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Billet de blog 28 septembre 2025

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Occidentaux ou Eurasiatiques?

Les Etats-Unis montrent aujourd'hui un visage très violent en voulant s'imposer via un rapport de force brutal. Mais cela ne reflète-t-il pas la nature profonde des relations de ce pays avec les autres, qui a toujours été présente de façon sous-jacente?

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Et cela n'est-il pas le signe qu'elle perd pied, qu'elle en vient là et tombe le masque parce qu'elle n'a plus d'autres moyens?

Une nature prédatrice

L'utilisation de la force, l'imposition de ses points de vu par la force n'ont-ils pas toujours caractérisé les USA, sous des atours de démocratie, de liberté, sous une présentation comme voulant le bien de l'humanité? Cela sur la scène mondiale, au moins depuis que ce pays se bat pour atteindre le leadership, depuis la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Et sur la scène intérieure, on ne peut oublier comment les populations natives d'Amérique du Nord ont été décimées, comment les traités qui ont été signés avec elles n'ont pas été respectés par les autorités américaines, ni comment l'économie américaine a commencé au début en grande partie sur un modèle esclavagiste. La société américaine est depuis longtemps violente. C'est la loi du plus fort, du plus roublard qui y règne souvent, avec un culte de l'utilisation des armes, la mise en avant de la réussite individuelle, quelque soit la manière.
Les Etats-Unis ont commencé à prendre le devant au début du XXe siècle, et à l'époque ses concurrents étaient sur le continent européen. C'est notamment l'Allemagne, qui se développait aussi fortement industriellement, et qui était un concurrent de poids. L'Allemagne a perdu le premier conflit mondial, et les rétorsions qui lui ont été infligées, les pénalités, notamment de par la volonté américaine, a fait que la société allemande a été étouffée, que son économie n'a pu fonctionner et que cela a semé les graines de la montée d'un régime nazie, alimenté par la colère. Cela a amené ensuite un second conflit mondial. La brutalité a engendré la brutalité.
Sans diminuer les responsabilités des Allemands, des responsables nazis, on peut aussi prendre des distances par rapport au discours qui prévaut depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les nazis sont présentés comme le diable, comme destructeurs, violents, les vainqueurs de la guerre comme des sauveurs, comme le bien, le bon régime politique. Ce discours, que l'on connaît bien en France, a été imposé par le vainqueur. Il met sous le boisseau les responsabilités des USA, que l'on pourrait pourtant évoquées. Ce pays a aussi eu des responsabilités dans la façon dont l'Allemagne a été étouffée, empéchée de se développer au début du XXe siècle, entre les deux guerres. Cela a semé les graines d'une volonté de revanche. La brutalité américaine a été vite oblitérée, cachée sous la brutalité allemande.
Le fait de se centrer sur la critique de l'idéologie nazie après guerre, sur sa volonté de conquérir un espace vital, sa façon de vouloir s'imposer par la force, que par la force, occulte d'autres torts. Ce culte de la force était aussi présent aux Etats-Unis, où les théories nazies ont eu pendant une période précédant le conflit le vent en poupe. S'imposer brutalement pour acquérir un espace vital caractérisait aussi d'une façon importante la culture américaine. La façon dont le 2nd conflit mondial a été mené, avec des bombardements de villes allemandes pas tous justifiés par un but de guerre, comme celui de villes d'autres nations européennes -notamment leurs zones industrielles-, avait aussi comme but sous-jacent de réduire à néant les capacités industrielles et économiques de pays concurrents. Le but était de préparer le terrain à l'après-guerre, afin de pouvoir y être le premier sans partage au niveau économique, et de pouvoir alimenter de ses produits de nouveaux marchés. Il y avait une grande avidité derrière.
La sauvagerie avec laquelle deux bombes atomiques ont été larguées sur la Japon, en fin de guerre, alors que ce n'était pas justifié par un but stratégique -ce pays étant sur le point de donner sa rédition-, reflète aussi une volonté d'écraser. Il y avait une volonté de montrer sa force au monde entier, notamment à l'URSS, et de s'imposer par la force brutale. Et il y avait aussi un racisme qui s'exprimait ainsi, avec une négation de l'humanité de personnes d'une civilisation différente, un racisme contre les Asiatiques, considérés comme moins que rien, ce qui a amené à ce que des civils innocents soient tués en masse. La seconde guerre mondiale a vu la barbarie nazie, mais aussi de la barbarie américaine.

Les bouleversements imposés aux sociétés

Sa victoire lors de ce conflit a permis ensuite aux Etats-Unis de s'imposer commercialement et économiquement, et aussi culturellement, dans de larges zones du monde. L'Allemagne et le Japon, défaits, occupés, ont adoptés le modèle américain. Dans des pays de l'Europe, comme en France, il y a eu le plan Marshall, apportant des financements de la part des Américains en échange de l'adaptation au modèle économique américain. Nous nous sommes mis à consommer de plus en plus de produits venus des USA, et nous avons adopté son style de vie, sa culture, son modèle économique, son modèle d'entreprise, de management. Nous sommes devenus peu à peu une société de consommation, une société où les transports étaient basés sur l'utilisation de la voiture, fonctionnant avec du pétrole, importé notamment des Etats-Unis. Les mines de charbon ont peu à peu fermées, sous la pression des USA. L'agriculture a été transformé vers un modèle productiviste, avec des grandes exploitations, un remembrement bouleversant les paysages agricoles. Il y a eu de moins en moins d'agriculteurs, de paysans. La société rurale traditionnelle a été chamboulée, et poussée vers une forme de disparition.
On a ainsi été poussé, du fait de la pression américaine - imposée en grande partie par la force même si c'était dans un gant de velour, avec du soft-power, les atours des films divertissants, des produits commerciaux attirants, l'atractivité d'un mode de vie confortable-, à un changement de notre mode de vie. On s'est orienté vers un mode de vie plus urbain, l'utilisation en force de la voiture individuelle, le consumérisme pour des produits améliorant parfois le confort mais pas toujours utiles. On est allé vers une société plus individualiste, plus centré vers le bonheur personnel, l'hédonisme, avec moins de liens sociaux, une moindre importance du collectif. On a en fait perdu une grande partie de notre culture propre, de notre identité particulière, notre sociabilité, qui ont été chamboulés par l'influence américaine - donc imposée de façon assez brutale, en nous tordant le bras.

