Julflo (avatar)

Julflo

Professeur des écoles spécialisé

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 août 2021

Julflo (avatar)

Julflo

Professeur des écoles spécialisé

Abonné·e de Mediapart

pour un humanisme sanitaire

Julflo (avatar)

Julflo

Professeur des écoles spécialisé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Manifeste pour un humanisme sanitaire

Ce 22 juillet 2021, j’ai pleuré. J’ai pleuré quand il m’a fallu annoncer à mes enfants que nous n’irions pas à la piscine, comme nous le faisons traditionnellement chaque semaine. Nous n’irons pas non plus au concert programmé le soir dans ma petite ville de province.

Comment expliquer à mes enfants qu’ils seront privés désormais de loisir, de culture parce que papa et maman ont dit NON à une injonction gouvernementale. Dois-je me sentir coupable ? Après tout, la piscine est ouverte, le concert aura bien lieu… Les larmes qui coulent sur mes joues, que je dissimule pudiquement, témoignent-elles de cette culpabilité ? Je suis tenté de le croire dans un premier temps. Là commence le processus destructeur en œuvre depuis l’annonce du 13 juillet. Mais non, finalement, ces larmes, je ne vais plus les dissimuler. Elles sont celles, non pas de la honte, mais de la colère, de l’incompréhension, de l’indignation. Pourquoi en aurais-je peur ? A mes fils, je vais tenter d’expliquer mes choix, la conception de ce qu’est un citoyen et, j’ose, l’idée que je me fais d’être un Homme finalement. Rien que ça ! Merci M. Macron ! Parce que oui, M. Le Président, en imposant le pass sanitaire, est venu questionner au plus profond de moi et de chacun de nous je l’espère l’idée qu’on se fait de la France, de la démocratie, de la place de l’individu dans un groupe social, de la liberté individuelle et de la responsabilité collective.

Je ne suis pas vacciné parce que je l’ai choisi, en conscience, non par dogmatisme mais après réflexion. Je suis un enfant de la République, de son école. J’ai 47 ans. Cette école a permis au fils d’ouvrier ayant grandi en milieu rural que je suis d’accéder à la culture, au savoir, aux études universitaires. Fondamentalement, que m’a-t-elle appris cette école républicaine ? Qu’en ai-je retenu finalement ? Et bien aujourd’hui c’est une évidence ! Elle m’a appris qu’il est nécessaire, pour être un citoyen éclairé, c’est à dire un citoyen agissant, concerné, de développer un esprit critique, analytique. Elle m’a appris que le doute est nécessaire pour ne pas sombrer dans l’obéissance servile, que le doute engendre le débat, que le désaccord est constructif, nécessaire à la vie démocratique, que la notion de libre arbitre est fondamentale, que la certitude, surtout si elle est prônée par une poignée au nom de tous, et la pensée ne font pas bon ménage. De fait, l’unanimisme m’effraie, c’est ainsi !

Pourtant je découvre aujourd’hui abasourdi que je suis « sanctionné », et mes enfants avec moi, pour avoir osé exercer ce que je crois être un droit, un devoir même, celui de prendre position, d’exercer un choix.

Derrière ce rejet du pass sanitaire, je ne peux le nier, il y a évidemment le refus de CE vaccin. Le consensus scientifique qui semble unanimement salué, je le questionne et je le fais parce que je me suis informé. Je ne suis pas scientifique et mon propos n’est pas ici de démontrer pourquoi je remets en question l’utilité du vaccin pour moi et mes enfants. Je me permettrais juste de dire qu’il existe des avis divergents, émis non pas par des hurluberlus adeptes des réseaux sociaux, mais par des scientifiques. J’ai lu, écouté tous les arguments et vous conviendrez que les partisans du vaccin sont plutôt plus exposés médiatiquement que les autres. Je me suis donc informé et j’ai choisi : je ne souhaite pas pour l’instant me faire vacciner, et je ne le souhaite absolument pas pour mes enfants. Pourtant, je doute, chaque jour. Je n’ai aucune certitude quant à mon choix.

Je ne suis pas anti-vaccin. Mon carnet de santé et celui de mes enfants en témoigne. Je le redis, je ne suis pas dogmatique. Mais là, en la circonstance, j’ai dit NON.

Et c’est ce NON qui me, qui nous revient aujourd’hui en pleine tête. Ce NON nous interdit l’accès à la culture, au loisir, à la socialisation. Ce NON interdit par ricochet la même chose à mes enfants. C’est insupportable, intolérable.

