"Earl la ferme de Kerdroguen COLPO, le 15/04/2017
15, kerdroguen
56390 COLPO
SIRET: 50739900013
METAYER Jean-Charles
0612624853
lafermedekerdroguen@orange.fr
ETRE PRODUCTEUR INDEPENDANT DE VOLAILLES
PLEIN AIR AUJOURD'HUI:
« la tragédie comique d'une mort annoncée»
Madame, Monsieur,
Que vous soyez politique, vétérinaire, technicien, journaliste, client ou simple citoyen ce qui suit
vous concerne, il s'agit d'une forme de testament de la volaille plein air en France.
Ne soyez pas inquiets il n' y aura ni éclat de sang ni grands effets spéciaux, simplement une mort lente et
certaine, résultat d'un travail de fond discret, d'une usure, bien menée, calculée, mesurée....et surtout sans
autre issue possible !
Je me présente :
Mon nom est Jean-Charles METAYER, je suis éleveur de volailles en agriculture biologique
depuis 9 ans au dans le sud Morbihan. J'ai 43 ans, je suis marié et père de 2 enfants .
Mon parcours est atypique :
Après 13 ans en tant qu'infirmier de bloc opératoire, le besoin de revenir à la terre s'est fait ressentir et
aujourd'hui je suis ravi de mon choix, mon métier me rend fier et heureux .
Mon parcours professionnel, non pour étaler mon bagage, mais surtout pour vous faire part de mon
expérience et mon parcours de vie : un bac scientifique, un DE infirmier, un DE infirmier de bloc
opératoire, un DU d'hygiène, un diplôme de conducteur d'autoclave, une capacité en gestion d'entreprise,
un Brevet Professionnel de Responsable Agricole, une spécialisation gavage de canard à l'ancienne et
conserverie, 4 ans de vie professionnelle en Nouvelle-Calédonie, Australie et Nouvelle Zélande ont été
faits de rencontres qui me donnent aujourd'hui la satisfaction de pouvoir développer un certain recul et
une capacité d'analyse:
Mon exploitation :
Je suis à la tête d'une exploitation de 27 ha de terres labourables qui me permettent de produire
mes céréales et fabriquer sur place l'alimentation quotidienne de mes volailles.
Je produis actuellement 440 poulets et 60 pintades par mois et organise quelques sessions de gavage de
canard pour les périodes festives (Noël et Pâques exclusivement), 500 canards par an.
Toutes mes ventes sont assurées en directe soit dans des magasins de producteurs ou vente à la ferme.
Mon activité m'a permis d’employer une personne à plein temps sur la ferme, et une autre de façon
ponctuelle pour des coups de main occasionnels.
Je participe aussi indirectement à travers nos magasins de producteurs à l'embauche de 8 autres
personnes.
Mon environnement socio économique :
Mon métier a du sens aujourd'hui, je réponds à une demande sociétale, et environnementale, mes
ventes se font au plus loin à 50 km de mon exploitation.
Je suis un «paysan» c'est à dire que je nourris mon «pays», qui se définit uniquement par une zone proche
de ma ferme.
aucune ambition de plus loin, je suis soucieux de l'impact carbone de mes ventes et de la cohérence de
cette proximité de chalandise.
Je créé du lien social, je rencontre des clients, on discute, on échange, je rencontre d'autres collègues
producteurs et sommes fiers de pouvoir mettre en avant nos productions, nos fermes sont tout bêtement
vivantes et complétement inscrites dans le tissu sociétal.
Mon banquier est satisfait, mes prêts sont remboursés tous les mois, ainsi que mes fournisseurs,
mon entrepreneur agricole, mes transporteurs, mon couvoir...mes salariés et moi même.
Et pour couronner le tout le comptable en fin d'année sourit: le résultat est tout à fait correcte,
Je suis l’exemple d’une agriculture qui vit de son travail, qui ne nécessite pas une perfusion européenne
en continue.
tout va bien alors ?
Vu de l’extérieur oui tout va bien, mais en réalité depuis 10 ans un mal s’est installé au sein de nos
petites activités paysannes.
Bien sûr nous l’avions vu venir mais nous faisions avec, car cela ne nous dérangeait pas trop, ne gênant
pas pour travailler, mais progressivement sa place est devenue de plus en plus importante. Cette chose
vous savez, que vous ressentez au plus profond de vous de temps en temps au début mais que vous
arrivez à oublier puis qui finalement se rappelle à vous de plus en plus souvent, presque tous les jours, qui
finit même par vous réveiller la nuit et aujourd’hui tellement son emprise est grande, bouleversante pour
votre quotidien de paysan, paralysante aujourd’hui et probablement destructrice pour demain......