Les conséquences néfastes d'une culture orientée vers l'enrichissement matériel

Je suis en train de dresser le bilan de ce qu'on fait les Etats-Unis de nous, de notre pays, depuis qu'ils ont le leadership mondial et que notre pays est devenu inféodé au leur, qu'on a besoin de lui pour notre protection, qu'on a du recourir à son aide pour se libérer, qu'il l'a fait sans ménagement, en se servant au passage.
La société de consommation, individualiste, urbaine, s'est développée depuis les années 60. Dans les années 70 il y a eu une révolution importante au niveau des moeurs, avec une montée encore de l'individualisme, le primat du bonheur individuel et un rejet des traditions. Dans les années 90 le libéralisme s'est développé de façon brutale. Entrer sur le marché de l'emploi à cette époque était compliqué vu la montée du chômage qui a alors eu lieu. Les modèles de sociétés libérales économiquement ont prévalus, avec une modification des fonctionnements des entreprises, un nouveau type de management, la montée de l'actionnariat, la façon dont les objectifs des entreprises étaient tournés en grande majorité vers le profit pour satisfaire des actionnaires mais sans avoir une vision à long terme. Il n'y avait plus de projet de société derrière, plus de soucis de la société, du lieu dans lesquels l'activité de production s'insérait, mais avant tout une volonté de maximiser les profits, pour un actionnaire éventuellement situé très loin de là, dans un cadre mondialisé.
Outre que cela a bouleversé les sociétés, amené du chômage, fait disparaître des métiers, des cultures, des savoir-faire, cela a aussi amené de très forts problèmes environnementaux dont on voit les conséquences aujourd'hui. Les pollutions se sont accumulées, le climat commence a être modifié, la biodiversité s'amoindrit, les ressources sont pour certaines sur la voie de l'épuisement. Depuis des décennies nous vivons sous le modèle américain, le culte de la frontière, de toujours aller voir de nouveaux horizons, de s'enrichir, de développer librement de nouvelles activités, de nouvelles entreprises, de croître de façon constante en changeant sans cesse de façon de faire, de lieu de vie. Notre sens de limites, des traditions à suivre, nos capacités de régulation on été fortement entamés.
Cela a amené une société où on consomme beaucoup, où on produit beaucoup, où on échange les produits d'un bout à l'autre de la planète et même où on fait faire plusieurs fois le tour de la planète à des matières premières ou à des constituants de produits pour arriver au lieu où l'article fini est mis en vente. On a une société où on consomme beaucoup, invente beaucoup de nouveaux produits pour faire consommer et faire tourner l'économie. On ne réfléchit pas à si ces produits sont utiles vraiment. On cherche plutôt à faire consommer que cela soit utile ou pas. On remplace des besoins que l'humain savait satisfaire sans consommer, via l'échange spontané entre personnes, par des produits qui sont désormais achetés, qui nécessitent quelque chose de matériel. On calibre la durée de vie des produits pour qu'ils ne durent pas trop, et qu'ainsi on en rachète régulièrement.
Quel sens cela a? Cela peut-il durer longtemps que de vivre avec ce modèle?

La dernière strate d'influence, au niveau médiatique

Pour continuer encore un peu avec ce qu'on fait les USA de nous, de nos modes de vie -avant de se demander où aller si on ne suit plus cela-, parlons des dernières conséquences de cette influence, au niveau des médias, de leur impact. Il y a d'abord eu le développement de la télévision, des programmes divers et variés. Depuis les années 80, 90, on est de plus en plus poussés à passer du temps devant des écrans. C'était d'abord la télévision, devant laquelle on s'asseayait et qu'on regardait, ne parlant plus trop avec notre famille, nos voisins. On regardait passivement et on consommait aussi, mangeant devant la télévision, parfois les produits vantés par les publicités attrayants et colorés vues à la télé. On a ainsi été poussé à devenir des sortes de vaches passives, engraissées en étant parquées devant des postes de télévision dont les images nous subjuguaient. On consommait ainsi de plus en plus de nourriture, nos estomacs étaient considérés comme pouvant assimiler de plus en plus, pour favoriser l'essort des ventes d'aliments. L'esprit focalisé par les images on n'est plus conscient de ce qu'on ingère et de si c'est assez ou trop, et on mange toujours plus, fait croître les ventes.
La santé des populations, on s'en fout en fait, c'est les chiffres de vente, la production, la croissance qui priment dans cette logique là, cette logique américaine. Aujourd'hui une part phénoménale des jeunes américains ont des problèmes de santé du fait de la malbouffe et du manque d'activité physique. Un quart seulement d'entre-eux seraient aptes si jamais ils avaient à faire le service militaire!
Après la télévision, pour aller à un niveau encore plus poussé, il y a eu le développement d'internet et des téléphones portables. On a ainsi encore franchi un pas dans le développement de produits, d'interfaces pour satisfaire des besoins qu'on savait satisfaire gratuitement auparavant, par des échanges humaines spontanés. Désormais il faut des réseaux sociaux numériques pour avoir des relations avec les gens. Il faut des téléphones pour rentrer en contact. La télévision fournissait des programmes conçus par autrui, et sur internet on peut intervenir soi-même et y entrer en relation avec les gens. Mais on ne sait plus trop, ou de moins en moins avoir des contacts directs. On a créé un nouveau produit, de nouveaux besoins. En se présentant comme ludiques, comme facilitant la vie, comme fournisseur de solutions faciles pour tout le monde, ces interfaces rendent addicts et ne permettent plus de résoudre les problèmes par soi-même. Ils rendent incapables de se satisfaire seuls, de trouver seuls ce dont on a besoin.
Internet, le portable, les réseaux sociaux ont aussi amené une possibilité d'accéder au plus intime des gens, tout le temps, jusqu'au sein des lieux privés. Cela permet de changer les mentalités, les opinions, et de les manipuler dans un but politique. Cela permet les influences étrangères, d'un pays à l'autre, comme les réseaux sont internationaux. C'est en raison d'une volonté de développer librement, de ne pas freiner l'innovation, la possibilité d'entreprendre, de vendre que tous ces produits inutiles et aux conséquences néfastes se sont imposés, s'imposent, avec une régulation minime.
On a aujourd'hui des problèmes énormes de harcèlement via internet, qui permet la lâcheté des insultes proférées de loin, sans en subir les conséquences directes, en se cachant sous l'anonymat. Cela a permis aussi le développement d'une criminalité à grande échelle, avec des extorsions, des abus de faiblesse, le détournement de mineurs, de la pédocriminalité. Les enfants, peu protégés dans un cadre où la régulation est peu présente depuis le début, et l'est de moins en moins ces dernies temps, en sont les grandes victimes. Les réseaux sociaux, les outils numériques ont été développés -dans un cadre non régulés- avec une volonté pensée d'engendrer des pratiques addictives, une consommation non freinée. Les enfants, les jeunes y sont les moins capables d'y résister et ils en subissent les conséquences. La santé mentale des jeunes est de plus en plus problématiques, jetant une ombre forte sur leur avenir, et donc sur l'avenir des sociétés où ils sont amenés un jour à devenir adultes, à devenir responsables.

