Exellent communiqué des camarades de la CGT-ARCHIVES, qui nous alerte de nouvelles attaques contre les Archives Nationales, reproduit ci-dessous, ainsi que le communiqué de presse.
Hollande, Valls, Pellerin,
NE TOUCHEZ PAS AUX ARCHIVES NATIONALES !
Pour le Premier ministre, M. Manuel Valls, il y a un temps pour tout. Il y a le temps des micros et des caméras du Festival de Cannes où il déclarait qu’ « il ne faut jamais donner de mauvais signe quand on parle de culture », et où il critiquait l’ « erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture. » Puis, il y a le temps de la politique et de la gestion de la pénurie, ce temps fait depuis 2012 de reniements systématiques.
La semaine dernière, à deux reprises, les Archives ont été la cible d’attaques sans précédent de la part de Matignon et du gouvernement :
1/ Le 4 juin 2015, nous apprenions par M. Fabrice Bakhouche, Directeur de Cabinet de la ministre de la Culture, Mme Fleur Pellerin, la disparition complète des dispositions relatives aux Archives et contenues dans le Livre II du projet de loi dit « Création, Architecture et Patrimoine » (C.A.P.). Cet arbitrage de Matignon ferait suite aux réactions hostiles des ministères de l’Intérieur et de la Défense devant l’abaissement prévu des délais de communicabilité. Pour justifier la capitulation de la rue de Valois, M. Bakhouche a expliqué que : « le ministère n’a pas été battu, le sujet Archives bloquait complètement le projet de loi. » C’est donc l’aveu formel que le ministère de la Culture n’a mené aucun combat politique au fond et qu’il a même, sans sourciller, proposer le sacrifice des Archives pour « sauver » le reste. Et M. Bakhouche de conclure : « Dans le contexte actuel, de l’opinion publique, après le vote de la loi sur le renseignement intérieur, on voit bien qu’en montant avec volontarisme au Parlement on puisse en sortir en deçà des positions initiales. » M. Bakhouche justifie ce naufrage archivistique et culturel comme un dégât collatéral naturel de la politique répressive et liberticide du gouvernement. Il s’agit d’éviter le Parlement pour « éviter les débats en allongement des délais [de communicabilité] ». Pour Mme Pellerin, nul doute qu’il y a des raisons d’Etat que la raison culturelle n’ignore pas. La culture et les archives ne pèsent manifestement rien face aux bottes et aux matraques.
Ainsi, la disparition du Livre II de la loi C.A.P. exprime de nombreux refus du gouvernement. Refus d’ouvrir les fonds d’archives et d’abaisser les délais de communicabilité, refus de mettre un terme au régime des archives incommunicables, refus de mettre un terme à la privatisation de la conservation des archives courantes et intermédiaires, refus de mettre un terme à la réutilisation commerciale des archives, refus de donner les espaces nécessaires aux Archives nationales pour assurer toutes leurs missions (collecter, conserver, communiquer, valoriser). A chaque fois, c’est s’en prendre à la démocratie. Née de la Révolution française, la loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) affirme trois grands principes fondateurs en matière d’archives : libre accès aux citoyens ; centralisation des archives de la Nation ; nécessité d'un réseau archivistique national. Par leur nature, les archives ne peuvent pas être réduites à un vulgaire objet patrimonial. Les archives sont notre mémoire historique et aussi, ne l’oublions pas, un service public indispensable à la population pour établir et faire valoir ses droits : nationalité, carrière, succession, actes notariés, etc.
2/ Le 9 juin 2015, Mme Clarisse Mazoyer, Directrice adjointe de Cabinet de la ministre de la Culture, a annoncé que le site historique des Archives nationales de Paris (dans le Marais) avait été baptisé variable d’ajustement de la politique immobilière ministérielle ! Sa liquidation est au programme. En effet, au lieu de maintenir et de conforter l’usage de la totalité du périmètre et des surfaces du site pour les Archives nationales (qui y sont installées depuis 1808 !), Mme Mazoyer prévoit d’y accueillir le redéploiement de près de 250 agents des services de l’administration centrale du ministère, victimes de la politique immobilière de « vente des bijoux de famille ». Cette hypothèse privilégiée par le ministère de la Culture se veut une réponse, une sorte de « compromis acceptable », face aux « recommandations stratégiques » du Conseil de l’Immobilier de l’Etat qui exige de l’administration de Mme Pellerin l’abandon et la vente de tous ses locaux parisiens, exceptés ceux de la rue de Valois, ainsi que leur délocalisation en banlieue dans des équipements mutualisés (baux locatifs ou construction).