« Mais, pauvre idiot, entends-je dire, nous avons vécu le confinement et l’attestation de sortie et tu n’as rien dit ! » Et c’est vrai. J’ai accepté, réticent il est vrai, des contraintes que l’on peut juger bien plus importantes. Mais la psychologie humaine est ainsi faite. Ces contraintes, elles étaient les mêmes pour tous, sans distinction. En l’espèce, le pass sanitaire induit une discrimination, une différenciation des droits entre citoyens, une division, l’instauration d’une qualification symbolique entre « bons » et « mauvais » citoyens , entre les méritants et les irresponsables. S’il ne s’agissait encore que de loisir, de socialisation. Mais cette mesure touche au vital, à l’emploi. Mon épouse aide soignante en maison de retraite risque de perdre son emploi parce qu’elle doit se faire vacciner pour protéger des patients eux-mêmes tous vaccinés. Suis-je le seul à trouver cette situation ubuesque ? Je ne le crois pas. Suis-je le seul à m’interroger ? Si le vaccin est efficace, ses patients vaccinés ne devraient pas être en danger mais s’ils ont besoin que ceux qui les accompagnent soient eux-mêmes vaccinés, l’efficacité du vaccin serait-elle discutable ? Au delà de la question du vaccin, c’est ce qu’induit ce pass sanitaire et la brutalité avec laquelle il est appliqué qui est insupportable.

J’écris parce que j’ai envie de hurler. J’en ai assez de voir caricaturer mes prises de position. Non, je ne suis pas complotiste ! Non, je ne suis pas un adepte ignare des théories de Francis Lalanne et de l’opportunisme politique d’un Florian Philippot et consorts. Je veux mettre en garde contre la paresse et la malhonnêteté intellectuelle de certains qui réduisent le mouvement de refus du pass sanitaire à des opinions extrêmes, folles, inconsistantes. Nous ne sommes ni idiots, ni fous, ni égoïstes, ni des irresponsables bornés incapables de voir le péril contre lequel des personnes soit disant plus éclairées seraient contraints de nous prémunir par une vaccination obligatoire qui ne dit pas son nom. Je veux mettre en garde contre l’omnipotence du discours scientifique dans nos sociétés, qui relègue aux oubliettes du savoir les sciences humaines, qui réduit notre identité à notre corps biologique, qui expertise en permanence le discours, reléguant les simples citoyens à des exécutants passifs de leur devenir et de celui de la société dans laquelle ils vivent. Faisant cela, la question démocratique, infiniment humaine, produit d’une construction intellectuelle, historique, sociologique, philosophique, est reléguée au rôle d’une variable d’ajustement accessoire.

Douter, ne rien prendre comme allant de soi, pour acquis, est un devoir pour l’Homme. Oserais-je qualifier de propagande gouvernementale ce qui est martelé à longueur de journée, sans pédagogie, depuis des mois, sur ce virus et la nécessité de le combattre à tout pris avec comme seule alternative un vaccin conçu dans la hâte ? Oui, j’ose. Suis-je coupable si je doute, si je résiste au discours dominant, si j’essaie de me forger mes propres opinions pour finalement faire mes propres choix ? J’utilise à dessein le terme « coupable ». Être privé de droits ne nécessite-t-il pas, dans nos sociétés démocratiques, délit préalable ? Suis-je coupable d’avoir commis un délit en faisant un choix qui touche à l’intimité de mon être, en choisissant de transmettre à mes enfants la culture du questionnement, du choix et non celui de l’obéissance aveugle ? Je ne peux l’admettre. Je ne peus me résoudre à être assigné à une place de « passeur de mort ».