Le tour pris par les développements américains est désormais sombre

La mentalité, les objectifs des développeurs d'internet sont sombres. Ce n'est pas quelque chose de positif. Pour certains des grands industriels de l'internet, la civilisation occidentale est sur le déclin et il faut accélérer sa chute. Il faut faire cela en profitant au maximum de ce que cela peut apporter au niveau personnel, en faisant son beurre, son profit, afin que certains élus ou élites puissent survivre dans le marasme ambiant, au détriment de la masse. Ils ont des ambitions chimériques d'immortalité, de vie augmentée, d'homme augmenté et se voient comme pouvant survivre sans fin, dans une croissance sans fin au détriment de tous les autres. Ces industriels du numérique ont une mentalité de rats qui quittent le navire, de sauve-qui-peut, de personnes lâches qui marchent sur la tête des autres afin d'améliorer leurs chances de survie en enfonçant autrui, y compris femmes et enfants. Il y a moyen d'être plus digne que cela, de faire preuve de plus de tenu, même si, et je dis bien "même si", nous sombrons.
Cette mentalité sombre est celle qui se met à modèler nos vies ces derniers temps, de part l'influence qu'a l'Amérique sur nous. L'économie du numérique a été inventée aussi aux Etats-Unis, et ce sont les Etats-Unis qui nous l'ont imposé, depuis le développement des ordinateurs, et ensuite avec internet, les bouleversements du monde du travail informatisé (sans que l'on soit sûr que cela apporte vraiment), jusqu'à l'apparition de l'intelligence artificielle récente, qui veut aussi bouleverser complétement nos façons de travailler. Avant on inventait des outils pour remplacer le travail physique, faire des choses matérielles de façon autonome. Maintenant c'est même l'acte de penser, de réfléchir, qui devrait être effectué par des machines. Et c'est même la machine qui devrait servir de partenaire relationnel, avec une capacité d'imitation du langage et des affects humains. C'est d'un avenir sans humains qu'il s'agit. C'est un nihilisme profond, sous les arguments de vouloir faciliter la vie, de vouloir l'augmenter, la rallonger.
Les Américains ont exploré des espaces outre-mer, en Amérique du Nord. Puis ils ont été dans l'espace, sur la Lune. Et maintenant, faute de pouvoir explorer d'autres terres matériellement, c'est l'espace virtuel dans lequel ils vont, qu'ils développent. La découverte de nouvelles frontières est devenue depuis longtemps artificielle. Comme son nom l'indique, cet espace virtuel n'existe pas. Ce n'est plus que du domaine du rêve. Cette volonté d'exploration a atteint ses limites, son aboutissement. Désormais elle ne débouche sur plus rien de concret, que sur l'entretien d'une illusion, dans un activisme qui se termine, qui trouve sa fin. Cela débouche sur une forme d'autodestruction. Si on veut explorer d'autres territoires il faut se préoccuper que ceux-ci soient viables. Le projet des Etats-Unis en tant que tel, n'acceptant pas de limites, n'est plus viable. Cette forme de nihilisme qu'on voit actuellement, incarnée par les responsables des géants de la tech, illustre ce fait que le projet américain est sur sa fin, demande sa fin et y court en quelques sortes.

