J’ai entendu une intervention à la radio récemment parlant des enfants impliqués dans les conflits guerriers, et obligés d’y participer. Il y était expliqué que c’est souvent dans des cas de guerre civile, après que l’ensemble des institutions d‘un pays se sont délitées. Plus personne n’est désormais là pour faire respecter des principes élémentaires, dont les droits de l’enfant, notamment de ne pas avoir à faire la guerre. Ce sont des situations où tout est parti à vau-l’eau.
Il y a une coupure entre parents et enfants, qui ont parfois été enlevés. Les parents ne sont plus là pour servir de cadre, cadre protecteur ou bien cadre donnant des repères. Les enfants se regroupent dans des groupes d’enfants plus ou moins auto-gérés, avec une perte de repères, d’adultes donnant l’exemple. Ils sont souvent rendus dépendants via une consommation de drogue. Dans cette situation il est possible qu’ils fassent les missions les pires, les plus dangereuses. Et ils sont utilisés pour cela par les adultes les plus cyniques. Ils n’ont pas la maturation, pas la réflexion par rapport aux risques et aux conséquences. Ils n’ont pas de limites morales établies.
Un délitement se fait jour en Occident : les enfants n’y sont pas protégés correctement
Nous sommes bien loin de ces situations en Occident, en Europe et en France. Les enfants y vivent dans un cadre matériel très confortable, ne sont pas exposés à des conflits armés. Néanmoins, malgré toute la bonne conscience qu’on peut y avoir sur la vie qu’on y donne aux enfant, leurs droits aussi n’y sont pas respectés depuis des dizaines d’années. On en a clairement conscience et on n’est pas capables d’y remédier, et de les protéger de façon adaptée.
Cela fait des années qu’ils y sont exposés à la pornographie via internet, ce qui constitue un détournement de mineurs via une exposition à des contenus sexuels explicites. L’accès en est très « libre », facile, via internet. Il n’y a pas de garde-fou qui soit mis en place afin d’éviter de façon efficace qu’ils soient exposés à des contenus pour lesquels ils n’ont pas la maturité nécessaire. Ce qui a des conséquences délétères sur leur développement affectif et psychologique.
Internet est par ailleurs un outil permettant le développement de réseaux pédophiles, et de hameçonnage d’enfants ou de mineurs. Cela a accru grandement les possibilités des abuseurs de mineurs.
Et enfin internet de façon générale a causé le développement de l’addiction d’une très grande partie de la population, parce qu’il y avait un but de permettre un accroissement de consommation, une croissance économique, ce qui touche de façon plus forte les plus vulnérables, les plus jeunes. Cela a des conséquences chez eux au niveau psychologique, capacités d’attention, sociabilité, développement intellectuel. De nouveaux besoins ont été créés pour développer un nouveau marché, des services ont été proposés, des facilités, du confort à différents niveaux, entravant dans bien des cas les efforts personnels nécessaires au développement de l’individu, au fait de grandir, et rendant dépendants.
Nous ne sommes pas dans une situation de pays dont les structures et les institutions se sont délitées à un point tel que les enfants se retrouvent désormais obligés de participer comme combattants à la guerre. Nous sommes loin de cela, mais pourtant la façon dont nous ne sommes pas capables de protéger les enfants de contenus ne correspondant pas à leur âge et ayant de graves conséquences pour leur développement psycho-affectif, la façon dont nous ne sommes pas capables de les protéger des conséquences d’une économie dérégulée, d’innovations dont l’intérêt économique passe avant tout sans qu’il soit possible de les cadrer correctement, alors que nous sommes pourtant très clairement conscients du problème et de ses conséquences depuis plusieurs décennies maintenant, tout cela reflète une perte de capacité à faire respecter des principes élémentaires.
Il y a un délitement qui se fait dans nos sociétés, délitement ayant des conséquences pour l’avenir. Quelque chose se défait, oeuvrant progressivement et affaiblissant nos structures, nos capacités à préparer l’avenir, à continuer à rester dynamique et être en bonne santé, en possession de toutes nos capacités sur le long terme.
Les adultes des sociétés occidentales ne sont plus capables d’être suffisamment présents auprès des jeunes, des enfants. Ils délèguent leur garde à des outils techniques, comme internet. Mais internet n’est pas bienveillant. Internet c’est du business pour faire de l’argent, pour qu’il soit consommé un maximum, pour que les utilisateurs restent connectés et devant l’écran le plus longtemps. Les utilisateurs sont manipulés dans ce but, des techniques de neuromarketing sont utilisées pour ça, rendant très souvent addicts. Des images ou contenus le plus sensationnel, le plus impactant émotionnellement, ou alors renforçant les gens dans leurs conceptions, et amenant qu’ils ne se confrontent plus à l’autre, à la diversité, la frustration, aux efforts nécessaires pour vivre en société, sont alors diffusés en grand nombre. Tout cela n’est pas filtré par les paroles et la présence d’adultes, pas suffisamment. Les adultes sont de moins en moins capables de donner des repères aux enfants dans les sociétés occidentales, pas plus que de les protéger. Un délitement s’y crée peu à peu.
Nos capacités de préserver l’avenir via une protection de la jeunesse, une présence à ses côtés et la dispense d’une éducation donnant des repères, ceux permettant de se construire, de grandir et d’avoir les moyens dans le futur de vivre sa vie de façon active, autonome, en y construisant, s’effritent.
