Le 20 mai 2024, le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), Karim Khan, a déposé une requête visant à l’émission de mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahou, Yoav Gallant, Yahya Sinwar, Mohammed Deif et Ismail Haniyeh. Ils sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Plus précisément, les trois leaders du Hamas sont accusés notamment du crime d’extermination, de meurtre, de prise d’otages, de viols et violences sexuelles et de torture. Les deux dirigeants israéliens sont accusés d’utilisation de la famine comme arme de guerre, d’attaques délibérées contre des civils ainsi que d’extermination et/ou de meurtre.
Étant donné le massacre commis le 7 octobre et la violence des représailles israéliennes toujours en cours sur l’ensemble de la population gazaouie, la plupart de ces accusations semblent difficiles à nier. Si la Cour devait émettre les mandats d’arrêt sollicités, les États signataires du Statut de Rome seraient alors tenus de coopérer pour permettre l’arrestation des personnes visées se trouvant sur leur territoire. Dans un contexte de délégitimation croissante du droit international, la phase juridictionnelle qui s’ouvrirait constituerait un test intéressant pour déterminer si, derrière les postures et les rodomontades, les dirigeants s’inscrivent dans le respect du droit et le renforcement de la légitimité de la CPI.
Plus vraisemblablement, cette démarche n’aura de portée que symbolique. En effet, il est peu probable que les mandats d’arrêt, s’ils étaient émis, soient effectivement suivis d’effets. Pourtant, elle constitue un message politique fort : la lutte contre l’oppression que subissent les Palestinien·es et contre les crimes commis par l’armée israélienne à Gaza n’est pas exclusive d’une condamnation de ceux qu’a perpétré le Hamas. Elle constitue également un message d’espoir qu’un jour peut-être, les chefs de guerre et les criminels d’État seront appelés à rendre des comptes pour leurs crimes, indépendamment de leurs positions politiques ou des soutiens dont ils bénéficient. Alors que la justice française vient de condamner le 24 octobre 2024 trois cadres du régime de Bachar el-Assad pour leur participation aux meurtres de Massen et Patrick Dabbagh, deux franco-syriens disparus à Damas en 2013, rappelons que de nombreux autres criminels de guerre et criminels contre l’humanité ne sont jamais inquiétés (nous écrivions ainsi récemment au sujet des tueurs hutus réfugiés en France).
Pendant que certain·es pro-israélien·es considèrent que toute empathie envers les Palestinien·es équivaut à un soutien au Hamas, pendant que certain·es soutiens de la cause palestinienne prétendent que la moindre critique des crimes du Hamas revient à un soutien au gouvernement israélien, cette procédure nous montre la voie à suivre, une voie qui devrait être évidente mais qui malheureusement ne l’est pas : contre les crimes de guerre, contre les crimes contre l’humanité, pour la paix dans la justice.