Il y a donc eu toutes ces modifications de nos styles de vie, la perte de notre culture, écarté de façon brutale par un modèle imposé, nous poussant à tout modifier, tout chambouler. Je n'aime pas la France telle qu'elle est ainsi devenue. Je suis né dans les années 70, je ne connais donc qu'une France vivant sous l'influence américaine. Je ne connais de ce qu'elle était avant cette influence que ce que j'ai pu en voir dans des films tournés avant, que ce que j'ai pu lire. Mais il me semble qu'il y avait avant une identité propre, une culture particulière, un type de sociabilité, de capacité à faire lien. Une sorte de cohérence, quelque chose qui vivait et savait se transmettre  de génération à génération. Je n'aime pas la France telle qu'elle est devenue. Je n'aime pas la France telle que je la connais. Celle de la bagnole, de rues en ville où on ne peut jouer à cause de la circulation, des rues noires de suie. Celle des entrées de ville déformées par les zones commerciales, les enseignes identiques où qu'on aille - de par l'Europe même. Les campagnes où les champs commencent à ressembler à des déserts, avec des terres à la richesse naturelle et à la biodiversité abîmées par des décennies d'utilisation de pesticide et de production intensive. Je n'aime pas voir les gens dans les transports en commun absorbés par leurs téléphones portables plus que regardant les gens autour, ou marchant dans la rue en regardant leur téléphone portable plus que ce qu'il y a autour d'eux, les paysages où les gens.
Tout cela vient vers nous en ayant été conçu en Amérique. Tout cela vient vers nous en ayant été conçu en Amérique. Tout cela vient d'une volonté d'enrichissement, de croissance sans limite, hors de toute régulation. Cela nous vient d'un modèle imposé de façon abrusque par une volonté de domination et de profit américain, même si cela a été fait de façon plus intelligente qu'après le premier conflit mondial, avec l'écrasement brutal de l'Allemagne durant l'entre deux guerres. Cette fois ont a été amené à adopter le mode de vie américain pour devenir des clients pouvant acheter des produits américains. En 80 ans de ce modèle on en est arrivé aux extrêmes d'aujourd'hui. Tout cela vient vers nous en ayant été conçu en Amérique. Tout cela vient d'une volonté d'enrichissement, de croissance sans limite, hors de toute régulation. Et venons en à l'Amérique d'aujourd'hui, à ce qu'elle nous montre désormais politiquement, à ce que ce projet a syncrétisé.

L'Amérique décrépie d'aujourd'hui

Aujourd'hui nous avons l'Amérique de Trump. Donc une Amérique capable d'élire Trump, deux fois. Une Amérique dont visiblement les capacités de rélfexion sont réduites, après la consommation de nombre de produit, l'assistance de nombreux outils empêchant de faire ou de réfléchir par soi-même. C'est une Amérique de la consommation passive, négative, nihiliste. Le projet est de consommer, de s'enrichir et cela n'est sans doute pas un horizon si enviable, si positif quand il est réduit à cela.
Trump, dans sa volonté d'ériger des barrières commerciales, de fermer les frontières aux immigrés, d'imposer des règles fermes dans la vie collective, de freiner les évolutions sociales, les changements de moeurs, est un reflet des contradictions américaines. D'un côté il veut un monde à l'économie non régulée, pas du tout régulée, et de l'autre il souhaite ériger des limites strictes. Trump incarne, dans ses contradictions, ses approximations, cette Amérique qui est bien consciente que des limites sont nécessaires, mais d'un autre côté ne sait vivre avec des limites et une régulation. Il a raison dans le fait qu'il faut des limites un jour. Mais est-il capable de mettre en place des limites adéquates, cohérentes, efficaces et permettant un avenir positif? On voit comment il rejette complétement, ne veut pas voir que nous sommes faces à un problème climatique à la portée civilisationnel prioritaire, parce qu'il souhaite continuer à produire et vendre un maximum de pétrole. On voit comment il veut une économie du numérique non régulée, se fichant des effets sur les états mentaux, voire en profitant. On voit comment il souhaite une monnaie numérique, pour s'enrichir lui-même au passage, sans prise en compte des risques que cela fait courir à l'économie de son pays et à l'épargne des personnes, de part le monde, qui seraient tentées d'y faire des placements. On voit comment il favorise la malbouffe aux Etats-Unis, en choisissant de ne pas réguler l'alimentation industrielle malgré les effets dévastateurs qu'elle a sur la santé des jeunes Américains, et sur les possibilités d'avoir une société en bonne santé aux Etats-Unis à l'avenir.
Il n'est pas responsable, c'est clair. Il est en lien avec les géants du numérique, les chefs d'entreprise du numérique qui ont cette vision nihiliste de la civilisation occidentale et veulent en accélérer la chute, en en profitant, dans une forme d'égocentrisme crasse (frisant dans son autocentrement sur soi-même avec l'autisme Asperger, dont certains sont atteints: des autistes influent désormais de façon forte sur la sociabilité dans le monde Occidental). Faut-il les suivre? Cela n'est pas positif du tout. Cela va vers l'anéantissement, le non sens, le fait de profiter au maximum en se fichant des autres, des jeunes, du collectif. C'est l'individualisme poussé à son extrême, jusqu'au nihilisme.
On a en Europe, en France, toute une génération née après-guerre qui fonctionne aussi en grande partie sur ce modèle. Elle a été éduquée, a grandi lors du développement de la société de consommation, lors de l'arrivée en Europe de ce modèle américain basé sur la croissance infinie. Et on a aujourd'hui des retraités qui pour la plupart visent leur confort sans penser au sort des générations plus jeunes. On a des plus âgés qui se soucient peut de laisser une planète non viable à leurs descendants, un climat non viable, un pays non viable. On a des retraités propriétaires qui vivent de la rente de leurs locations, se préocupant peu que les plus jeunes sont assommés par des loyers exhorbitant, ne peuvent faire des projets d'enfants parce qu'ils ont des soucis financiers, ne voient comment pouvoir loger une famille. On a beaucoup de vieux égoistes, qui pensent à leur confort, à pouvoir consommer comme ils l'ont toujours fait durant leur existence, avec la perspective qu'on peu avoir toujours plus, croître sans fin. On dirait qu'ils pensent qu'ils vont vivre de façon éternelle. Mais non... Ils vont partir, et il y aura un monde et des gens qui l'habiteront après eux.