Bien entendu, je me suis posé la question de savoir si mon choix n’était pas égoïste, de savoir si l’intérêt commun ne devrait pas prévaloir sur l’intérêt individuel. Mais non, ma décision ne relève pas d’un intérêt quelconque. Il est le fruit d’une réflexion, la conséquence d’un choix mûrement réfléchi. Ce n’est pas un caprice. N’est-ce pas pas plutôt le gouvernement qui nous incite, par cette mesure, à nous vacciner non par choix mais par intérêt ? (voyager, se faire une bonne bouffe au resto…). J’ai des convictions. Je dois l’avouer, le libertaire que je suis ne tolère pas l’idée d’obéir au doigt et à l’œil à une injonction soudaine et brutale, fut-elle gouvernementale, qui utilise ni plus ni moins que la tactique éprouvée du chantage (où tu te vaccines, où tu n’a plus les mêmes droits et assurances que les autres quant à ton avenir professionnel). L’homme de gauche que je suis ne peut s’empêcher de trouver suspect (doux euphémisme) le fait de prôner l’intérêt commun dans un monde ultralibéral dans lequel prédomine la réussite individuelle, où l’intérêt commun, le bien commun, sont foulés du pied en permanence, où un service public comme l’hôpital est géré comme une entreprise devant faire des profits, au détriment des patients, où la brutalité économique est permanente. Pourquoi se vaccine-t-on finalement ? Pour protéger les autres ou pour retrouver à tout prix sa vie d’avant, quitte à ne pas se soucier de ceux que l’on menace de tout, y compris de perdre leur emploi? Où se situe l’individualisme ? Mes lectures m’ont appris que les vaccinés peuvent transmettre à cause du variant Delta le virus, même si la transmission est moindre qu’avec des non vaccinés. Mais alors, M. Macron, les touristes ou les buisnessmen occidentaux, « bons citoyens » avec pass sanitaire à jour, qui voyagent actuellement dans le monde entier sans se soucier le moins du monde de trimballer dans leurs bagages le virus dans des pays où la couverture vaccinale est parfois plus qu’aléatoire ne seraient-ils pas au moins aussi irresponsables que moi, que nous ? La maxime « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » chère à nos gouvernants pour justifier leur politique serait-elle moins valable quand ils s’agit de permettre à de riches occidentaux de prendre un bain de soleil ou de faire du business dans des pays exotiques ? La liberté des uns aurait-elle plus de valeur que celle des autres ?

Quant à ce QR code, quelle abomination ! Personne ne devrait se résoudre, dans notre propre pays, à subordonner ses déplacements à la présentation d’un vulgaire code barre, comme si nous étions des marchandises que l’on pourrait juger « aptes » ou « inaptes » après avoir été scannés comme des morceaux de viande. L’image de ces vaches de mon enfance, avec cette boucle d’oreille jaune à l’oreille destinée à les identifier et les tracer me revient en mémoire à l’évocation de cette désolante innovation. Si les vaches avaient des mains, elles montreraient probablement un QR code sur leur téléphone portable avant d’entrer à l’abattoir. J’exhorte chacun, vacciné ou non, à refuser d’admettre que l’on doive montrer « patte blanche » en permanence. La politique ultra sécuritaire, autoritaire, justifiée par les « urgences » (terrorisme hier, virus aujourd’hui, bouleversements climatiques demain) doit inquiéter tous les démocrates. Une société de contrôle généralisé ne peut être tolérée. Une démocratie ne fonctionne pas dans l’urgence, dans la pulsion décisionnelle. Ce qui nous est présenté comme une « parenthèse » dans notre vie démocratique pourrait au contraire devenir une norme mortifère pour nos sociétés à moyen et long terme. Je ne peux n’empêcher de voir dans cette politique un reflet très dérangeant de ce qui se passe en Chine, pays qui semble fasciner nos dirigeants politiques et nos élites économiques.

Je suis un homme qui doute, qui cherche, qui débat pour au final adopter une position qu’il pense juste. Où sont le débat, la contradiction dans cette affaire ? L’urgence sanitaire doit-elle justifier que l’on mette à bas tout ce qui chez nous fait République et Démocratie ?

L’opposition au pass sanitaire est démocratiquement saine, je l’affirme. L’obligation larvée de nous vacciner contre notre gré que nous impose M. Macron ne l’est pas !

Où cela me mène-t-il ? Henry David Thoreau, dans ses écrits, démontre comment notre conscience se retrouve bien souvent ensevelie sous le poids du devoir . En la circonstance, le devoir de nous vacciner. N’est-ce pas à cette injonction culpabilisante à laquelle nous sommes aujourd’hui contraints de répondre, de cette injonction qu’il faut nous prémunir ? Thoreau, encore lui, nous appelle à sortir de notre statut de « masse » pour devenir des individus à part entière, capables s’il le faut d’enrayer la machine gouvernementale. Je m’efforce en la circonstance d’être un individu pensant et agissant.

Je m’engage en citant ce philosophe sur un terrain que, comme celui de la science, je ne maîtrise pas suffisamment pour le développer davantage. C’est pourquoi je vais revenir modestement à ma condition de simple citoyen pour poursuivre mon propos. Mais peut-on n’être qu’un « simple » citoyen ? Je compte, chacun de nous compte. Et nous sommes nombreux, je le crois, à penser ce que j’expose dans ces quelques lignes. Nous sommes des citoyens éclairés, n’en déplaise aux tenants de la vérité qui se voudrait en la matière unique, intangible parce que scientifiquement « inattaquable ». J’affirme que nos doutes, nos choix valent bien leurs certitudes.