Cette grave maladie s’appelle: L’ADMINISTRATION
Pourquoi est ce grave docteur?
Cette maladie est très grave, car nous ne savons pas comment la stopper.
Nous ne savons pas l’éradiquer, nous n’arrivons pas à entrer en interaction avec elle... elle débarque sur
nos exploitations toute puissante armée de gros dossiers chargés de munitions en tout genre : des articles
de loi, des arrêtés, des circulaires, des courriers, des discours…..et pourtant depuis bientôt 10 ans on
discute avec elle, on lui explique que nos fermes ne sont pas adaptées pour lutter, mais elle continue,
martelle, insiste, contrôle, met en demeure, oblige, fatigue, use….
Elle entend, mais n’écoute pas, elle dit comprendre mais ne change en rien son comportement, elle
ressemble à une marionnette programmée,dénuée de toute humanité, mobilisée par une seule et unique
pensée : appliquer la loi, appliquer la loi, appliquer la loi……..
Nous avons tenté une autre thérapeutique il y a 3 ans, en passant par les politiques élus
représentant leurs concitoyens, invités sur nos fermes paysannes, pour leur expliquer la gravité et
l’avancée de la maladie. Eux aussi nous ont déclamé des formules habituelles et rassurantes : «nous
entendons votre maladie et allons relayer tout ça au niveau du grand législateur qui va vous proposer un
traitement adapté à votre cas!» ...Depuis, rien, le politique s’est perdu en route probablement ou le grand
gourou de la législation est probablement sourd lui aussi à la discussion ?
En tous les cas, pour nous pendant ce temps le mal a progressé et les symptômes cachés jusque là
sont devenus visibles et de plus en plus handicapants.
L’installation progressive des symptômes
Le premier symptôme
La maladie a réellement débuté en décembre 2008, quand le grand législateur a "pondu" au sein de
son nid douillet européen, un décret sur la recherche de salmonelle en élevage de volaille. En fait nous
avons compris "en off" que la grosse motivation de ce décret était d’assurer et de rassurer la filière export
pour le poulet de chair et la dinde.En fait surtout pour inonder l'Afrique de poulet congelé permettant aux
africains de trouver dans leurs magasins des produits français à meilleur prix que la volaille locale.
Profitant alors pour faire d’une pierre deux coup, la déclinaison de la législation poulet export s’est faite
aussi pour les petits élevages fermiers comme les nôtres.
Pour rappel, la salmonelle est une bactérie environnementale. C'est-à-dire qu’il y en a sur toute la
planète Terre; elle a été mise en évidence en 1880, mais nous sommes certains qu’elle existait déjà à
l’époque de la préhistoire. Ce n’est donc pas une affaire récente tout ça!
La salmonelle est présente dans le tube digestif du poulet, elle est détruite à partir de 70 °c, autant vous
dire qu’un poulet cuit est indemne de salmonelle.
En revanche, tout ce qui n’est pas cuit et qui a pu être en contact avec le tube digestif ou liquide contenu
dans le tube digestif est à risque, les oeufs en mayonnaise par exemple. Et pour nous abatteurs, une
contamination de la périphérie de la volaille par des matières fécales par exemple qui contaminerait le
plan de travail de la cuisine sur lequel vous découperiez vos tomates crues que vous mangeriez par la
suite, il s’agit ici d’une transmission croisée.
Pour prévenir cela, nous contrôlons régulièrement notre process d’abattage en analysant la peau
périphérique du poulet ( les peaux de cou) afin de garantir au client une volaille sans salmonelle et donc
sans risque de contamination croisée.
Mais depuis décembre 2008, dans sa grande bienveillance, le législateur a décidé de s’attaquer à la
salmonelle environnementale. C’est à dire que nous éleveur en plein air, au contact permanent de
l’environnement ( flore et faune sauvage), devons faire le tour de nos élevages ( nos fumiers plus
exactement) pour rechercher des salmonelles!!!!!!
Alors certes que l’on puisse imaginer, et encore, que des volailles enfermées en permanence dans des
bâtiments type industriels, qui ne voient jamais ni le jour, ni la nuit, ni l’herbe, ni le vent, ni…enfin bref
que leur litière soient indemnes de salmonelle pourquoi pas, mais nous en plein air?
Bien sûr que oui il y a de la salmonelle, autant dire à un ostréiculteur qu’il ne faut plus de présence
d’iode dans ses bassins!
L’administration est vraiment débordante de convictions pour s’imaginer suffisamment puissante et
s’attaquer à un phénomène qui est là depuis la nuit des temps!
Attendez ce n’est pas fini!
Tellement il y a urgence environementale, si vous produisez du poulet ou de la dinde vous devez faire vos
prélevements, si vous produisez de la pintade non, si c'est du canard non et si vous êtes producteur de
porc, qui est l’animal probablement le plus porteur de salmonelle, et bien lui non plus n'est pas concerné
(on nous a dit que les lobbyings étaient trop forts!)
Mais dites moi docteur, pourquoi mon voisin de chambre qui présente les même symptômes que moi, lui
n'a pas de traitement ?
Clairement on vous explique, qu’il faut diminuer la prévalence de la salmonelle dans vos élevages et
pendant que vous faites les prélèvements sur vos litières de volailles, vous avez le voisin qui pulvérise son
lisier de porc sur le champ limitrophe de votre exploitation puis vous observez le corbeau qui après avoir
trempé allégrement ses pattes dans le liquide porcin vient se poser tranquillement au milieu de votre
parcours de volailles.
Au secours Mr le législateur je fais quoi? Je passe mon permis de chasse? Je monte la garde jour et nuit?
Nous avons l'impression qu'on nous demande de vider une baignoire dont le robinet est légèrement
ouvert, avec une passoire ! Essayez, je vous promets c'est stressant comme situation!
Nous voilà aujourd’hui condamnés à faire ces recherches de salmonelle tous les 4 ou 8 semaines
dans nos fumiers, à attendre pendant 2 ou 3 jours les résultats du laboratoire d’analyse publique, qui vous
coûteront une trentaine d’euros par prélèvement. Ce n’est pas gênant, on roule sur l’or ! et si jamais c’est
positif, les disciples bien formés du législateur( les services de la Direction Des Protections des
Populations anciennement DSV) mettent en marche la machine de guerre, on reconfirme l’analyse à notre
charge biensûr, on continue les abattages ou pas, on saisit le lot ou pas, on décontamine et désinfecte le
bâtiment et les parcours, on détruit ou pas l’aliment, on détruit ou pas la paille pour la litière, on va
chercher dans les autres bâtiments, on continue l’élevage ou pas…et au mieux on remet les compteurs à
zéro, et on recommence sans avoir rien changé.....ah non je vois mon voisin qui recommence l’épandage
de son lisier, nous sommes calmes, détendus, convaincus et sereins, enfin presque!
Ce décret n’a ni queue ni tête, n’a aucun fondement convaincant, transpire tellement l’illogisme et
l’ambivalence....et pourtant l'endoctrinement des fonctionnaires de l’administration est tellement fort et
puissant qu’au cours des nombreuses discussions en réunion ou au téléphone même avec le ministère
pourtant, il n'y a pas de problème, tout est normal, l'administration face à l'Europe doit cocher "a fait ses
prélèvements", finalement c'est surtout ça l'important!
Le deuxième symptôme:la grippe aviaire
La grippe aviaire, quelle panique, quel manque de discernement, quelle radicalité, quelle
précipitation!
Au fait c’est quoi la grippe aviaire?
Il s’agit d’un virus de la grippe qui touche la grande famille des oiseaux, c'est-à-dire un micro organisme
qui se développe au dépend de son hôte qui la plupart du temps s’installe chez des êtres laissant plus
facilement les portes ouvertes aux agresseurs, c'est-à-dire plus vulnérables.
Ce virus de la grippe lui aussi est environnemental, avec plus ou moins de pathogénicité suivant les
années comme la grippe humaine.
Pour nous les humains les plus vulnérables sont les personnes âgées ou immunodéprimées.
Dans la grande famille des oiseaux ce qui rend vulnérable ce sont les grandes densités de population, la
promiscuité et le confinement.
En gros, moins ils sont au contact de l’environnement moins ils sont capables de l’appréhender ; plus ils
sont nombreux et inconfortables moins ils sont disposés à se défendre.
L‘exemple en est, aujourd’hui, les élevages industriels incapables d’ élever leurs volailles sans un bon de
coup de pouce de l’assistance vétérinaire, avec une telle routine de cette fragilité que l’éleveur a inclus
dans son planning quotidien le tour de ramassage des cadavres, pas d'inquiétude tout ça est normal!
Dans ce domaine, en général, nous, petits éleveurs de volailles plein air, ne sommes pas très rentables
pour l’industrie pharmaceutique.
Pour ma part, en 9 ans d’élevage, jamais un vétérinaire n’a mis les pieds dans ma ferme. Je suis rassuré de
savoir que je pourrai bénéficier de son aide si besoin...mais, à ce jour, cela n’a pas été nécessaire ( ah si
pardon une fois ou deux pour un problème d'aliment fabriqué à la ferme un peu carencé en vitamines! )
Comme pour les humains, depuis la nuit des temps, ces virus se baladent à travers la planète à travers les
courants migratoires et saisonniers. Ca toujours été comme cela et sera toujours ainsi, quoiqu’en pense
l’administration...et nous cohabitons depuis toujours avec plus ou moins de tolérance.