Une influence et une dépendance à rompre

Ce modèle américain est donc très nihiliste, n'ouvre pas sur un avenir viable, ne permet pas d'entrevoir un avenir durable. Il faut donc changer de type de fonctionnement, de type de modèle économique et de modèle de société. Il ne faut plus suivre le modèle américain, de façon urgente vu les enjeux actuels vraiment énormes et la nécessité de s'y adapter.
Les Etats-Unis illustrent cela aussi par la gérontocratie qui y accapare le pouvoir politique désormais. Ses élus y sont de plus en plus âgés. Le pouvoir financier et économique y est entre les mains de personnes très âgées. Le dernier Président, Joe Biden, n'avait visiblement plus du tout les moyens cognitifs de gouverner, mais il a quand même conservé le pouvoir, voulu se représenter, et provoqué une catastrophe pour son camp politique et pour son pays vu qui lui a succédé. Son successeur affiche aussi de signes importants de décrépitude liée à l'âge. Mais on lui a donné le pouvoir quand même (c'est fort possible qu'il fasse de grosses grosses bourdes d'ici la fin de son mandat en raison de sa décrépitude, s'il ne les a pas déjà commencées...) Cela est un signe de déclin, de non volonté de mettre en avant l'avenir mais plutôt de conserver des acquis, un style de vie connu, un confort pour les personnes âgées. On développe les cures de longue vie aux Etats-Unis, le secteur de la santé pour vivre en forme le plus longtemps y marche bien, mais les jeunes y sont de moins en moins en bonne santé. Cela montre tous les signes de la fin, d'une non possibilité pour la société de se voir avoir un avenir.
Alors fin du modèle américain, fin du modèle de la croissance économique sans fin, fin du modèle de la consommation, de l'individualisme, de l'assistance par la technologie et du confort maximum, de l'avidité au détriment du sens collectif.
Et fin de l'influence américaine. Vu ce qu'elle est aujourd'hui, vu comment son caractère tourné vers la prédation se révèle et vise désormais ouvertement à nous faire "payer" en Europe, à nous dépecer sans morale d'une certaine façon, il est de toute façon urgent de s'en éloigner. Ce modèle ne marche plus. Si on s'y est conformé longtemps parce que celui dont cela provenait nous assurait une forme de protection, il convient aujourd'hui de voir que cette protection est de moins en moins réelle et devient de plus en plus de la prédation, et qu'elle nous coûte plus qu'elle nous apporte. Non seulement les Etats-Unis ne veulent plus nous protéger, mais le modèle qu'ils nous imposent ne permet pas notre survie sur le long terme, vu ce qu'amène son type d'économie, son type de société. La société telle qu'elle nous a été imposée n'a aucun avenir, à courte échéance.

Quelles sont les solutions alternatives?

Il faut partir de cela. Cela veut dire quoi? Soit se débrouiller seuls, si on a la force et les moyens de se débrouiller seuls dans le monde actuel, éventuellement via des alliances avec d'autres nations dans la même situation que nous pour être plus forts à plusieurs. Soit trouver un autre "parrain", plus en conformité avec les objectifs du monde d'aujourd'hui. Lequel? Il y a la Chine, qui commence sérieusement à contester l'hégémonie américaine. Faut-il commencer à y songer? Dans quelle mesure?
Il y a un questionnement global à mener concernant le modèle occidental, au niveau économique, social, politique. Et surtout concernant le modèle américain, qui défini désormais le modèle occidental: un modèle très libéral, visant d'avoir peu de règles, peu de limitations, orienté surtout vers le profit matériel maximum. C'est un modèle libéral au niveau économique, et libéral au niveau politique: c'est un ensemble, un fonctionnement cohérent global, qui permet le progrès scientifique et technique, le progrès matériel au service de l'individu, via l'initiative individuelle, la conccurence entre particuliers. Mais ce modèle voit donc aujourd'hui un gros problème qui est qu'il n'a pas assez de limitations, et que les ressources se trouvent en voie d'épuisement alors que les pollutions s'accumulent, engendrant notamment un déreglement climatique. Ce modèle atteint ses limites.
Ce modèle est-il celui de l'Europe, provient-il de l'Europe où bien est-ce ce qu'en en font les Etats-Unis ces dernières décennies qui pose problème? Les Etats-Unis n'ont-ils fait que développer politiquement et scientifiquement ce qui a été élaboré par l'Europe occidentale: l'Angleterre, les Pays-Bas, la France, l'Allemagne...? Ce que faisait l'Europe occidentale avant la prise d'ascendant des Etats-Unis, avant 1945 était-il plus viable, plus durable, moins excessif? Ou bien depuis le XIXe siècle, des influences venues des Etats-Unis, avec sa croissance rapide, nous marquaient et nous modelaient déjà?
Nous sommes plus capables en Europe de mettre en place des régulations, de limiter l'activité économique. Nous avons plus de repères historiques, des modes de vie ayant une antériorité plus importante. Nous respections plus des traditions, un savoir ancien, avions plus la conscience de limites à ne pas franchir avant la prise d'ascendant par les Etats-Unis. Ceux-ci paraissent sans conscience des limites, sans repères marqués, voire déracinés.
Or aujourd'hui nous avons besoin de règles bien plus drastiques, de moins d'individualisme, de moins de consumérisme et de matérialisme, de rompre le culte de la croissance et de l'innovation pour prendre beaucoup plus en compte les contraintes nécessaires à l'avenir collectif de la société, du groupe. Toute innovation, toute entreprise individuelle n'est pas bonne. Il y a un besoin de la peser, de voir ses conséquences possibles avant de la laisser se développer et aller jusqu'à être utilisée à grande échelle. Il y a une nécessité de primat du collectif, imposant une restriction à la liberté d'entreprendre individuelle.

