julian.chartier

Abonné·e de Mediapart

11 Billets

0 Édition

Billet de blog 31 août 2024

julian.chartier

Abonné·e de Mediapart

Que faudrait-il faire pour la situation politique française actuelle ?

Il y a eu une dissolution brutale enclenchée par le Président de la République, qui a débouchée sur une situation politique pas meilleure in fine.

julian.chartier

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Et face à cette situation, nous sommes actuellement dans l'attente de la désignation d'un premier ministre, qui la débloquera peut-être un peu. Mais cela la débloquera-t-elle vraiment, les problèmes profonds seront-ils vraiment résolus? On peut se demander pourquoi le Président prends tant de temps pour nommer un 1er ministre, et en être irrité, mais on peut aussi se demander si la raison serait que de toute façon cela ne résoudra pas vraiment les problèmes. Il y a d'autres questions de fond sur lesquelles il faudra se pencher...

Pourquoi une dissolution?

Et pourquoi cette dissolution a été décidée, par le Président de la République, au moment où elle l'a été? Cela a surpris, a été fait de façon apparemment assez solitaire, et a beaucoup déconcerté.

Il était souvent dit avant la dissolution que la situation politique, avec une assemblée mal élue en 2022, sans majorité absolue, n'était pas tenable jusqu'en 2027, et qu'il faudrait procéder à une nouvelle élection législative avant. Maintenant que cela est fait, on peut se demander si en fait ce n'est pas le Président de la République actuel, Emmanuel Macron, qui est en fait le problème, et si ce n'est pas lui à l'origine du blocage. Et donc si ce n'est pas à lui dont on devrait retirer le pouvoir au plus vite, pour retrouver un élan et mener une politique qui tienne la route, qui soit en mesure de répondre aux défis actuels.

Le Président n'a-t-il pas reculé en fait devant ce vers quoi il se tournait au début en dissolvant l'Assemblée nationale, et donc n'a-t-il pas bloqué les effets attendus d'une dissolution? Au début l'idée était apparemment que, le vote des électeur s'orientant majoritairement vers le Rassemblement national (après qu'il soit parvenu aux seconds tours des deux dernières élections présidentielles), et une demande forte s'exprimant pour un changement de politique, alors il fallait procéder à des élections législatives, que le Rassemblement national soit élu et qu'il fasse sa politique si les électeurs le voulaient. Et après tout le monde, les électeurs y compris, pourraient juger sur pièce de ce que valait ce parti, ses options politiques.

Au premier tour des législatives, le Rassemblement national, largement en tête, a semblé tout a fait en mesure de remporter une majorité de députés. Et alors, entre les deux tours, le Président a semblé reculé en oeuvrant afin qu'un "front républicain" se mette en place afin d'éviter que le Rassemblement national ne gagne. Pourquoi cette reculade, apparemment en opposition avec la décision de départ et ce qui la motivait? Crainte de l'inconnu, pression des marchés financiers et du monde économique, pression des autres Etats, de l'UE, sensation que le Rassemblement national n'était pas du tout prêt en fait pour gouverner à minima correctement (sans parler de choix politique, d'orientation, mais en restant juste sur la question d'avoir un personnel politique suffisamment compétent, qui soit capable d'assumer assez correctement des responsabilités d'élus, de ministre, qui sache de quoi il parle)?

Et cela a débouché donc sur un entre-deux, une assemblée ingouvernable, des électeurs qui se sentent floués, ou complétement ignorés... Mais Emmanuel Macron ne savait-il pas avant, n'était pas en mesure de savoir que le Rassemblement national n'était en fait pas prêt à gouverner? Alors pourquoi cette décision? Un mouvement d'humeur, un énervement qui a fait qu'il s'est retrouvé à ne plus être lucide sur les conséquences d'un dissolution. Qu'est-ce qui aurait déclenché cela?

Avant d'essayer d'y répondre, évoquons une autre question.

L'idée de dépasser les blocages partisans n'était-elle pas pertinente?