Pour rappel le virus pour se reproduire et voire même muter à besoin d’un sujet vulnérable,
comme nous l’avons évoqué un peu plus haut, les élevages intensifs sont du pain béni, il adore! que des
sujets vulnérables dans des conditions favorables, imaginez remplir des salles de sport avec des personnes
âgées de plus de 90 ans, et introduisez le virus, observez! cela va être radical!
Encore mieux, laissez bien le virus se multiplier dans la salle de sport, se muter ( donc se muscler au
dépend de son hôte en apprenant tout sur son système de défense) et ce de manière exponentielle puisque
il y a des milliers de receveurs les uns à côté des autres...c'est-à-dire qu’un phénomène qui doit se passer
dans la nature à une échelle de une mutation de temps en temps, a réussi grâce à l’intensification de nos
élevages à se multiplier d’une manière inimaginable...ce qui fait qu’à chaque saison nous produisons de
nouveaux virus de compétitions, de plus en plus inmaitrisables et résistants biensûr!!
Vous pouvez vider votre salle de sport autant de fois que vous le voulez, à chaque fois que vous la
remplirez à nouveau, le phénomène se reproduira et le résultat sera surtout de pire en pire.
En plus dans le sud ouest, mais aussi les autres régions d'élevage intensif, pour faciliter la chose, alors
qu’auparavant chacun faisait sa petite production familiale dans sa propre ferme,l’agro-industrie motivée
par l’export, encore l’export, à segmenté le cycle de production.
Concrètement, hier Jean produisait 2000 canards par an sur sa ferme : de l'arrivée du caneton jusqu’au
gavage et la transformation..aujourd’hui Jean n'assure plus que le démarrage de 20 000 canards et les
envoie en gavage chez Paul, Pierre, Jacques…..qui parfois en ont déjà reçu d’un autre éleveur, voir même
parfois d’un autre pays!
L’abattage a lieu encore sur un autre site, et la transformation ailleurs …..enfin une circulation d’oiseaux
vulnérables à travers tout le sud ouest, pourquoi? l’export biensûr! Ce qui veut dire qu’en plus de
multiplier nos virus dans nos salles de sport, on se les passe de salles de sport en salles de sport remplies
de personnes âgées histoire de leur donner encore plus la possibilité de survivre pour la phase suivante.
Alors que s’est il passé? Comme prévu le virus s’est propagé comme une trainée de poudre et
surtout cela est devenu visible, même très visible, faisant perdre à la France son statut de zone «indemne
de grippe aviaire» .....donc plus d’export possible.
Quoi plus d’export possible! insupportable, vite faisons un grand feu, brûlons toute nos personnes âgées
et surtout luttons contre la faune sauvage qui est la source certaine de cette épidémie. Et surtout ne
remettons jamais en question nos modes d’élevage, car ils sont bons, bons voire même très bons surtout
pour l’export à priori.
Un leitmotiv: la faune sauvage
Oui en effet, la faune sauvage se balade à travers la planète et nous pouvons nous en réjouir!!! elle
emporte avec elle bien sûr ce qu'elle trouve sur son passage : le bon et le moins bon aussi et surtout ce
qu’on lui met à disposition. Depuis des dizaines d’années, nous jouons dans nos salles de sport avec nos
virus de plus en plus costauds et résistants aidés par la faune sauvage qui les envoie se croiser avec
d’autres souches à l'international : en Asie, en Afrique et ailleurs…alors c’est sûr d’année en année le
virus revient et reviendra de plus en plus fort et de plus en plus méconnaissable et donc non maitrisable.
Cela fait des décennies que nous fabriquons des bombes à retardement, tellement la recherche du profit
nous aveugle; on en oublie les fondamentaux.
Alors le législateur à décrèté «luttons contre la faune sauvage, c’est elle la source de tout nos
problèmes". Et la bonne parole est ainsi propagée à travers l’Hexagone...des réunions de crise, de grande
crise, des grands plans sanitaires sont évoqués autour de grandes tablées impressionnantes .Vous savez ces
réunions où tous les concernés sont là, enfin les concernés qui ont le savoir. Ces tablées où il y a les
directeurs de DRAFF, DDPP, groupements sanitaires, groupements d’équarissage, chambres
d’agriculture, des représentants de groupements d’éleveur ( enfin des technico commerciaux qui
représentent les éleveurs), des laboratoires….enfin que des officiels, des "sachants". Mais au fait, les
paysans,ils sont où? ah oui ! nous étions deux!! perdus devant ces discours concernant des filières
représentant des millions de palmipèdes et d’autres millions de gallinacés.