Hier, au nom de l’identité nationale et du projet réactionnaire de Maison de l’Histoire de France de Nicolas Sarkozy, aujourd’hui au nom de la politique immobilière liquidatrice de Valls-Pellerin, le site parisien des Archives nationales n’a jamais cessé d’être l’objet de convoitises qui n’ont absolument rien à voir avec l’archivistique, la culture ou le patrimoine.
La ville de Paris ne manque pourtant pas de lieux vides, sous-exploités ou sous-occupés dans lesquels pourraient se déployer les services du ministère de la Culture. En super agent immobilier, et à la mesure de son ambition républicaine, nous conseillons à Mme Fleur Pellerin de chercher, par exemple, du côté de l’Hôtel de la Marine. 20 000 mètres carrés de bureaux l’y attendent.
3/ Où en sont aujourd’hui les Archives nationales ? Rappelons qu’en avril 2004 Jacques Chirac lançait (dans un concert d’enthousiasme) un plan de 300 millions d’euros pour renforcer et rénover l’institution. Ce projet reposait notamment sur la construction d’un troisième site d’Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (inauguré par M. Hollande en février 2013) pour enfin répondre à la saturation des dépôts de Paris et de Fontainebleau. Il s’agissait alors d’offrir à l’institution la capacité de répondre à son développement et à ses besoins en espace pour les trente prochaines années.
- Les principaux bâtiments du site de Fontainebleau (Unités 1 et 2) sont interdits d’accès depuis le 28 mars 2014 en raison d’un risque portant sur la stabilité structurelle de l’ouvrage. 60 kilomètres linéaires de documents sont conservés dans ces magasins inaccessibles (la capacité de stockage totale des Unités est de 160 kilomètres linéaires), 30 kilomètres linéaires supplémentaires de documents sont conservés in situ dans des magasins annexes non-concernés par les éventuels dégâts.
- Le nouveau site de Pierrefitte-sur-Seine dispose, lui, d’une capacité de stockage totale de 320 kilomètres linéaires. Sur ce total, 230 kilomètres linéaires sont aujourd’hui occupés. Donc, et dans le cas où les équipements endommagés du site de Fontainebleau ne pourraient pas être récupérés, il y aurait tout juste assez de place à Pierrefitte pour envisager une exfiltration des 90 kilomètres linéaires. De fait, le site de Pierrefitte-sur-Seine, prévu pour être exploité jusqu’en 2043, serait immédiatement saturé !
- Le site de Paris est dédié aux archives de l’Ancien Régime et aux minutes notariales. Pour offrir aux chartes scellées du Moyen Age l’espace nécessaire à leur préservation, ou pour accueillir les actes notariés qui s’accumulent dans les études parisiennes, l’espace libéré par le départ des fonds vers l’extension de Pierrefitte-sur-Seine est tout simplement vital. En réalité, les magasins d’archives à Paris sont doublement pleins : pleins des documents qui ne sont pas partis, et pleins de ceux qui n’ont pas encore eu le droit d’entrer ! Prévoir d’amputer les Archives nationales de près de la moitié des surfaces qu’elles occupent à Paris relève de l’euthanasie.
Non, il n’y a pas un mètre carré, pas un mètre linéaire disponible, pas de place pour plusieurs institutions culturelles sur le site historique des Archives nationales de Paris !
Non, les Archives nationales ne peuvent pas se passer du site de Fontainebleau qui doit coûte que coûte être rénové et remis en service, au risque de ruiner l’investissement de 300 millions d’euros consentis pour la construction de Pierrefitte-sur-Seine.
A longueur de journée, MM. Hollande et Valls parlent des valeurs de la République, de démocratie, de liberté, d’égalité et de fraternité. Or, toutes ces nobles valeurs ils les bradent à la première occasion.
La politique du gouvernement en matière d’archives se construit au mépris de la conservation et de la communication des sources de l’histoire, au mépris des intérêts de toute la population.
Tout cela doit cesser !
Paris, le 16 juin 2015
CGT-Archives 56, rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris