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Billet de blog 30 janvier 2023

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Le festival Scènes de Rue de Mulhouse est en danger : infos et pétition en ligne

Depuis les déclarations d'Anne-Catherine Goetz, sur l’avenir du festival Scènes de Rue, une mobilisation citoyenne a émergé pour exprimer leurs inquiétudes quant à l’avenir de cet événement plus que fédérateur et populaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous, acteur·ices culturel·les, technicien·nes du spectacle vivant, commerçant·es et habitant·es de Mulhouse, avons découvert à la lecture du journal L’Alsace daté du 30.11.2022 quelques-uns des nouveaux axes de la politique culturelle mulhousienne.  

Parmi eux, la suppression de l’édition 2023 du festival Scènes de Rue en vue d’une « évolution de la formule » et en alternance une année sur deux avec un nouvel événement destiné au jeune public.

Cette annonce a jeté un froid parmi nous, habitué·es de ce rendez-vous estival fédérateur, à l’indéniable qualité artistique. 

Car, sous des arguments peu convaincants et éloignés de la réalité, la manoeuvre vise bien à dénaturer l'événement, jusqu'à lui faire perdre son identité, sa place dans le paysage culturel français, et donc, à terme, son existence. 

Madame Anne-Catherine Goetz semble prendre cette importante décision sur la base de ouï-dire (« on m’a fait remarquer »). Cela nous semble hautement hasardeux de baser une politique culturelle sur ce genre de constats flous et en non concertations avec les professionnel·les de ce milieu.

Notamment, est avancé l'argument que les enfants n’y trouveraient pas leur place, aussi bien physiquement (« ils ont du mal à voir ») qu’en terme artistique (« il n’y avait pas beaucoup de spectacles pour les enfants »).

Pour information voici la liste des spectacles de l’édition 2022 de Scènes de Rue, que le festival identifie déjà comme étant accessible aux jeunes, dès 3 ans :

Cie Volubilis, Habiter n’est pas dormir — Circo Aereo, Harbre — Cirque Rouages, Wonder Petrol — Cie Ilotopie, RéfleXions — 1Watt, Nouvelles de Noone — Cie Balllad, bAlllAd — Collectif Ouinch Ouinch, Happy Hype — Cia. PakiPaya, Shake Shake Shake — Foco alAire producciones, LOStheULTRAMAR — La Horde Dans Les Pavés, Impact d’une course — LE SNOB et Compagnies, Ulik’s Glisssssssssendo — Marcel et ses Drôles de Femmes, Angèle — Matteo Galbusera, The loser — Victoria Belén, Capuche — Théâtre des Monstres, La danse des Sauvages (dès 5 ans) — La Bande à Tyrex, La Bande à Tyrex (dès 5 ans) — Cie Sapristelle, Carott’Cartoon ! (dès 5 ans).

Puis, ceux accessibles Tout Public, dès 8-10 ans : Le Nom du titre, L’Agence Turlututu — Carnage Productions, Tarek, l’Ermite public numéro 1 — Collectif 3615 Dakota, De et par la possibilité éventuelle des devenirs envisageables — Collectif Demain est annulé, Zone à étendre — Bruital Cie, Wanted — La Mondiale générale, Rapprochons-nous — Marzouk Machine, Apocalypse.

Ce qui fait, pour petits et grands, 23 spectacles, gratuits, jouant plusieurs fois. La grande majorité de la programmation est accessible au jeune public, très peu de spectacles sont finalement réservés aux plus de 16 ans. 

Scènes de Rue, c'est un festival fédérateur, gratuit pour tous les publics, accessible, pointu et engagé dans une démarche locale et nationale forte. 

Sur quoi Madame l’Adjointe s’appuie-t-elle pour avancer ces arguments-là quand tous les indicatifs (chiffres, public, presse…) font état du contraire ?

La plupart des spectacles accueillent un large parterre d’enfants aux premiers rangs. Scènes de rue est un festival familial, aux propositions artistiques multiples et pointues, à des conditions tarifaires, des horaires et dans des lieux qui permettent à tous les publics de s’y rendre, une ou plusieurs fois. C’est un véritable service public.