Où quand vous prenez la parole on vous fait comprendre, que vos propos sont intéressants
- " mais vous devez bien comprendre que face aux millions d’euros en jeu, vous ne représentez rien
monsieur, pensez à l’export et ses milliers d’emplois, "
euh non l’export moi je ne connais pas, ah si une fois j’ai expédié un colis à Paris, pour faire plaisir à un
ami, alors si je connais un peu!
- " oui mais monsieur le Directeur, vous envisagez les conséquences qui seront insurmontables pour des
petites exploitations en plein air comme les nôtres!"
- "nous le savons mais, nous serons obligés malheureusement d’en sacrifier un certain nombre pour en
sauver la majeure partie ( sous entendu la plus rentable à leur yeux)"
et là j’ai compris que la dichotomie était faite et décidée: il y aura les gros et les petits, ce qui pourront
s’adapter survivront, les autres?
Le confinement
La meilleure façon de lutter contre la faune sauvage est d’empêcher les contacts avec nos volailles
en plein air, et ça nous l’avons bien compris.
Mais pour le législateur très rapidement apparaît un caillou dans la chaussure: la volaille plein air. Alors
à coup de grands courriers gérés par les structures départementales de la protection des populations
( DDPP), bien briefées par le grand gourou auparavant, tous les éleveurs déclarés et Maires de France ont
reçu mi-décembre, l’ordre d’enfermer toutes les volailles en plein air - ou au pire de les protéger par des
filets.
Le discours bien étudié, nous a fait croire à nous aussi nous aussi au caractère d'urgence....alors
c’est parti!!des week end entiers à détricoter et retricoter des filets de pêche pour que mes volailles
puissent au moins sortir prendre un peu l’air sur quelques mètres carré, des poteaux de châtaigner coupés
à dimensions pour fabriquer une pseudo volière, des heures de salariats en heures suplémentaires, des
semaines de 80 heures qui deviennent des semaines de 100 heures mais bon des détails, la routine de
paysan!
Rapidement le mini parcours ne ressemble plus à rien, les volailles deviennent agressives, les dos
sont griffés, les crêtes attaquées, la consommation d’aliment augmente de 20 % et les volailles ne courant
plus sur les parcours, on observe une fonte musculaire,les volailles grossissent 20 % moins vite.
Vous y ajoutez un paillage deux fois par jour, des contorsions pluri quotidiennes avec vos sacs d’aliment
dans les bras pour ramper sous vos filets de protection et une ambiance dans les batiments infernales....je
n’ai jamais vu mon élevage dans un tel état sanitaire, je touche du doigt pour la première fois ce que
l’intensification peut donner quand on travaille sur du vivant, c’est catastrophique, pour les animaux et
insoutenable pour l’éleveur... en tous les cas ce n'est pas le métier que j'ai choisi de pratiquer.
Au fait la faune sauvage super méchante elle est où?
Au contact permanent du milieu extérieur en campagne et au bord de mer (le Golfe du Morbihan
est un site majeur pour les migrations d’oiseaux), nous avons tous pu observer cette année…euh quoi en
fait, bien en fait rien, rien de particulier. Pas plus, pas moins que les autres années en tous les cas, pas de
tas d’oiseaux morts sur les plages ( personnellement je n’en n’ai même pas vu un!), pas de monticule de
cadavres d’oiseaux sauvages dans nos chemins de campagne et pourtant j’en fais des kilomètres.
Ouvrez bien les yeux, il doit bien en avoir, l’administration a dit que c’était hyper dangereux, hyper
risqué, que c’est une catastrophe, qu’il faut tout enfermer enfin presque.....c’est vrai que là encore
tellement que c’est grave docteur, quand je me relève de mon quatre pattes sous mes filets de confinement
je vois les poules de mon voisin qui traversent la route comme d’habitude, c’est normal mon voisin n’est
au courant de rien...tellement c’est grave, qu’aucun Maire de France ou peu n’a fait le tour de leurs
administrés pour s’assurer que tout le monde dormait bien au chaud, tellement c’est grave qu’aucun agent
de nos DDPP a fait le tour des campagnes pour voir si tout le monde respectait la bonne parole ou pas…
Bon docteur il faut que je sache , c’est grave ou pas? vous êtes sûr que c’est le vrai problème la faune
sauvage? Docteur j’ai l’impression que vous me cachez quelque chose, j’ai la sensation que vous me
prescrivez un traitement et que vous savez pertinemment que ça ne fonctionnera pas !