Pourquoi le choix d'Emmanuel Macron de gouverner au dessus des partis, de dépasser le clivage gauche-droite, empêchant que la France progresse vraiment, du fait d'attitudes partisanes, de réflexes visant à favoriser les intérêts particuliers de ses proches et de soi-même, de son parti plutôt que l'intérêt général, pourquoi ce choix d'aller vers plus de centrisme, plus de dépassements des clivages, de discussions transpartisanes, un fonctionnement plus centré sur la négociation, la mise au point d'ententes ponctuelles, la fin des idées arrêtées et des postures idéologiques figées, freinantes, pourquoi cette idée n'a pas marché?

Parce que ce n'était qu'un argument, qu'une manoeuvre du Président actuel, que l'utilisation d'une idée, un captage d'air du temps afin d'arriver à se faire élire? Il ne le pensait pas en le disant en fait, ce n'était que parce qu'il pensait qu'en le proposant cela lui permettrait de convaincre le monde médiatique, économique, la nation ayant besoin de changement, les électeurs? Ce n'est que parce que le Président est un grand manipulateur, une personnalité douée pour séduire les gens, sentir leurs motivations, leurs envies, et les utiliser pour les mener où il veut, pour obtenir ce qu'il veut?

Ou alors le Président s'est illusionné sur ses propres capacités à accepter le point de vu des autres pour en tenir compte dans le but de gouverner. Il s'est illusionné sur sa capacité à dépasser ses intérêts individuels, à favoriser l'intérêt collectif, à s'oublier lui-même pour le collectif. Le Président ne serait qu'un produit parmi d'autres, un membre parmi d'autres d'une société individualiste dont les membres ne savent plus se tenir à un fonctionnement collectif, n'y croient plus? Tout le monde est gêné par une société archi individualiste, par une économie archi matérialiste et tournée vers l'individu, par un fonctionnement global individualiste. On commence à en ressentir dans tous les pans de la société les conséquences néfastes, le fait que cela ne peut permettre qu'elle tienne longtemps, qu'elle puisse continuer à exister longtemps à l'avenir. On voit qu'on n'arrive plus à s'entendre, à résoudre les problèmes, à avancer. Mais pour autant il semblerait qu'il soit compliqué de changer nos modes de fonctionnement, et d'arriver à ne plus être individualiste, d'arriver à respecter des règles de vie collective, de tenir compte du point de vu de l'autre. Le Président est-il un exemple parmi d'autre de membres d'une société individualiste qui sent que ce fonctionnement n'est pas bon et prend l'eau de toute part, mais qui pour autant, ayant été éduqué dans ce type de société, y ayant grandi, n'arrive pas à faire autrement?

Après avoir disqualifié les partis et les avoir réduit quasiment à néant, eux et leurs façons de lutter pour leurs intérêts propres, partisans, plus que pour un intérêt général, il n'est par contre pas arrivé à dépasser ses propres intérêts particuliers, à lui personnellement? Ce n'est pas dans les moyens, les capacités, d'un homme, de toute façon, et il faudrait plutôt que ce soit un fonctionnement général, des règles, des lois, qui amènent le ou les intérêts individuels à céder à nouveau devant l'intérêt collectif? Il faudrait un retour sur les libertés individuelles, revenir sur la montée des droits de l'individu dans notre société? Etre capables, tous, de renoncer à une part de notre liberté, de nos avantages, de notre confort?

Mais pourquoi dissoudre?

Laissons cette question un instant, et revenons à l'interrogation concernant les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à dissoudre l'Assemblée nationale.

C'était donc après les élections européennes, les résultats de celles-ci à peine connus: le Rassemblement national avait remporté l'élection, largement devant le parti présidentiel. Mais il est un élément aussi central, je pense. Quelle a été l'influence de la présence sur le territoire français pendant plusieurs jours, la semaine précédent ce vote, du président américain Joe Biden?