Vous l’aurez compris, c’est un homme inquiet, déçu, mais non résigné qui lance ici naïvement et sans trop d’espoir une « bouteille à la mer ». Cette bouteille, je l’adresse à la presse libre car, en contradiction avec l’air du temps, je crois profondément en son utilité, à sa volonté de respecter et relayer la pluralité des opinions, à sa volonté de relayer la contradiction pour faire naître le débat et faire vivre la démocratie. Les réseaux sociaux, je n’y suis pas. Je participe aux manifestations d’opposition au pass sanitaire parce que la lutte collective est indispensable pour se faire entendre. Je respecte pour autant totalement le choix de ceux qui se sont fait vacciner et qui sont nombreux à s’indigner comme moi du virage autoritaire et sécuritaire pris par nos gouvernants. Dans notre histoire collective, dans notre indignation, la question du vaccin devient secondaire tant ce qui nous anime relève des principes qui guident notre vision du monde, de la République.

Toutes ces mesures sont justifiées par les chiffres des contaminations, des hospitalisations égrainés sans fin, sans aucune analyse de ce qu’ils représentent. Mais les chiffres ne sont rien s’ils ne sont pas analysés, contextualisés, si la raison humaine ne s’en empare pas. Cette crise est vécue uniquement à travers la courbe des contaminations. Mais l’être humain n’est pas réductible à son corps biologique. Chacun a un rapport au soin, à la maladie qui lui est propre, lié à son histoire, à son rapport au monde.

Je voudrais ici parler de Carole pour étayer mon propos. Carole a lutté de longs mois contre un cancer, au prix de grandes souffrances, après avoir subit un traitement extrêmement lourd. Aujourd’hui, elle est quasi tirée d’affaire. Elle le doit à la science, à la médecine et à elle même car elle a accepté ce traitement, qu’elle a été partenaire des soignants qui l’accompagnaient. Après que son corps ait tant subi, Carole souhaite désormais, avec l’instinct de vie qu’elle a sue développer durant cette épreuve, ne plus devoir à nouveau administrer à son corps résiliant de nouveau traitement. Elle ne souhaite pas être vaccinée, sentir de nouveau son corps traversé par un produit, fut-il vaccinal. Ce choix relève de son intimité, de son histoire la plus douloureuse. Carole va perdre pour cela son emploi (elle est soignante). Mais ça ne s’arrête pas là. Son compagnon est actuellement hospitalisé pour cause de maladie grave. Le 9 août 2021, Carole s’est faite refoulée de l’hôpital dans lequel son compagnon, son amoureux, son double, est soigné parce qu’elle n’a pas présenté de QR code. Ce 9 août, Carole a hurlé son désespoir devant un hôpital et s’est heurtée à toute l’inhumanité de la politique actuelle. Combien de Carole ont-ils subi et subiront cela à l’avenir ?

La dimension psychologique, sociologique, philosophique des mesures prises est totalement ignorée. Poussant le trait, je dirais que je peux autant mourir de la souffrance que ces mesures me procure que de la covid. Et que dire des plus jeunes d’entre nous ! Il est nécessaire d’introduire une autre temporalité pour mesurer les conséquences de cette crise et des réponses qui y sont apportées. Je prédis bien peu modestement que la décision d’instaurer ce pass sanitaire pourrait avoir des conséquences psychologiques, sociétales, éducatives dramatiques à court, moyen et long terme.

Il se peut que je me trompe mais l’erreur est humaine et être un Homme, c’est faire des choix. Je préfère me tromper que d’avoir raison contre mon gré. Je crois que l’Homme est ainsi fait et que ça fait sa grandeur. C’est en tout cas l’idée que je m’en fais : un être non soumis à un mâle alpha, ontologiquement désireux d’agir selon sa conscience, même s’il devait se tromper.

Parce que je ne veux pas vivre dans une France dystopique. Parce que je ne veux pas que nous, concitoyens français, soyons réduits à n’être que « vaccinés » ou « non vaccinés » et donc divisés. Parce qu’à trop craindre la mort, on méprise et martyrise les vivants. Parce que je suis un Homme, je veux rester libre quitte à me tromper. Parce que je suis un Homme, je veux prendre le risque de me tromper ou d’avoir raison. Parce que je suis un Homme…

Pour mes enfants et mon épouse. Et pour tous ceux qui comme moi, vaccinés et non vaccinés, pensent qu’il est encore permis de choisir, d’agir en conscience.

JR

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.