Avançons ! la maladie malgré tout progresse, il faut que je vous parle de mes derniers symptômes
Les mesures de bio-sécurité
Le grand législateur a décidé de remettre un peu d’ordre dans tout ce bazar, bon pourquoi pas!
Nous avons vu, que ce trafic entre salles de sport était difficilement compréhensible alors au boulot, grand
ménage !
On remet tout à plat, les gros, les moyens, les petits, tout le monde pareil, allez hop!
Il faut qu’on montre à l’Europe, qu’en France on n’est pas des rigolos et qu’on fait des grandes choses
pour être crédible désormais. On a déjà fait un grand feu visible de très loin avec juste 4 millions de
canards sacrifiés pour la bonne cause ( dont 99 % n’étaient pas touchés par le virus, donc
consommables..... il faut être très puissant et sûr de soi pour faire des choses pareilles quand une grosse
partie de la planète ne mange pas à sa faim, enfin juste un détail....) on a donc vidé toute nos salles de
sport et maintenant on réorganise tout , attention accrochez vous!
Désormais, dans vos fermes vous devrez définir des zones publiques et des zones
professionnelles :
vous savez, installer de belles chainettes rouge et blanche comme on voit à la télévision sur les scènes de
crime .....je vous avouerai que j'ai un peu de mal pour l'expliquer à mes 4 chiens de garde,
une zone de désinfection des camions fournisseurs, avec au mieux des bacs de récupération des
liquides de désinfection ou au pire une zone stabilisée de gravillons pour absorber les écoulements
des sas ou vous devrez vous changer pour passer d’une zone à l’autre, là c'est plutôt avec
mes enfants que je vais avoir du mal, d’autres sas entre chaque unité de production ( un sas pour l’unité
de production «poulet» et un autre pour «le canard», des sens de circulation, une sorte de marche en avant
ça me rappelle le bloc opératoire ( concrètement pour nous, cela veut dire créer des routes pour nos
tracteurs qui entrent d’un côté de la ferme et sortent de l’autre côté….
enfin toute une batterie d’aménagements complètement inadaptés pour la particularité de nos élevages.
Pour vous donnez un ordre d’idée, nos fermes ressemblent plus à la "petite maison dans la prairie",
nombreux petits batiments posés sur un parcours enherbé.....rien à voir avec une grande salle de sport
remplie de volailles. …….
Il y a 9 ans je faisais une porte ouverte sur ma ferme, 1500 personnes ont pris du plaisir à déambuler sur
mes parcours parmi mes volailles toute la journée.
Ensuite pendant 4 ans j’ai accueilli des classes d’enfants régulièrement dans le cadre de "ferme
pédagogique"
Aujourd’hui tout cela me serait interdit à moins de faire passer tout ce petit monde par des sas et les
équiper tels des cosmonautes, pour garantir quoi, qui, pourquoi?
Mes volailles n’ont jamais été aussi en forme, je n’ai pas de problème sanitaire. Docteur que venez vous
cherchez chez moi, êtes de vous certain que vous ne faites pas erreur sur l'identité du patient ? Peut être
alors ai-je mal compris....."bio -sécurité" signifie plutôt sécurité "anti-vie", des "fermes usines" ou des
"fermes-fantômes" où on a toujours l'impression que rien ne rentre et rien ne sort...des fermes où on ne
voit jamais personne, des fermes où la vie n'existe plus en fait ! Finalement docteur vous avez peut être
raison c'est probablement une solution, on enlève la vie, comme ça on et sûr il n'y aura pas de
contamination!
Nos partenaires
Ah! nos partenaires, ils sont nombreux.
Quel réconfort de bénéficier d'autant de soutien pendant ces périodes difficiles.
Au début de notre maladie, il y a 8 ou 9 ans beaucoup se sont présentés à nous pour savoir s'ils pouvaient
aider, on se sentait bien épaulé. On leur a donné de nombreuses missions mais aujourd'hui, maintenant
que les choses se compliquent, plus personne !!c'est surprenant !!!vous savez, cette sensation bizzarre que
une fois que vous vous retrouvez seul sur votre lit d'hôpital, tout le monde disparaît.
Par exemple, nous sommes en grande difficulté depuis le début du mois de décembre avec ce
confinement, pas une visite, pas un mail, pas un coup de fil, pas un mot de soutien ...ou juste même un
petit truc pour prendre des nouvelles, rien et même chose pour les collègues, ah si pardon, quelques mails
faisant monter la pression pour nous tenir au courant de la progression de la grippe aviaire sur le territoire.