Madame l’Adjointe souligne que beaucoup d’enfants ne partent pas en vacances à Mulhouse, nous allons plus loin même : un grand nombre d’entre eux ne verraient pas de spectacle vivant sans ce festival. 

Nous ne pouvons et ne voulons pas laisser partir cet événement de la vie culturelle sans le défendre ! C’est un événement incontournable pour tout Mulhouse.

Au cœur de l’été, c’est un moment de rencontres et d’échanges. C’est un événement qui au-delà de son impact local et régional est un des rendez-vous incontournables de l’écosystème du spectacle vivant en France.

C’est un moment d’émerveillement, de surprises, d’interrogations, de bousculements. C’est un moment généreux et précieux. Ce sont des moments dont on parle de longs mois durant. De ceux qu’on aime partager. Un événement dont les mulhousien·nes sont fier·es, auquel on se rend aussi bien en famille qu’entre ami·es.

Une programmation qui propose tout à la fois du cirque, du théâtre de rue, des déambulations, des installations plastiques et sonores, de la danse, des concerts…

En somme des propositions artistiques comprenant plusieurs niveaux de lecture, accessibles dès le plus jeune âge et qui témoignent de la grande variété et richesse des arts de la rue.

Le passage en biennale pose également de nombreuses questions.

Tout d’abord celle du lien avec les publics. L’adjointe nous signale que « la vie culturelle a pleinement repris après la crise du Covid ». Certes, les restrictions et contraintes ont été levées, mais en aucun cas la vie culturelle n’a retrouvé son cours normal « d’avant ».

Mulhouse et Scènes de Rue ont notamment su relever l’exploit de maintenir le festival en 2020 et l’on se souvient alors des foules enthousiastes et émues de retrouver la rue et les spectacles.

Nous commençons à retrouver une fréquentation dite « normale », mais c’est sans compter les problématiques économiques engendrées par ces années-là. Cette phrase de Madame l’Adjointe témoigne d’une profonde méconnaissance de nos réalités. Tout le milieu culturel (cinéma, concerts, expositions, théâtre… etc.) en France et à l’étranger s’est bien rendu compte d’une modification des usages et de la consommation du public. C’est ici et maintenant qu’il faut soutenir ces démarches culturelles. 

Et c'est sans compter l'annonce récente de Gérald Darmanin sur les potentielles annulations de festivals durant les JO de 2024 !

Comment alors faire confiance à Madame l'Adjointe quand elle nous dit que nous retrouverons le festival en 2024 alors qu'un ministre affirme le contraire ?

Nous condamnons cette « orientation politique », il est évident que cette modification drastique, sans projet ni vision, ne peut que briser un lien et des habitudes qui ont mis des années à se construire.

Dans le portrait « journaliste d’un jour », paru dans l’Alsace le 17.11.2022, Madame l’Adjointe nous dit qu’une de ses priorités est que « le plus grand monde accède aux différentes offres culturelles, car Mulhouse en propose beaucoup. Garder un fort niveau de proposition, de supports, spectacles, livres, expositions, et renforcer l’intérêt qu’ont les gens pour la culture. Limiter les inégalités entre les diverses classes sociales est également une nécessité ».

Nous aimerions alors comprendre, en quoi la destruction d’un événement gratuit et qualitatif comme Scènes de Rue, peut renforcer l’intérêt de tous·tes pour la culture ?

Bien au contraire, ce temps fort est primordial dans la vie de la cité pour mettre en avant une meilleure cohésion culturelle et une accessibilité pour tous les publics (jeunes, issus de quartiers prioritaires, en situation de précarité, etc.). Il serait bon de ne pas oublier que depuis des années, le festival mène une politique de décentralisation : en effet, Scènes de Rue s’ouvre et se clôture tous les ans dans un quartier différent. Les buvettes du jeudi et du dimanche étant souvent proposées aux associations des quartiers.

Scène de Rue, ce sont aussi tout au long de l’année des compagnies en résidence, autour desquelles se tissent des rencontres et des actions de médiation. Pourquoi ne pas renforcer ce lien-là ?

