En février 2012, je publiais cette lettre ouverte à celui qui n'était alors que le candidat PS aux présidentielles. Sa relecture, 3 ans après, m'interpelle car si tout ce qui y est écrit me paraît encore d'actualité, mon choix au second tour serait aujourd'hui bien différent. Aujourd'hui, je ne voterais pas François Hollande au second tour. Et demain...
Du vote utile au vote impossible
Monsieur Hollande,
Brestoise, élue locale écologiste, de gauche, je pense être une citoyenne responsable. Je suis de celles et ceux qui, après le 21 avril 2002 ont revu leur façon de voter, sacrifiant sur l’autel du vote utile leurs convictions, et qui ont d’abord mis, la mort dans l’âme, un bulletin Chirac dans l’urne, puis, sans enthousiasme, un bulletin Royal dès le premier tour en 2007.
Devant le risque d’un second tour sans la gauche en 2012, je plaidais depuis des mois pour que mes camarades écologistes votent François Hollande dès le premier tour en cas de percée du FN. Dans la mesure où notre projet écologiste ne soutient pas un régime présidentiel, je pensais que nous n’avions pas à présenter un ou une candidate écologiste à cette élection.
Et puis, vous êtes entré en scène. Vous avez, de façon anti-démocratique, corrigé l’accord EELV, sous la pression du groupe AREVA. Vous avez multiplié les gestes et les déclarations montrant votre soutien sans faille à cette industrie nucléaire, avant de venir à Brest revendiquer votre attachement à la dissuasion militaire nucléaire. Vous avez royalement ignoré tous les sujets portés par les écologistes. En fait, chacune de vos interventions semble un camouflet à nos valeurs.
De l’autre côté Eva Joly se révèle une excellente candidate écologiste. Maîtrisant les sujets, avançant calmement et fermement dans la tempête de la campagne, développant un discours écologiste particulièrement à gauche, ne se contentant pas des petites fleurs et des escargots, mais faisant une belle part aux questions sociales, aux propositions sur l’emploi, le logement, la diversité. Elle donne raison à ceux qui, chez EELV, plaidaient pour une présence des écologistes à la présidentielle, parce que nul autre parti ne porte comme nous ce projet d’une société refondée, d’une 6ème république aux valeurs de solidarité, de partage, d’émancipation. Elle ne perce peut-être pas dans les sondages, mais elle montre chaque jour la crédibilité, y compris économique, de notre programme.
Monsieur Hollande, vous avez, dans votre meeting brestois, montré votre mépris pour ceux qui vont faire le choix de voter pour un projet de gauche différent du vôtre, que ce soit les électeurs du Front de Gauche ou ceux d’EELV. Vous utilisez la force du FN pour nous contraindre au vote utile, sans avoir pris la peine d’être un candidat crédible pour tous ceux qui se positionnent nettement plus à gauche que vous.
Monsieur Hollande, vous ne pouvez pas être le candidat pour lequel je voterai au premier tour. Je refuse cette vision de la politique que vous portez : hégémonisme, mépris, passéisme, faiblesse devant les lobbys, arrogance devant les militants des autres partis de gauche.
Monsieur Hollande, j’espère que vous comprendrez que si vous êtes absent du second tour, ce ne sera pas de la faute, la très grande faute d’électeurs irresponsables, mais bien celle de votre campagne, de votre attitude, de votre incapacité à rassembler le peuple de gauche au premier tour.
Julie Le Goïc
élue EELV à Brest