Cela obère notre avenir en tant que société
Il y a des fondamentaux pour l’existence. Des besoins de base, des priorités. Je n’évoque pas cela au niveau individuel, mais au niveau de la société dans son ensemble. : les fondamentaux permettant qu’une société survive, subsiste au cours du temps. Et avec de bons moyens de faire face à l’existence, et aux enjeux complexes à venir. Comment une société pourrait-elle subsister de façon adaptée si elle n’est pas capable d’éduquer correctement ses enfants, et de les protéger durant le temps où ils sont le plus fragiles et où ils devraient théoriquement se consacrer à grandir et à se renforcer ?
Comment grandir s’il n’y a pas de marche à gravir, de pente à grimper ? Si tout est trop facile, trop immédiatement disponible ; si tous les désirs peuvent être comblés, ou sembler être comblés, d’un simple clic, en restant chez soi ?
Il y a un grave problème dans nos sociétés de l’assistance, de la satisfaction des besoins matériels facilement, du confort. Il y a un grave problème dans nos sociétés tournées de plus en plus vers le grand âge, la maintien de la vie le plus longtemps possible : elles sont en opposition avec le développement des enfants, avec leur maturation. Elles ne permettent plus que les enfants y grandissent correctement. Elles ne permettent plus que les enfants y soient correctement protégés. Elles sont tournées, entre autre via les dépenses financières, vers le grand âge, le passé, plus qu’un avenir. Et elles ignorent aussi les besoins de maintien de lien social, et de cohésion sociale, d’importance du vivre ensemble.
Les sociétés occidentales à force de se tourner vers les plus vieux, vers l’accroissement du temps de vie, se détournent du début de la vie, de la jeunesse, de l’enfance. On commence même à y dire qu’il est irrationnel d’y faire des enfants, qu’il faut éviter de le faire. On veut y vivre sa vieillesse tranquille, pas dérangé, ou que pour être amusé de temps en temps par des enfants qui distraient un peu, donnent un spectacle, mais qui ne sont pas trop présents non plus. On n’a pas envie d’y subir des contraintes, de faire des efforts pour la jeunesse. On veut y conserver tous ses droits, toutes ses possibilités un maximum, avec un maximum de liberté.
On ne va pas y imposer par exemple des examens médicaux pour vérifier qu’on est toujours en mesure de conduire correctement et de ne pas devenir un risque pour autrui, quand on approche du grand âge. On ne voudrait quand même pas risquer de se voir imposer un retrait de la possibilité de conduire, et une restriction de liberté, ou de facilité, quand même… Mais c’est quoi le bon mot pour définir nos sociétés en fait, c’est « liberté », ou c’est « facilité » ?
C’est quoi aussi les priorités aujourd’hui, les besoins fondamentaux ? Pas au niveau individuel, mais au niveau de la société, de l’intérêt général ? De quoi a-t-on vraiment besoin en tant que société, en tant que groupement ayant des besoins afin de survivre, et de survivre dans de bonnes conditions, humaines, correctes ?
C’est quoi le premier besoin : la liberté, ou alors des enfants correctement protégés et ayant un cadre pour grandir ?
Lutter contre les droits civiques et économiques des plus âgés
Il y a des élections européennes qui s’annoncent, et déjà au plus haut sommet de l’État en France on se prépare à ne pas tenir compte d’un résultat défavorable, alors que l’on s’est pourtant très fortement impliqué dans la campagne.
Cela ne pousse pas à se tourner vers les procédures démocratiques, qui sont donc manifestement ignorées et détournées. Cela pousserait plutôt à se tourner vers des procédures moins démocratiques en fait. Cela pourrait pousser à la violence, l’utilisation de la force. Mais si j’ai commencé en parlant de pays où les institutions se sont tellement délitées que les enfants en finissent par devoir participer eux-mêmes aux guerres, ce n’est pas pour ne pas réfléchir à comment la violence devra être utilisée pour éviter que la société ne se délite gravement, et éviter qu’elle ne dégénère. Cette violence, cette utilisation de procédures autres que démocratiques, vu que celles-ci ne suffisent plus, et sont en fait ignorées, doit être clairement circonscrite et maîtrisée. Elle doit avoir un but très clair, limité.
Je pense qu’il faut lutter contre les droits des personnes les plus âgées, au niveau économique tout d’abord, parce que bien souvent tout le reste en découle, et au niveau droits civiques, pour les restreindre, notamment au niveau politique, en limitant les possibilités d’être élu, et de voter. Et également au niveau droits d’accès à la santé, pour que ceux-ci ne puissent être pensés comme sans limites, sans frontières. S’il y a une guerre à mener, et une guerre de vraiment utile pour l’avenir, c’est celle là. C’est un choix : favoriser un enfant / favoriser un vieillard. Sauver la vie d’un enfant / sauver la vie d’un vieillard. La mort d’une personne âgée est dure ? Oui. Mais elle est sensée.
Et la liberté, la démocratie (ou peut-être que le terme le plus approprié est le confort) ne sont plus la priorité. La priorité c’est la survie, la prolongation de l’existence, l’intérêt général d’une collectivité. Plus les droits individuels. Et en tout premier lieu, plus ceux des personnes âgées.