifs Révolutionnaires (avatar)

Juives et Juifs Révolutionnaires

Collectif antiraciste

Abonné·e de Mediapart

48 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 octobre 2025

Juives et Juifs Révolutionnaires (avatar)

Juives et Juifs Révolutionnaires

Collectif antiraciste

Abonné·e de Mediapart

Mais que se passe-t-il dans le milieu de la culture ?

Juives et Juifs Révolutionnaires (avatar)

Juives et Juifs Révolutionnaires

Collectif antiraciste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qu’est ce qui a poussé au harcèlement de Barbara Butch suite à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris ?

Que s’est il passé au festival « Chéries-Chéris » à Paris en novembre ? 

Pourquoi la projection du film « La Belle de Gaza » a été annulée du festival Cinemamed de Bruxelles ? 

Au nom de quoi Le festival « Shalom Europa », qui devait se dérouler à Strasbourg en septembre, a-t-il été annulé ?

Pourquoi après une campagne du Rassemblement national, la région présidée par Renaud Muselier (Renaissance) a brutalement retiré ses promesses de subventions à deux films traitant de la question palestinienne, dont l’un est produit par le cinéaste israélien Eyal Sivan ?

Dans une situation de grande confusion propice à toutes les dérives racistes et essentialistes, essayons d’y voir plus clair. 

Antisémitisme culturel

Le harcèlement de Barbara Butch relève des expressions les plus classiques de l’antisémitisme d’extrême droite. Le tableau auquel elle a contribué, clin d’oeil aux multiples détournements de la cène, est dénoncé comme une attaque contre l’Église. Dans la droite ligne des Protocoles des Sages de Sion, l’article (l’artiste ?) est vue comme l’incarnation d’un prétendu complot juif contre les mœurs et l’église, visant à affaiblir la société occidentale pour mettre en œuvre le pouvoir juif. C’est par ailleurs un exemple frappant de l’intersectionnalité entre antisémitisme et queerphobie, qui fonctionnent souvent ensemble sur fond de complotisme.

La « chasse aux sionistes » dont a été victime Julia Layani, s’inscrit, elle, dans le régime de suspicion qui puise sa source dans l’antisémitisme d’État soviétique pour lequel tous les Juif·ves sont vu·es comme des sionistes en puissance. Sa version contemporaine consiste à en faire, même lorsqu’iels condamnent le massacre en cours, des soutiens de la politique israélienne à Gaza. Dire cela n’empêche ni de dénoncer l’instrumentalisation par Valérie Pécresse de cette dérive pour supprimer les subventions du festival, ni cautionner la complaisance de Julia Layani avec Caroline Fourest.

Le boycott, sa légitimité et ses dérives

Historiquement, le boycott est une arme politique qui a pu être utilisée à des fin autant racistes qu’antiracistes. Il a pu être un levier anticolonial ou antifasciste, mais il a aussi été utilisé comme une arme antisémite ou négrophobe. Ces deux réalités historiques doivent être prises en compte. Il n’est pas un moyen progressiste ou réactionnaire en soi, cet aspect dépendant avant tout de son orientation, et de ses effets.  

Dans un contexte de massacre et d’occupation, la perspective d’utiliser les moyens non-violents du boycott -économique, culturel, universitaire- pour faire pression sur un État afin qu’il mette fin aux massacres, à l’occupation, à des politiques racistes institutionnalisées connaît de nombreux précédents qui n’ont rien de raciste en soi. Mais l’histoire a aussi révélé qu’ils peuvent procéder de dynamiques racistes ou xénophobes, ou évoluer dans cette direction si l’on ne veille pas à les prévenir.

