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Billet de blog 1 novembre 2009

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Un « autre » hommage

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Irréductible, ou presque ! Chaque année, depuis le mois de septembre aux portes de l’hiver, le Festival d’Automne éparpille, sans tambour ni trompette, une soixantaine de spectacles dans une trentaine de lieux parisiens. Ouvert sur le monde, c’est un rendez-vous majeur de la création internationale et des émergences artistiques depuis 1972.

Entretien avec Alain Crombecque, directeur du Festival depuis 1993, au terme d’une 36e édition largement consacrée aux artistes du Moyen-Orient. Paris, décembre 2007.

Comment prépare-t-on une saison du Festival d’Automne ?

C’est une question d’intuition, de voyages, de réseaux, d’actualité, ou tout simplement de lectures, de rencontres. Le Festival d’Automne, c’est une certaine façon de cheminer dans la production artistique de l’Europe et un peu plus que l’Europe.

Il porte la trace d’artistes majeurs de la deuxième moitié du siècle dernier, comme Merce Cunningham, Tadeusz Kantor, Stockhausen. En même temps, il est aussi une vigie. Cette année, par exemple, avec Les Cahiers du cinéma, notre programme était entièrement dévolu au cinéma numérique, dont on voit les premières œuvres majeures.

Quels sont ces réseaux ?

Le Festival d’Automne est un lieu cosmopolite. Il n’est pas tourné sur la petite Europe. Mais nous partageons des espaces de coproduction et de cofinancement avec les festivals du Nord de l’Europe, les plus riches, Berlin, Vienne, Amsterdam… et avec le Festival du Lincoln Center à New York. Ce n’est pas uniquement cela, mais c’est aussi une question économique : donner quatre ou cinq fois le même concert symphonique en Europe, une même semaine, dans une économie avec Paris, Amsterdam, Berlin et Frankfort, permet d’amortir les coûts.

Nous avions, par ailleurs, un lien particulier avec l’Europe de l’Est avant la chute du mur de Berlin. Le Festival d’Automne était de ces institutions qui ont maintenu un dialogue avec d’éminents artistes à Moscou, Berlin-Est, ou à Cracovie.

Après un programme consacré à l’Amérique en 2006, vous avez présenté, cette année, un grand nombre d’artistes venus du Moyen-Orient, pourquoi ?

Je ne suis pas le seul à penser qu’il y a quelque chose qui a bougé dans le Moyen-Orient, de façon assez nette, au Liban, en Syrie, dans beaucoup de pays. Nous avons simplement porté témoignage sur ces scènes artistiques passionnantes dans la mesure où elles montrent la relation des artistes et de l’histoire. Ce lien est explicite dans le théâtre libanais de Lina Saneh et Rabih Mroué. En s’associant au regard que le créateur Abbas Kiarostami porte sur les spectateurs du Tazieh (tradition théâtrale iranienne immémoriale), on comprend beaucoup de l’Iran. De son côté, Amir Reza Koohestani, passe par la mise en scène d'un texte canadien pour nous inscrire dans une situation esthétique consubstantielle de ce qu’il vit en Iran.

Si on va Damas, capitale culturelle du monde arabe, on voit très bien qu’un festival de danse va peut-être exister, qu’il se passe des choses au Conservatoire de musique, etc. Là où nous sommes, nous en portons témoignage, pas plus, mais pas moins non plus.

Qu’est-ce qui a présidé à vos choix ?

Nous avons rencontré des compagnies, des professeurs de musique dans les conservatoires, des compositeurs… Le hasard de la rencontre, c’est très important. L’esprit du Festival, c’est une quête de culture universelle, inscrite dans la culture européenne. Il ne s’agit pas de remplir des grilles de programmation, mais d’essayer de faire des choix sensibles, curieux, intéressants…

Tous les artistes sollicités ont-ils pu venir ?

Oui, et dans un contexte de dialogue. Dans le cadre d’un repérage de compositeurs de musique contemporaine dans l’ensemble du Moyen-Orient, plusieurs concerts ont pu avoir lieu à Paris. Ce fut alors émouvant de voir, Israéliens, Palestiniens, Syriens, Iraniens, Irakiens saluer tous ensemble. Je ne veux pas faire d’angélisme, mais le Festival d’Automne permet ce genre de rencontres.

De même, cette manifestation a permis à des gens en exil de se retrouver quelque part en Europe. Entre autres, des écrivains irakiens sont venus qui de Londres, qui de Berlin, qui d’ailleurs, invités pour le plaisir de la rencontre.

Qu’est-ce qui explique la présence si forte de l’Iran au Festival par rapport aux autres pays du Moyen-Orient ?

C’est un pays que j’aime beaucoup, j’y ai voyagé plusieurs fois. Quand je dirigeais le Festival d’Avignon, en 1990, j’ai réalisé un immense programme consacré à la tradition iranienne y compris dans la composante chiite du Tazieh. En Iran, j’ai vérifié qu’il est important que l’Europe maintienne un dialogue avec les artistes de ce pays, et que la réalité artistique est complexe. Les artistes y ont un sens très aigu de l’art d’utiliser les métaphores, pour transgresser la censure.

Le festival d’Automne est attaché aux notions de dialogues et de rencontres, par-delà les incompréhensions, les fossés culturels ?

Olivier Py a invité, cette année, le poète palestinien Mahmoud Darwich au Théâtre de l’Odéon, pour un récital. Il lisait, il proférait ses poèmes, accompagné de musiciens et d’un acteur. Au bout d’une heure, j’avais l’impression de comprendre l’arabe : quelque chose dans la musicalité, dans la gestuelle de Darwich prenait sens. Il y a une part d’universel dans ce qui vous est présenté qui transcende la langue. Aux débuts du Festival, à l’occasion d’une discussion avec des moines tibétains sur la compréhension de leurs rituels en Europe, j’ai compris que quelque chose peut survenir alors que les spectateurs n’ont pas le code.

Julie Broudeur pour Parisiens du bout du mondeCrombecque à la radio

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