Quand on pense aux dernières années et à la destruction du quartier Nouveau Drouot il nous semble que c’est bien la culture et Scène de Rue en particulier qui ont aidé à accompagner ce changement profond et douloureux de renouvellement urbain.

Ensuite se pose la question d’une sorte d’alternance avec un nouvel événement « jeune public » aux contours encore bien flous. Madame l’Adjointe nous dit que « tout le projet reste à échafauder ». Là encore, cela est peu encourageant pour la mise en place d’un événement qui ressemblerait à quelque chose dans les prochains mois. Quelle forme prendra-t-il ? Avec quelle équipe et pour quel projet ? Quelle ligne artistique ? Quel lien avec le terrain ? On ne construit pas ex nihilo un nouveau festival 7 mois avant. Sa réussite tient à du temps passé sur le terrain, une ligne artistique forte, des relations partenariales, un projet qui s’envisage en lien avec les réseaux professionnels.

Il faut aussi mettre dans la balance la question des emplois. Combien de personnes, salarié·es, intermittent·es, prestataires risquent de se voir amputer de nombreuses heures de travail ? Combien pourraient envisager de quitter Mulhouse si les événements culturels du territoire se réduisent saison après saison (Momix, Scènes de Rue…) ? 

Quatre jours de festival représentent un indéniable apport économique pour la ville : cafés, bars, hôtels, restaurants… Quel sera l’impact pour eux ?

Enfin, c’est la méthode et le calendrier qui inquiètent. Une agence de conseil est mandatée pour réaliser un audit sur la culture à Mulhouse, mais des décisions fortes sont prises sans attendre ses conclusions. Quel est le coût d’une telle intervention à l’heure où les budgets alloués à la culture se réduisent ?

Dans une ville où les liens sont forts entre acteurs culturels, où il est aisé de se rencontrer, d’échanger avec toutes et tous, la demande d’expertise à un cabinet parisien paraît de nature à braquer toutes celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour dynamiser la ville par sa culture, qui se montrent quotidiennement disponibles et enthousiastes à l’idée d’échanger autour des enjeux pour leur ville.

Il nous semble essentiel de faire rayonner Mulhouse par la diversité de ses expressions artistiques. De s’appuyer fortement sur l’existant, en renforçant au lieu de dénaturer les structures culturelles et les associations qui œuvrent chacune à leur manière au quotidien sur le terrain. En les confortant dans leurs missions de service public, en soutenant la diversité et l’exigence artistique, qui permet aux publics, enfants et adultes, de s’ouvrir à d’autres imaginaires, de s’interroger, de s’émerveiller.

La richesse culturelle de Mulhouse passe par son originalité, sa capacité à se projeter, ses propositions singulières qui étonnent, réveillent, surprennent, marquent, mais aussi son maillage d’acteur·rices profondément investi·es.

Cette pétition à pour objet d’alerter sur les dangers du manque d’ambition des politiques de soutien à la création artistique et cherche également à interpeller les individus, les professionnel·les de la culture, ainsi que les élus, locaux, départementaux, régionaux et nationaux face à cette inquiétante décision politique. Elle fait suite à un courrier adressé à Mme Michèle Lutz, maire de Mulhouse.

Nous sommes nombreux·ses à penser que Scènes de Rue dans sa forme actuelle est une chance offerte à tous·tes les citoyen·nes.

C’est pourquoi nous demandons à Madame la Maire de Mulhouse, Michèle Lutz, de ne pas enterrer le festival Scènes de Rue sous couvert d’arguments peu convaincants. 

Nous sommes enthousiastes à l’idée d’autres événements culturels fédérateurs, imaginés en relation avec les acteur·rices culturel·les du territoire. Mais certainement pas au détriment de ceux qui déjà et depuis longtemps dynamisent en profondeur et font rayonner la ville à l’extérieur.

Un collectif citoyen mobilisé pour leur festival.

Pour nous rejoindre, nous contacter ou obtenir plus d'infos : collectifsoutiensdr@gmail.com
Pour signer et partager la pétition : à la pétition en ligne

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