Cela faisait longtemps que Joe Biden n'avait pas fait de séjour à l'étranger, notamment en France, et là il y est resté plusieurs jours. Il a rencontré Emmanuel Macron, en tête à tête ou lors d'événements officiels, de commémorations. Emmanuel Macron a vu en direct l'état de Joe Biden, et lui a aussi sans doute été rapporté comment il se comportait durant son séjour, quel était son planning, dans quel état il était. A ce moment, Joe Biden n'avait pas encore renoncé à une nouvelle candidature à l'élection présidentielle américaine. Des doutes forts existaient quant à sa capacité à assumer un nouveau mandat, voire concernant ses capacités actuelles, mais il s'entêtait toujours à être candidat, et visiblement il avait le pouvoir de continuer si tel était sa décision personnelle.

Emmanuel Macron, chef d'un Etat occidental, allié des Etats-Unis, voire suivant les pas de la première puissance mondiale, devant se montrer solidaire de ses décisions sur la scène internationale, a donc constaté dans quel état était le leader du monde occidental, dans quel état était celui qui dicte une partie fondamentale des inflexions qu'il doit suivre.

Chef d'Etat, pouvant parler sans filtre au Président Joe Biden, ayant des moyens de renseignement sur son état réel, il a donc dû être très au courant dès ce moment là de ce qui a fini par faire l'objet d'un consensus: Joe Biden n'était plus en état d'assurer la présidence des Etats-Unis, et certainement pas pour 4 ans supplémentaires. Mais pour autant il devait se montrer fidèle, solidaire, marcher dans ses pas... Et Joe Biden a apparemment un caractère très entêté, et à cette période là il affirmait contre vents et marées qu'il allait continuer, se représenter. On pouvait donc se poser la question sincèrement de ce qui allait se passer aux Etats-Unis, et de s'il allait falloir suivre un leader du monde occidental sénile. Dilemme, pour un jeune chef d'Etat occidental.

Et quelles ont été les sollicitations exprimées à Emmanuel Macron par Joe Biden lors du mois de Juin? Etait-ce des choses pertinentes? Sa stratégie sur le front ukrainien, s'entêter là-aussi, dans un conflit, via une stratégie particulière? Celle de Joe Biden convainquait-elle vraiment Emmanuel Macron, celui-ci avait-il la sensation que du côté américain on était bien conscient des réels rapports de force en présence, de comment cela pesait économiquement sur les sociétés européennes entre autre? Qu'a compris Emmanuel Macron des capacités d'un Joe Biden déclinant à juguler un chef de l'Etat israëlien d'extrême-droite, qui visiblement se joue de lui depuis déjà un temps? Ce que proposait le président américain au niveau débouché économique pour la France, soit de devenir un territoire accueillant des vastes entrepôts de stockage de données pour le développement de l'intelligence artificielle? Emmanuel Macron sentait-il déjà, avait-il des informations sur le fait que l'IA pouvait bien être une bulle économique susceptible de faire un gros pschittt, ne pouvant réellement être rentable que dans longtemps, et avec des investissements énormes, et au prix d'un coût écologique? Etait-il convaincu par ce que voulait Joe Biden?

On ne sait pas exactement ce qui s'est passé entre les deux présidents, on ne sait pas ce qu'Emmanuel Macron a pensé ou ressenti alors. Mais moi je me pose la question de s'il n'a pas eu l'impression qu'il était embarqué dans le sillon de quelqu'un qui n'avait aucun avenir, et s'il n'a pas renaclé à le faire. Je me pose la question de si le fait de déclencher une dissolution de l'Assemblée nationale, qui avait de grandes chances de ne pas lui être favorable politiquement et d'amener une situation où il aurait encore moins de marges de manoeuvre, de possibilités d'action - ce qui a d'ailleurs été le cas -, n'était pas un moyen pour lui de trouver un échappatoire pour ne pas suivre quelqu'un comme Biden. La dissolution de l'Assemblée nationale n'a-t-elle pas été un moyen pour un jeune chef d'Etat de s'éviter à continuer à être solidaire avec le chef d'un Etat allié plus fort, leader, mais qu'il sentait sénile?