A peu près toute les semaines, nous avons reçu une carte de France avec des petits points rouges qui
évoluaient avec le temps, plus on avançait, plus les métastases se rapprochaient de nous, dans le domaine
partenaire rassurant on pouvait espèrer mieux!
Nous avons envisagé plusieurs portes d'entrée pourtant, les chambres d'agriculture, les GDS
(Groupement de Défense Sanitaire), des cabinets de vétérinaires privés, les DDPP, le ministére, les
élus....mais au final, nous avons réalisé il n'y a pas si longtemps, que tous appartenaient à la grande
famille du législateur, tout le monde mangeaient grâce au législateur....donc hors de question de remettre
en cause, à quelque moment qu'il soit la "sainte parole", ce n'est pas que beaucoup étaient humainement
très ouverts et compétents pour comprendre, mais surtout qu'ils ne pouvaient pas bouger un cil sans
entrainer la colère du divin, alors chut pas de bruit, pas de vague....ambiance match de rugby "l'arbitre à
toujours raison même quand il a tort !"
Nous voilà donc au final, pas encore à terre, mais allongés sur notre lit, seuls, tout seuls, très très
seuls!
Retour des grandes croisades
Comme pressenti, les évangélistes ont commencé à battre les campagnes, pénétrant tout-puissants
dans nos fermes, brandissant leurs tables de lois, déclamant les nombreux préceptes du sauveur, nous
mettant en demeure de transformer nos petites exploitations, en nouveau lieu de culte pour l'agro
industrie.
-"mais non monsieur, je vous remercie cela semble très intéressant vos convictions mais ce ne sont pas les
miennes, soyez libre des vôtres mais ne touchez pas aux miennes s' il vous plait!"
-"chut, mécréant, vous ne savez pas de quoi vous parlez, la sainte parole va vous guérir"
Mais me guérir de quoi ? Je ne suis pas malade, je n'ai pas envie ni besoin de retirer mes chaussures à
l'entrée, à chaque fois que le dimanche après ma sieste, je fais un tour avec mes enfants sur ma ferme
quand même
-" oh si vous devrez, et par les sas aussi vous passerez, le rituel est très précis, on ne peut rien déroger"
Mais j'ai des collègues éleveurs qui ont 40 ans de métier, ils n'ont jamais fait tout ça et leurs volailles sont
en pleine forme, et leurs clients aussi!
-"chut, ne médisez pas, écoutez, laissez vous faire...vos paupières sont lourdes, très lourdes, de plus en
plus lourdes"
Mais au fait, votre nouveau lieu de culte, je n'ai ni l'argent, ni le temps pour le construire
-"Ne vous inquétez pas, comme tous les agriculteurs de France, vos pensées vers le législateur suffiront
pour vous donner le courage et vous fournir les ressources, soyez en confiance!"
On dirait de la Science fiction , n'est ce pas ? il y a 2 semaines, un jeune collègue installé à
quelques kilomètres de chez moi à reçu la visite de la délégation "papale" suivie quelques jours plus tard
d'un courrier recommandé avec mise en demeure stipulant " que les travaux du nouveau lieu de culte
devrait être terminés pour le 15 juin prochain!"
les orientations
Il nous a été clairement expliqué qu'aujourd'hui la volaille plein air, suivant l'approche faune
sauvage pose un gros problème à l'administration, à tel point que nous n'avons su que récemment dans le
Vaucluse, concernant un dossier d'installation pour un jeune volailler plein air le discours tenu par des
officiels était "on ne sait pas si d'ici 2 ans il restera de la volaille plein air en France", Nous savons aussi
qu'il y a déjà "dans les tuyaux"des projets d'aménagement de fermes avec des batiments semi couverts au
beau nom bucolique "batiment avec jardin d'hiver", sorte de volière attenantes.
Nous savons aussi que,doucement en France, la tendance sera plutôt d'enfermer de gros troupeaux de
vaches dans des salles de sport aux sols plastifiés, que de voir des vaches brouter l'herbe dans les champs!
Oui je sais , ça fait froid dans le dos, mais à un moment arrêtons de nous voiler la face et essayons de bien
prendre conscience de la situation.
C'est pour nous surtout le sentiment de voir le lycée fermer parce que les terminales ont fumé dans les
toilettes alors que nous finissons à peine la grande section et que, de surcroit, dans notre famille personne
ne fume!
Mesdames,messieurs, baladez vous dans les campagnes, filmez, prenez des photos, que vous puissiez
expliquer tout ça à vos petits enfants plus tard.