Des avantages en Occident provenant de la révolution scientifique, aujourd'hui dans l'impasse

Si l'Europe s'est développée grandement au niveau scientifique et technique, et donc matériel, et a dépassé l'Asie économiquement durant 5 siècles (alors qu'elle était derrière auparavant), cela est expliqué par les restrictions qu'imposait la Chine à la recherche. La Chine a mis au point de nombreuses inventions, dont certaines ont été reprises ensuite en Europe. C'est une grande civilisation capable d'inventer depuis des millénaires. Mais l'Europe, l'Occident a pris l'ascendant de par ses découvertes. Il y a eu le fait d'avoir été sur le continent américain qui a apporté des ressources financières à l'Espagne, grâce aux métaux précieux. Egalement la découverte de la science et des techniques de ce continent a apporté quelque chose aux pays européens qui les ont reprises, ainsi que l'exploitation de nouvelles espèces animales et végétales. Cela a engendré un cycle de découverte, de lieux, d'espèces, de ressources.
Et également le continent européen a ensuite évolué dans ces mentalités. Le monde, auparavant considéré comme clos, les traditions considérées comme devant être immuables, ont été chamboulées. On s'est mis à penser que beaucoup de choses étaient en fait inconnues et qu'on pouvait découvrir beaucoup, que cela pouvait apporter de très grandes richesses, de gigantesques richesses. La compétition entre Etats ou royaumes européens a aussi amené une course aux découvertes, de continents, d'espèces naturelles comme d'innovations techniques. La science est apparue comme pouvant permettre une domination, pouvant permettre de prendre l'ascendant dans une course âpre. Les concurrents étaient aussi assez proches pour qu'il soit très difficiles de conserver longtemps pour soi ses innovations et son avantage. La course était sans cesse relancée.
Le continent européen a ainsi pris l'ascendant, a colonisé d'autres parties du monde. La mentalité européenne s'est convertie peu à peu à la découverte scientifique et technique, et a fait évoluer progressivement son système politique pour aller vers un modèle de société favorisant l'entreprise individuelle, la recherche de profit via l'innovation, la réussite personnelle, et mettant peu à peu de plus en plus en avant l'individu, l'opinion et les droits de l'individu. C'est un modèle d'innovation un peu permanente, de découverte permanente, de concurrence et de course poussant à toujours se dépasser.
En Chine par contre la recherche scientifique connaissait des limitations. Le pouvoir politique la cadrait, la limitait. Il ne favorisait pas forcément les nouvelles découvertes. Il y a avait une forme de moralisme faisant qu'elle était limitée par des questions sur à quoi est-ce qu'elles menaient, à quelles évolutions elles conduisaient - à savoir si cela était vraiment valable ou pas.
Le modèle européen qui a permis l'innovation et un progrès matériel -dont bénéficient aussi l'Asie et la Chine désormais, qui se sont convertis au modèle économique libéral, et à la recherche scientifique et technique-, est-il le bon, est-il une bonne option? Cela dépend sans doute de l'échelle à laquelle on regarde, et de la période sur laquelle on porte son analyse. Si on regarde les 5 siècles précédent cela paraît positif au niveau matériel, confort, progrès de la médecine... Par contre si on regarde au niveau du déreglement climatique et à quoi cela risque de conduire, de tragique, tous les progrès des derniers siècles ne seront-ils pas effacés entièrement, et ne risque-t-on pas de revenir en arrière de plus de 5 siècles, en allant vers des conditions de vie pires qu'en 1492? Tous ces progrès seront-ils effacés en quelques décennies, et n'aurait-il pas mieux fallu une croissance plus lente, et plus maîtrisée, via un autre modèle politique?
Je fais référence au modèle chinois en évoquant celui qui prévalait il y a plusieurs siècles. Actuellement, les problématiques environnementales en Chine sont aussi énormes. La façon dont ce pays a adhéré au mode de vie occidental, et utilise les techniques et la science est désormais tout aussi problématique qu'en Occident, et il génère aussi d'énormes pollution. Néanmoins, il a aujourd'hui, du fait de son système politique, une plus grande capacité à réguler l'action du monde économique, des entrepreneurs (notamment sur internet, en cadrant par exemple la façon dont les jeunes y sont exposés). Il a aussi la capacité à faire des projets de long terme, à structurer son action sur le long terme et à pouvoir préparer un avenir, sans être tributaire de revirements politiques et de contraintes électorales. Or on a un gros problème en Occident de ne pas avoir de système politique permettant l'action efficace sur le long terme, les plans de long terme.

Le temps de la remise en cause du modèle occidental actuel

Est-ce qu'on n'a pas besoin de plus de moralisme dans le fonctionnement économique, scientifique et technique désormais? Est-ce que les contraintes d'aujourd'hui ne l'imposent pas, que ce soit du fait des problèmes environnementaux qui se font pressant, ou bien de l'attitude des Etats-Unis qui voudraient une économie complétement dérégulée et ne penser plus qu'au profit? Il est temps sans doute d'accepter les limites de notre système, de notre vision du monde, de notre fonctionnement. Et aussi temps de ne plus s'inféoder à l'Etat qui a poussé cette vision jusqu'à l'outrance, l'absence de régulation. Cela encore plus que l'Europe des petits Etats se faisant concurrence.
Il est temps sans doute d'accepter non pas notre défaite, mais nos limites, les limites de notre façon de penser et de concevoir le monde depuis des siècles. Cela parce que la période de l'histoire, désormais, impose de façon assez urgente un autre modèle, désormais plus calqué sur l'innovation rapide et permanente, la croissance permanente, l'augmentation sans cesse de la consommation et de l'émission de pollutions, de rejets dans la nature qui n'est plus en capacité de les assimiler au fur-et-à-mesure. Il est temps pour notre civilisation de rentrer peut-être dans une forme de retrait, de prise de recul. Cela sans renoncer à nos spécificités, nos qualités et notre identité, mais en prenant du recul, le temps de voir comment modeler au mieux nos spécificités pour que ce qu'elles produisent soit vraiment durable.
Est-ce ce qu'a fait l'Europe qui est en cause? Ou alors ce qu'en ont fait les Amériques, ce à quoi les Amériques, les Etats-Unis ont conduit? Les Etats-Unis ont surtout été peuplés d'Européens, d'immigrants venus en grande quantité d'Europe de l'Ouest. Il y a des liens forts entre ces deux continents, au niveau historique. Donc au niveau mentalité. Mais ce qu'on fait les immigrants partis aux Etats-Unis de ce qui avait été élaboré au départ en Europe, la façon dont ils l'ont poussé de façon extrême, jusqu'à la bombe atomique, jusqu'à internet, jusqu'à l'intelligence artificielle aujourd'hui... Cela échappe sans doute au créateur, comme une invention déraisonnable. Le scientifique qui, poussé par son désir d'inventer, obnubilié par celui-ci, ne voit pas les conséquences tragiques qui pourraient découler de sa découverte, est irresponsable. On ne peut pas dire qu'il n'a pas de responsabilité. Donc c'est peut-être à nous, Européens, de cadrer les Etats-Unis qui nous ont échappé, comme une invention échappe parfois à son inventeur. On a une responsabilité historique et il convient d'assumer les conséquences de nos actes, et réparer ce qu'il y a à réparer.