La question du rapport d'Emmanuel Macron aux personnes âgées

Je pense que cela est particulièrement important dans le cas d'Emmanuel Macron vu qu'il a un rapport particulier avec les personnes âgées. Sa femme est bien plus âgée que lui (une génération), il est réputé avoir une grande capacité de séduction des vieux, son électorat est un électorat de personnes âgées, qu'il favorise régulièrement dans ses décisions politiques, qu'il prend bien garde de ne pas décevoir, dont il veut se garder le soutien. Il est donc embarqué avec eux. Il leur doit tout. Sa situation, son mariage, sa fortune. Il est leur obligé. Donc se dépatouiller de cette obligation n'est pas facile. Voire c'est l'objet d'un conflit cornélien. Et peut-être que cela n'a pu s'exprimer, alors, que via une dissolution de l'Assemblée nationale, et visiblement une menace de laisser le pouvoir en France à l'extrême-droite.

Mouvement impulsif suscité par un conflit intérieur?

Ou calcul bien pensé par rapport à un chef d'Etat allié déclinant, voire sénile, mais entêté? Et pas toujours sympa, il faut le rappeler, vu ce qui s'était passé peu après l'accession au pouvoir de Joe Biden et la façon dont il avait piqué sous le nez de la France un contrat de vente de sous marins à l'Australie. Que demandait encore Joe Biden à Emmanuel Macron? Tenait-il bien compte des intérêts de la France, de l'Europe ou s'en fichait-il complétement? Alors la dissolution était-elle une arme brandie par Emmanuel Macron devant Joe Biden, lui signifiant: si tu continues à vouloir être Président alors que tu n'en es plus capable, et impose des idées abracadabrantes, alors la France, à la suite de l'Italie, va virer à l'extrême-droite, avant peut-être d'autres Etats comme l'Allemagne, et tu vas te retrouver avec des alliées en Europe qui se détourneront de toi pour se rapprocher de la Russie. On ne continuera pas à te suivre de toute façon. On ne suivra plus les Etats-Unis, si c'est toi et ton action qui les menez, quel que soit le biais par lequel cela passe.

Cela a-t-il eu une part dans la prise de conscience de Joe Biden qu'il n'était plus à même de diriger les Etats-Unis? Ou alors dans celle des personnes aux Etats-Unis qui sont susceptibles de l'influencer?

Quels buts de long terme pour Emmanuel Macron?

On pourrait aussi se poser des questions concernant les buts d'Emmanuel Macron dans la vie, de façon générale. Qu'est-ce qui le motive dans l'existence? Ce n'est pas d'avoir des enfants, de les éduquer, de les amener dans l'existence et de les y préparer. Il est donc plus proche de personnes âgées, et motivé par recueillir leur attention, leur affection même.

Mais une fois cela obtenu, quoi d'autre? Que faire après dans la vie? Qu'en faire? Que faire en tant qu'homme, que chef d'Etat? Quels sont ses projets, une fois parvenu au pouvoir, alors qu'il est déjà riche d'une fortune gagnée avant son mandat? Son but était de dépasser les partis politiques, les clivages partisans, de parvenir à libérer la France de ses freins empêchant son dynamisme, sa marche en avant. Empêchant le déploiement de son énergie. Mais pour en faire quoi? Pour construire quoi? Juste de l'activité économique, juste gagner de l'argent, juste des buts matériels?

Les gens qui vous apprécient juste parce que vous pouvez leur apporter des acquis matériels, leur affection est généralement intéressée, et une fois qu'ils ont obtenu ce qu'ils voulaient, ils sont moins présents. Leur affection, leur amitié, leur solidarité est superficielle.

Et les personnes âgées, que l'on a séduite en leur faisant penser à leur jeunesse, en leur faisant croire qu'ils étaient toujours jeunes, comme Emmanuel Macron a le don de le faire, que reste-t-il quand visiblement, en fait ils sont toujours vieux? Quelle attitude ont-ils par rapport à celui qui leur a fait croire un instant qu'ils étaient toujours jeunes, au moment où ils se rendent compte qu'en fait non, le temps passe bel et bien et il est impossible de le retenir de couler, il avance, la vieillesse gagne? Ils se sentent bernés, ou ils arrêtent d'y croire, ils arrêtent d'être intéressés par ce charmeur, qui en fait n'est qu'un charmeur qui a fait passé un bon moment, mais maintenant il faut revenir à la réalité? Que se passe-t-il quand il est constaté qu'on n'avait affaire qu'à un charmeur, un illusionniste, un manipulateur, mais qui en fait ne fait rien de concret, ne construit rien, ne prépare pas l'avenir, ne donne pas les moyens, en tant que chef d'Etat, à une société de continuer? Que se passe-t-il quand on se rend compte que la vie ne marche pas avec des tours de passe-passe, que de la séduction, mais en faisant réellement des choses, et que le rappel de la vie, du temps, nous fait nous détourner des illusionnistes pour repenser à la construction réelle d'objectifs, sur le long terme?