Les questions
Nous avons tous compris que nous payons les pots cassés de l'élevage intensif, de leurs erreurs de
stratégie, du peu de clairvoyance , et surtout du non réalisme de leurs orientations.Que tout est géré par le
profit et la finance à très court terme, sans aucune vision globale.
Tout ça aujourd'hui nous explose en pleine figure, qu'il y a panique à bord, que tout échappe, alors on
tente tout et n'importe quoi, qu'importe les effets sur les uns ou les autres, qu'importe les dégats humains
ou sociétaux, il y a encore des choses à gagner, alors on y va!
C'est là l'erreur, madame, monsieur, il n'y a plus rien à gagner.
Si on réfléchit, à quoi bon aujourd'hui intensifier notre agriculture? inonder l'Afrique de poulets? exporter
du foie gras en Asie?
Est il vraiment logique de déforester l'Amérique du sud, faire traverser des protéines végétales à travers
l'atlantique pour nourrir des volailles en france,et les renvoyer dans des conserves au bout du monde ? et
même sans aller plus loin appauvrir nos sols ici en France, irriguer à outrance des cultures de maïs pour
exporter exporter et encore exporter.
Si les asiatiques veulent du foie gras, ils viennent apprendre à gaver en France où on va les former
si besoin...c'est ça l'innovation et la modernité : la circulation et le partage des informations.
Ce sont des idéologies d'un autre temps de vouloir faire traverser la planète à des productions alimentaires
Oui je sais tout de suite, et les milliers d'emploi de la filière "canard gras" qu'est ce qu'on en fait ? Nos
petites exploitations familiales suffisent au marché national ; même chose pour les conserveries et
systèmes de vente.
Tout cela a toujours fonctionné et est créateur d'emploi, on le constate tous dans nos systèmes autarciques.
Il serait très intéressant de calculer le rapport entre le nombre d'emplois créés en regard du nombre de
canards produits dans un système intensif et le comparer à un système familial autarcique, à mon avis
nous serions très surpris!
Aujourd'hui ces grosses usines à produire du canard ou du poulet ou autres profitent réellement à qui?
Aux producteurs qui affichent des revenus moyens inférieurs au SMIC, aux salariés, aux asiatiques, aux
africains ?
Je suis ravi de pouvoir manger un sushi japonais de temps en temps parce que il y a un petit gars près de
chez moi qui a appris à les faire, mais en aucun cas je n'ai envie de manger un sushi qui a fait le tour de la
planète ! On sait tous très bien aujourd'hui que ce système est destructeur pour tout le monde et
catastrophique pour l'avenir de la planète.
La preuve en est chaque jour, et au final cela ne profite qu'à quelques personnes dirigeantes qui sont déjà
riches, très riches creusant de plus en plus les inégalités et tout ça pour de la croissance , et encore de la
croissance, de la croissance à l'infini dans un monde qui pourtant lui est fini !
Cet objectif majeur nous fait oublier nos besoins primaires manger, boire, respirer, et le vivre ensemble.
Mon actualité
J'ai reçu un appel téléphonique, la semaine dernière, d'un disciple du grand législateur, pour me
prévenir qu'ils allaient me rentre visite dans 2 ou 3 semaines, afin de contrôler mon lieu de culte.
Autant vous dire qu'au regard des mes convictions je ne suis pas en avance. J'ai juste réalisé hier ma
première recherche de salmonelle en élevage en 9 ans, histoire de calmer la colère du grand oh très grand,
surtout pour essayer de sauver ma tête, car je sais par les collègues déjà visités, qu'aujourd'hui, il n'y a
plus de discussion possible.
La sanction est immédiate, quand on est très puissant, il est tellement facile de décider la vie, la mort, une
mise en demeure, une interdiction de continuer à abattre, donc de vendre....enfin tout peut aller très vite!
Mon testament
Merci d'avoir lu, jusqu'au bout mes doléances, un peu longues j'en suis conscient, mais quand on
sent que la maladie flambe, la parole libère et apaise; et aujourd'hui je n'ai vraiment plus que ça pour me
défendre.
Si un jour j'étais amené à disparaître sachez que je suis paysan et fier de l'être, le jour, la nuit, la
semaine, le week end et même pendant mes quelques jours de congés, ce métier me rend heureux, ma
ferme est en bonne santé, mon comptable est en bonne santé, ma banque est en bonne santé, mes
fournisseurs sont en bonne santé,mes client sont en bonne santé, mon environnement est en bonne
santé.Je réponds à un besoin et à une orientation évidente pour les nouvelles générations.
Tout a du sens, tout est en place pour que je vive longtemps et que d'autres en vivent après moi, mais
malheureusement je suis administrativement très très malade ....
c'est ça la comédie tragique !
Jean-Charles METAYER