Avant la découverte de l'Amérique à la fin du XVe siècle, l'Europe vivait en respectant des traditions chrétiennes fortes, très contraignantes. Le monde était considéré comme clos, ayant des limites à ne pas franchir. On n'inventait pas, mais suivait ce que dictait les anciens, les religieux, et des théories scientifiques venues des siècles passés. Peu à peu depuis 5 siècles on a connu une abolition progressive et de plus en plus forte des limites, des cadres, jusqu'à ce que cela ne soit plus viable aujourd'hui. Alors quelles racines, quelles traditions retrouver pour ne pas se laisser entraîner trop loin, si on le peut encore? Quelle capacité à avoir des limites par rapport à l'individualisme, au confort personnel, à l'entreprise individuelle, à l'innovation particulière est nécessaire pour la survie collective, la conservation des liens collectifs, la force collective? Comment recréer une société riche de ses liens, de ses ressources crées dans les relations humaines, comme de la richesse de sa nature? Faut-il désormais s'inspirer à grands traits des modèles d'autres civilisations?
Il est temps de s'interroger de façon très sérieuse sur ce que nous avons fait depuis 5 siècles, en bien comme en mal. Il y a eu des progrès certes, des découvertes scientifiques, des évolutions positives du confort matériel, de la médecine. Mais on ne peut que constater que les gens ne sont pas forcément plus heureux, pas mieux psychologiquement ou plus sereins. Faut-il se rapprocher désormais du modèle chinois, pas forcément de la Chine actuelle, mais de la façon de penser en Chine ou en Asie, depuis des millénaire? Surtout en s'inspirant d'une capacité de régulation, de choix par rapport aux découvertes scientifiques et techniques, en fonction de si elles sont bonnes ou mauvaises pour la collectivité, avec une priorité donnée au sort collectif, à la société. Il serait temps aussi d'avoir un modèle politique permettant les projets de long terme, donc d'avoir des plans d'avenir, de penser à notre société sur la durée, via une stabilité.

Quelle identité veut-on: Occidentale ou ancrée sur notre continent?