L'impasse du modèle occidental

Nous sommes dans un tournant de l'histoire où les sociétés occidentales démocratiques, libérales, individualistes, semblent en fin de partie, dans une impasse. Le modèle de société qu'elles ont impulsé est à l'origine de problèmes environnementaux et climatiques graves, faisant qu'il n'est pas possible que le modèle reste tel quel. Economiquement nous consommons trop de ressources, et nous dégageons trop de pollutions, avons un impact trop fort sur les équilibres écologiques. Socialement nos sociétés se fracturent, ne tiennent plus de façon soudées: nous n'arrivons plus à y avancer ensembles.

Les liens entre générations s'y effritent. Les plus âgés se disent qu'avec les avancées de la médecine, pourquoi pas ne pas prolonger leur vie le plus longtemps possible, dans les conditions matérielles les meilleurs possibles. Donc sans passer le relai à d'autres, sans laisser la place ou les ressources à d'autres, sans tenir compte des besoins minimaux des générations futures. La montée des droits individuels dans nos sociétés a fait que tous les désirs individuels paraissent légitimes. Pourquoi tout le monde ne pourrait pas être riche, pourquoi est-ce que tout le monde ne pourrait pas faire le métier qu'il veut, pourquoi tout le monde ne pourrait pas se marier ou être en couple avec qui il veut, pourquoi ne pas changer de sexe, pourquoi ne pas avoir le droit de dire ce qu'on veut, pourquoi, pourquoi... L'individu, notamment pour des raisons d'organisation économique, du système marchand, avec la volonté d'avoir des consommateurs cédant à leurs impulsions d'achat et faisant tourner l'économie, est au centre, et désormais il rend invisible l'intérêt collectif, la collectivité. Se sacrifier pour l'intérêt collectif est dépassé, cela paraît désormais stupide, benêt, ne servant à rien de toute façon. Ce n'est plus valorisé, plus reconnu.

Quand j'étais à l'école, j'ai appris en cours d'instruction civique que la liberté de chacun s'arrêtait là où commençait celle des autres. Mais en fait on n'est plus capable de prendre en compte dans nos sociétés les intérêts des autres, et le simple fait qu'existent des autres qu'on croise dans la rue et qui eux aussi ont des intérêts, des besoins. On ne s'y intéresse plus, ne le regarde plus, n'est plus capable de partager un morceau de trottoir avec eux dans les grandes villes. On n'est plus que centré sur soi.

Une société ne tient pas comme ça, avec des gens uniquement mûs par une volonté d'accumuler le plus possible matériellement, et de vivre le plus longtemps possibles, avides, égocentriques, et n'ayant aucune culture de l'intérêt général, de la collectivité, de l'importance de prendre part à une société solide, viable, ayant un avenir, avec des enfants en bonne santé, grandissant dans un environnement fiable, leur donnant les moyens de devenir des adultes accomplis.

Les soucis politiques conjoncturels sont enclavés dans des problèmes de fond

On peut se poser la question de qui va devenir premier ministre en France, on peut se demander si Emmanuel Macron, individualiste en diable, centré sur lui-même à un point très avancé, n'est pas en fait le problème et si la priorité ne serait pas de chercher à le destituer. Mais cela ne résoudra pas des problèmes plus profonds, qui sont de comment faire une société viable sur le long terme. Notre système social et économique n'a pas d'avenir viable. On n'y croit plus. C'est d'ailleurs une des raisons qui font qu'on ne se soucie plus du collectif: pourquoi se sacrifier pour une société qui ne tient pas la route?

