Une Lettre Ouverte a tout les travailleurs sociaux
Désolé d'avance si le choix des termes est parfois flou ou mauvais. J'écris ces lignes avec mon cœur, et j'essaie d'organiser quelques idées. Evidemment, il ne s'agit pas là de proposer une autocritique systémique de mon positionnement, juste de réagir et d'inciter tout ceux qui le souhaitent a s'organiser
J'ai grandi en province, des parents dans la santé et le médico-social, guidés par l’envie d’aider les gens autour d’eux. Diplômés, engagés professionnellement et personnellement. Petit-Fils de résistant communiste, Petit fils de Mitterandiens convaincus. [On pourrait passer 50 heures a déconstruire ce paragraphe, mais l'urgence est ailleurs]. Aujourd'hui j'ai 27 ans et toute ma construction professionnelle et personnelle va a l'encontre de ce qui se passe. Le RN, la violence systémique généralisée, et la destruction du lien social sur lequel repose notre conception professionnelle.
Je viens de consacrer 5 ans de ma vie a apprendre comment être un travailleur social, a essayer de comprendre comment fonctionnent nos sociétés pour proposer une transformation a mon échelle et gagner 1500 euros pour survivre en le faisant. J’ai été marqué par des idéaux, marqués par des gens qui ont, chevillés au corps, l'idée de briser les rapports de domination. De penser les marginalités, les précarités, et les individus qui les composent et en souffrent. Une certaine vision des droits de l’homme, de l’engagement, du devoir, et de l’héritage républicain.
J’en appelle à tous mes collègues, futurs collègues, anciens collègues. Associatifs, fonctionnaires, institutionnels ou hors les murs. Battez-vous jusqu’au bout pour que la vision de la société proposée par le rassemblement national ne soit jamais la norme. Je propose trois lignes de force.
- Repensez aux discours émancipateurs, à l'engagement sans faille des personnalités de l’éducation populaire, de Célestin Freinet, a Léo Lagrange, convoquez même Franck Lepage si vous le voulez vraiment. Relisez Poujol, pensez Educ pop, relisez Chapoutot, comprenez comment la société peut faire " le mal ", et pensons de nouvelles conditions pour travailler et lutter. Prenons ces textes, ces idéaux, inscrivons les dans des pratiques d'empowerment, pour survivre, et permettre a d'autres de survivre dans ce qui sera une lutte nécessaire et intégrale.
Faîtes vivre cet esprit, dans les urnes, puis et surtout en dehors et autour de vous. Fédérez-vous, syndiquez-vous, engagez-vous partout où vous le pouvez. Préparez-vous a résister aux politiques les plus abominables que l’on vous demandera d’exécuter. La fonction publique sera détournée, les associations persécutées. Majorité absolue ou non. N’oublions pas notre rôle, sans le surestimer. Construisons, partout où c’est possible, des espaces de solidarité. Faisons les perdurer. Organisons le peu que l’on peut faire.
Si les médias, si le centre droit, et la droite ont flingué ce qui faisait le lien social, reconstruisons le partout, a toutes les échelles. Il nous faudra résister. Il nous faudra nous battre pour que toutes et tous puissent vivre le plus dignement possible.
- Pensez aux centaines de personnes que vous avez côtoyées, avec lesquelles vous avez bossé, qui vont se retrouver à devoir lutter encore plus fort pour pouvoir manger ou pour leur sécurité. L’extrême droite fait peur, la droite fait mal, et à la fin, ce sont les chairs, les corps et les esprits qui en souffrent. Parce qu'iels sont noirs, arabes, trans, ou roms. Parce que ce sont des meufs. Parce qu’iels sont handis. Iels souffriront bien + que moi. N'oublions jamais que si nous sommes là, nous apprenons aussi, nous construisons avec elles une relation qui se donne pour but d'enrichir notre société et qui est le cœur de notre métier, sans respect, sans empathie, il n'y a pas d'action, ni de lien social
- Aussi parce que pour pouvoir construire un semblant d'espace collectif dans un cadre apaisé, il faudra repenser la société. Et lutter, encore, et toujours. Parce que les pensées critiques, compréhensives, ou divergentes vont êtres soumises à des pressions terribles. Dans cette ère de post vérité Bolloréenne, tout est fragile, chaque acquis social sera attaqué, chaque enjeu sociétal ou climatique balayé au prisme de la haine. A ce titre, la campagne aura été absurde en tout point. Le NFP caricaturé a l'envie par des éditocrates qui préfèrent surement " Hitler au front populaire " pour reprendre la formule consacrée. Accusé sans concessions par des adversaires politiques sans aucune vision républicaine. Il en va de même de nos espaces de travail. Ce cadre est un désavantage perpétuel. Pensons a en sortir, soyons créatif et développons toutes les solidarités possibles.
Si la reconstruction de l’humanisme de notre société passera en partie par les urnes, elle sera surtout au cœur de nos engagements, de nos actions. N’oublions jamais que les fondations de notre travail sont humaines et politiques, universelles, politisons nos pratiques et nos actes. Ne jamais discriminer, mettre les intérêts des plus fragiles au dessus de tout. Résistons. Partout, tout le temps.