 Il serait temps aussi de s'interroger sur notre identité, en Europe, en Europe de l'Ouest. Est-on Occidentaux? C'est-à-dire fait-on vraiment parti d'un ensemble englobant l'Europe plus les Etats-Unis, ou veut-on vraiment en faire partie avant toute autre chose? Il y a une identité commune, mais aussi de grandes distinctions. Et il est peut-être temps d'insister fermement sur ces distinctions.
En quoi sommes-nous plus Occidentaux, c'est-à-dire appartenant à un ensemble Europe de l'Ouest plus Amérique du Nord, qu'Européens, dans notre culture, notre identité, nos buts? Il y a derrière cette question une autre question: qu'est-ce qu'être européen? L'Europe est un continent qui en fait n'a pas de limites physiques claires. Nous avons une frontière de plusieurs milliers de kilomètres avec l'Asie qui est assez artificielle. Nous faisons parti d'un très grand continent eurasiatique. Sommes nous plus Occidentaux qu'Eurasiatiques au fond, et surtout que voulons nous plus être désormais?
Vu la taille du continent eurasiatique, il y règne une très grande diversité culturelle, philosophique, religieuse et politique. Mais on ne peut pas dire qu'au cours de l'histoire il n'y a pas eu d'échanges d'un bout à l'autre de ce continent, quelque soit le temps que prenait la diffusion des techniques, des idées, des inventions, quel que soit le temps que cela prenait pour que soit parcouru de si longues distances. Il y avait des modifications apportées au cours de ces transports, et des choses qui n'allaient pas d'un bout à l'autre de ce si grand continent, de ce si grand espace physique, et qui s'arrêtaient en chemin. Mais il y a eu de tout temps des influences croisées, même si on n'en était pas forcément conscient vu le temps pris pour que cela parvienne jusqu'à nous, vu les transformations en cours de chemin, vu l'absence des auteurs d'origine. On ne sait plus trop qui était l'inventeur à la fin. Mais des inventions comme l'imprimerie par exemple on traversé ce grand continent, et bien d'autres.
Sommes nous plus Occidentaux, ou plus partie prenante d'un gigantesque continent? Et surtout que voulons nous être, quelle part de notre identité veut-on désormais mettre en avant et travailler? Celle des USA, avec un libéralisme poussé au maximum, un "no frontier", une volonté de toujours innover sans régulation, une absence de respect de la Terre et des ressources naturelles, qui ne seraient que celles d'un lieu où on ne fait de toute façon que passer avant d'aller en exploiter d'autres ailleurs? Est-ce que le matérialisme, la volonté d'enrichissement, l'avidité sont notre horizon, notre but existentiel? Ou alors a-t-on une volonté de fixer et respecter des limites, de ne pas être qu'individualistes, que matérialistes, mais de penser au collectif, à l'avenir de notre société, du groupe, du territoire, aux générations futures qui y habiteront? Veut-on être enracinés quelque part parce que c'est ainsi que l'on arrive à faire pousser quelque chose, qui portera des fruits dans l'avenir?
A-t-on la volonté de réguler l'innovation désormais, et d'en rejeter certaines si elles ne sont pas bonnes, si elles sont délirantes? Veut-on faire passer devant la survie du groupe sur le confort de l'individu et ses buts personnels? Il y aurait alors à ne plus penser le monde infini, l'univers infini, sans limites, mais à penser au territoire défini, limité, incarné et vivant avec les êtres qui l'animent. Penser à son maintien comme viable à l'avenir, en rejetant le modèle américain qui ne le permet pas.
La Chine, la civilisation chinoise avec sa pensée moraliste sur les sciences et techniques peut être une référence. Cela n'empêche pas les innovations scientifiques et techniques qui ont été nombreuses en Chine avant la science moderne de l'Occident. Mais cela les régule, cela régule l'entreprise individuelle. Il ne conviendrait pas de devenir chinois. Nous ne le sommes pas de toute façon et ne le serons jamais. Nous vivons sur le même continent mais nous sommes situés à ses deux extrémités, séparés par des milliers de kilomètres, par des traditions culturelles fortement différentes. Et la Chine actuelle ne nous veut pas forcément que du bien; il faut garder une distance juste avec elle. Mais nous pouvons considérer ce qui nous rassemble, ce en quoi nous sommes proches, nos influences réciproques depuis très longtemps. Notamment nous sommes d'un même continent depuis des millénaires. Nous sommes enracinés quelque part, sur un territoire qu'on développe depuis des milliers d'années. Il y a un enracinement chez nous qu'il n'y a pas chez les Américains. On prend en compte notre territoire, les nécessités de respecter des limites pour le préserver, et la nécessité de réguler notre activité dans cet objectif. On ne fait pas que passer là où on habite, ou considérer qu'on n'y fait que passer.
On peut prendre ce qu'il y a de bon dans la civilisation qui vit à l'autre extrémité de notre continent, tout en veillant à conserver notre identité propre. On peut voir quels sont nos objectifs communs, nos traditions communes, notre façon d'être enracinés quelque part et d'avoir une volonté de maintenir viables nos territoires. Aujourd'hui la capacité de la Chine à réguler son économie, à lui imposer des cadres, à travailler sur le long terme sont intéressants. On n'en est pas capables. On n'est pas capable de le faire pour le bien être du groupe, du pays, pour celui des jeunes, pour l'avenir de notre nation. Il y a de quoi s'inspirer à ce niveau. Et les contraintes nous poussent à le faire de façon pressante.
Tous les signaux (l'environnement, la santé des jeunes, le maintien de la cohésion sociale, "l'allié américain" qui nous lâche et de toute façon qui depuis des décennies nous impose un modèle de société et d'économie délétères, nihilistes et destructeurs) nous poussent d'urgence à mettre place une régulation forte de l'économie et de la consommation, du matérialisme, des grands groupes privés. Cela impose de cadrer aussi la recherche scientifique, l'innovation technique. Et sans doute de modifier notre fonctionnement politique et le cadre de notre société, nos valeurs, le primat qu'a pris l'individu. Il faut mettre à distance le modèle occidental tel qu'il a été dessiné par les Américains depuis la fin de la 2nde guerre mondiale, depuis 80 ans, pour retrouver un modèle eurasiatique, enraciné, ayant le sens de la mesure, des limites et du collectif.
Il faut savoir se remettre en cause, rembobiner quand on n'a pas été dans la bonne direction, rattraper ses erreurs et les corriger. Il faut dire stop au modèle occidental poussé par les Etats-Unis. Il faudrait être plus eurasiatiques que des immigrants qui explorent et exploitent sans arrêt de nouveaux territoires.

Et il faudra réfléchir, à un moment, à la relation avec la Russie, qui fait partie entière de ce très grand continent. Ce pays fait justement, avec sa taille et son étalement, la jonction entre les deux extrêmes de ce continent: c'est celui qui est à la fois en Europe et en Asie. C'est celui qui est le plus Eurasiatique. On ne pourra donc pas éviter de réfléchir à comment on se comporte par rapport à celui qui aujourd'hui incarne un ennemi, si c'est notre identité eurasiatique qu'on veut mettre en avant désormais, parce qu'on n'a pas d'autres choix. Néanmoins, les affrontements ont régulièrement animés la vie de ce continent énorme. C'est sans doute dans l'ordre des choses. Et sans doute que si on veut mettre en avant une identité eurasiatique, il faudra mettre au point avec les autres membres de ce continent, éventuellement de façon rugueuse, comment on la définit.

Si on n'avait pas été envahis durant la 2nde guerre mondiale, puis "libérés" par les Etats-Unis, en devant ensuite s'inféoder à ce pays et adapter son mode de vie, devenir son client, serait-on aujourd'hui plus Occidentaux qu'Eurasiatiques? Sans cette défaite, n'aurait-on pas conservé plus de traditions, plus de repères, plus de capacités à cerner les limites et à respecter les caractéristiques et le devenir de notre territoire? Ne se définit-on pas aujourd'hui d'abord comme Occidentaux en raison principalement de cette inféodation non choisie aux Etats-Unis depuis 80 ans? Si on avait eu le choix, n'aurait-on pas fait autrement, et aujourd'hui n'a-t-on pas d'autres choix que de faire autrement, et de se libérer de cette inféodation? Nous avons une autre identité à retrouver et à redéfinir.

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