On consomme trop. On est trop orienté vers les biens matériels. On n'est pas assez capables de résister à des addictions à des produits ou des services divers, au lieu des chercher des satisfactions dans des liens humains et des relations sociales. On veut vivre trop longtemps, et dans un confort maximal en n'étant plus capables d'accepter une limite à notre vie, au profit d'une possibilité pour les enfants de bien vivre leur enfance et d'avoir une société future de bonne tenue (ce qui génère chez eux de nombreuses souffrances et angoisses). On pense être "bienveillant", ouverts, tolérants, mais on n'est pas capable de respecter et de faire respecter des limites fondamentales qui permettraient à une société d'avoir un avenir, on continue à consommer comme des porcs, plus que ce dont on a besoin.

Nous sommes dans une impasse dont nous ne sommes pas capables de sortir nous mêmes. On voit bien le problème mais on n'est pas capables de changer notre mode de vie, nos habitudes. On sent que l'individualisme est néfaste, mais on ne sait restreindre nos envies de liberté. Il n'y a qu'une action extérieure qui pourra nous limiter, que ce soit du fait des évolutions de l'environnement, du fait de l'action d'une puissance politique extérieure, ou alors parce que nous saurons confrontés aux limites de vivre dans une société d'individus qui ne tiennent plus compte les uns des autres, et qui minent la propre société qui les protège.

Le problème réellement prioritaire

Mais en tous cas il est sûr qu'il ne faut pas que ce soit les idées de personnes séniles qui dessinent les contours de nos sociétés. D'autant plus si elles ont grandi et ont forgé leur mentalité dans une idéologie individualiste et voulant rompre toutes les traditions et toutes les limites. Sinon on aura une société qui se désagrège, qui se délite et fait naufrage comme un logement de vieux, partant en déshérence, ne tenant plus. Il ne faut pas laisser le pouvoir ni l'argent aux vieux, individualistes et sans repères aujourd'hui, si on veut un avenir à notre société.

Donc il ne faut plus un gouvernement, un Président alliés des vieux individualistes et matérialistes. C'est ça le premier problème actuel.

Bien sûr que les personnes âgées doivent vivre, dignement. Mais cela ne veut pas dire de continuer durant un temps long de se gaver matériellement, d'user et d'abuser du confort. Il y a des problèmes environnementaux actuels, obérant l'avenir, et des problèmes budgétaires pour l'Etat, obérant aussi gravement l'avenir. Se rejoint là le fait de limiter les retraites de ceux qui n'ont aucunement pris en compte durant leur vie les problèmes environnementaux, en étant les moteurs et les agents d'un accroissement de la consommation matérielle, avec un culte de la liberté, de l'assouvissement des désirs. L'assouvissement des désirs c'est aussi celui de consommer sans entrave. Cela rejoint complétement la libéralisation des moeurs: plus aucune limite en rien. Il serait cohérent de limiter la consommation et les revenus de ceux qui ont déjà consommé et eu beaucoup. C'est cela faire société, et prendre en compte l'avis et les besoins des autres, en ne consommant pas tout soi-même.

Si la loi ne limite pas les vieux, la société va continuer, faute de sens et de possibilités d'avenir, à se déliter. Elle va devenir ingérable, violente. Et c'est cela qui finira par limiter les vieux: une société où il devient difficile de vivre et de satisfaire les besoins de base. Mais de toute façon ils trouveront une limite, quel que soit la voie par laquelle cela passe.

La question primordiale c'est de quelle façon cela se passera, et quelles en seront les conséquences sociales de long terme. Cela sera-t-il anticipé, géré, ou subi?

Est-ce qu'Emmanuel Macron est le mieux placé pour faire cela, vu sa personnalité, vu son électorat, vu sa proximité aux vieux, vu son prisme individualiste - évident quand on voit qu'un de ses anciens métiers est banquier d'affaire - qui ne pousse vraiment pas à favoriser l'intérêt collectif de long terme. Est-ce que le nouveau premier ministre en sera plus capable? On verra. Mais c'est une question de long terme, qui va au-delà des échéances proches: qui sera capable de mener cette politique sur le long terme, de l'installer dans la durée?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.