Le boycott culturel des artistes russes consécutif à l’invasion de l’Ukraine a ainsi donné lieu à la déprogrammation d’artistes opposés au régime de Poutine. Dans le cas de la situation en Israël et Palestine, le boycott culturel est mis en avant comme un moyen de levier sur la politique israélienne, une manière d’isoler politiquement l’État d’Israel pour obtenir un cessez le feu et une rupture avec la politique coloniale. Le mouvement « Boycott, Désinvestissement et Sanction » appelle ainsi à « boycotter et/ou travailler à l’annulation des événements, activités, accords ou projets impliquant Israël, ses groupes de pression ou ses institutions culturelles. ». BDS déclare dans sa charte que cette démarche « ne vise pas des personnes ou des groupes en raison de leur origine ou de leur religion juive, ni leurs entreprises ou leurs produits » et que « ce boycott ne vise pas la société israélienne ni les individus qui la composent, en tant que tels, il vise la politique coloniale d’occupation israélienne et ses partisans. ». En pratique cependant, dans un contexte de confusion généralisée, le boycott vise trop souvent indistinctement des artistes israéliens, y compris ceux qui affirment leur désaccord avec le massacre en cours et l’occupation, mais il vise aussi parfois même des artistes juifs et juives de la diaspora soumis à un régime de suspicion du fait de leur judéité.   

La Belle de Gaza est un film français – et non israélien – qui donne la parole à des femmes trans palestiniennes, comme israéliennes. À quel moment peut on considérer honnêtement, en dehors d’une vision antisémite prêtanta priori à Yolande Zauberman une intention de contribuer à une quelconque propagande israélienne, qu’il rentre dans la catégorie ciblée par le boycott ? 

Si l’Art est une façon de dire le monde et la politique par le sensible, depuis un an, les annulations pleuvent, des artistes -Israélien·nes, Palestinien·nes, Arabes, Juif·ves- sont censuré·es, boycotté·es, harcelé·es, dès qu’iels tentent (ou qu’on leur prête cette intention) de poser des gestes artistiques et des mots sur la situation en Israël et en Palestine ou du fait d’une assignation antisémite ou islamophobe. 

Le Rassemblement National empêche la question palestinienne, la gauche boycotte indistinctement les œuvres et artistes israéliens associés à leur gouvernement, le mot « juif » fait peur tout autant que celui de « palestinien » et les boycotts sont assumés autant par le RN, ouvertement raciste, que par une certaine gauche agitant le bien triste étendard d’une chasse aux sionistes. 

Les annulations et censures, autocensures et harcèlements se succèdent dans le monde de la culture et nous sommes inquiet·es. Nous appelons le milieu de la culture à un sursaut, il n’est pas possible de laisser faire ce qui actuellement est à l’oeuvre : la censure raciste et antisémite des artistes Moyen-orientaux, Arabes et Juif·ves, Israélien·nes et Palestinien·nes. 

Ne laissons ni le Rassemblement National, ni les confus masquant leur racisme derrière de faux prétextes annuler les voix de celles et ceux qui encore ont le courage de dire, de mettre en récits en images et en gestes ce qui fracture notre monde et ce qui le répare. 

Nous avons besoin de sensible, nous avons besoin d’art, nous avons besoin des voix juifves, des voix arabes, des voix israéliennes et palestiniennes, nous avons besoin de sortir de cette polarisation complète qu’essayent de nous imposer les identitaires confus de tous bords. Les artistes et leurs oeuvres peuvent être engagées, militantes, critiquables, mais les silencier par assignation raciste ou xénophobe constitue non seulement une atteinte à la liberté d’expression politique, mais les empêche aussi d’ouvrir des espaces de discussions, de débats, de compréhension.

C’est basique mais redisons le : 

1/il n’est pas acceptable de soumettre les Juifves à un régime de suspicion permanente d’allégeance à la politique israélienne, ni à l’injonction géopolitique. Il en est de même pour l’injonction géopolitique ou le régime de suspicion à l’égard des Musulman·nes.

2/ N’est pas un soutien du gouvernement et de sa politique menée tout·e Israélien·ne, n’est pas une oeuvre de propagande pour la guerre tout film traitant de la question Israélo-palestinienne, n’est pas supporter du Hamas tout·e Palestien·ne.

Entre boycott anticolonial et boycott xénophobe ou antisémite, il est urgent de trancher ! 

Refusons la confusion en cours et les dérives xénophobes ou racistes du boycott. Refusons la censure des œuvres telles que « La Belle de Gaza », défendons celles et ceux, Arabes et Juif·ves, Palestinien·nes et Israelien·nes qui créent des ponts là ou d’autres érigent des murs, il y a urgence. 

« Les lieux de l’Art peuvent nous éloigner de la peur, et lorsque nous avons moins peur, nous sommes moins mauvais » Jean Luc Lagarce

Texte écrit le 13 décembre 2024

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.