La carrière atypique d'un géant du cinéma français
Pendant des décennies, Depardieu incarnait presque à lui tout seul le cinéma français. Il pouvait tout jouer, du film d’auteur à la grande comédie populaire. À soixante-treize ans, Gérard Depardieu est désormais dans la tourmente : plainte de Charlotte Arnould pour viol, témoignages de treize femmes révélées dans une enquête de Mediapart, nouvelles accusations par le magazine Complément d’enquête, les affaires s’accumulent autour du comédien. Entre jeu d’acteur remarquable et comportements violents, il est intéressant de se pencher sur le paradoxe du cas Depardieu.
Le 15 juin 2023, l’acteur réalise une tournée dans toute la France depuis quatre mois déjà. Dans le spectacle musical, Depardieu chante Barbara, il rend hommage à la défunte chanteuse, l’une de ses grandes amies, avec qui il avait partagé la scène dans les années 1980. Mais ce jour-là, l’accueil qui lui est réservé à l’entrée de la salle de spectacle du Sepac Silo, à Marseille, est glacial. A chaque nouvelle date de sa tournée, un comité d’accueil de militantes féministes l’attend devant chaque salle pour lui rappeler sa mise en examen pour viol ainsi que les nombreux témoignages publiés sur Mediapart. “L’aigle noir, c’est toi” peut-on lire sur des pancartes, en référence à la chanson de Barbara, où elle évoque le viol subi par son père. Plusieurs dates ont dû être annulées avec pour motif officiel : “les salles n’étaient pas pleines”.
Gérard Depardieu est un cas rare dans le champ du cinéma français. C’est un homme qui a grandi dans une ville de Province, à Châteauroux, dans une famille nombreuse avec des parents qui l’ont totalement négligé, lui et ses frères et sœurs. Dans ce village, une base américaine est installée par l’OTAN au sortir de la guerre. Les américains représentaient à cette époque la modernité, Hollywood, les trafics de cigarettes... un environnement qui plaît au jeune Gérard.
Ayant arrêté ses études à douze ans à la suite du certificat d’études, c’était un univers qui intriguait beaucoup le jeune Depardieu qui faisait régulièrement du trafic. Beaucoup de ses amis étaient intégrés dans la bourgeoisie citadine, notamment Michel Pilorgé. Un jour, ce dernier montait à Paris pour rejoindre un cours d’art dramatique et décida d’emmener son ami, Depardieu. Il lui prêtait de l’argent et l'hébergeait pendant un temps. Au départ, Depardieu n’avait rien à lui, rien pour lui, et vivait au crochet des opportunités. Il ne correspondait pas aux codes standards de la beauté masculine attendue. Il était trop grand, trop carré, avec un nez trop large. De plus, son éloquence était loin d’être parfaite, il avait des problèmes d’élocution et bégayait beaucoup. Par la suite, il travailla d’arrache-pied pour correspondre magnifiquement à ce que sont les années 1970, notamment en consultant un orthophoniste. Les attentes pour un homme de cette époque étaient un grand homme aux cheveux longs, un style hippy, non-bourgeois... une jeunesse qu’il va alors incarner.
Le jour où il s'empare de son premier texte, il l'interprète mieux que personne, révélant alors un don incontesté qu’il n’aura de cesse de développer par un travail acharné. Il commence le théâtre à Paris et connaît son premier succès critique sur les planches. Au début des années 1970, il apprend que Bertrand Blier veut adapter au cinéma son livre Les valseuses. Il voit dans le personnage de Jean-Claude l’occasion de faire fructifier tout ce qu’il a réellement connu, lui, le garçon de province. Pour incarner ce rôle, Blier cherchait “un acteur fin, un voyou fragile”. Le réalisateur trouvait que Depardieu ne correspondait pas à la vision qu’il avait du personnage en raison de son côté trop “brute”. Néanmoins, l’acteur fait tout pour le convaincre, lui rendant visite tous les jours dans son bureau et le persuadant de lui donner le rôle, ce qu’il finit par accepter. La France entière découvre l’acteur dans son premier rôle principal, constituant l’amorce de son ascension fulgurante. Il incarne un “loubard” au comportement particulièrement libéré à l’égard des femmes. Dans Les Valseuses, tous les personnages féminins découvrent leur sexualité à travers le viol. A l’époque, cette vision de la sexualité est perçue comme impertinente, une nouvelle manière de faire du cinéma dont Depardieu est l’incarnation.
Il enchaîne par la suite les rôles et tourne pour de grands noms du cinéma. Dans les années 1980 va débuter une grande relation cinématographique entre Depardieu et le réalisateur Maurice Pialat, un duo décrit par Bacqué et Blumenfeld, spécialistes du sujet, comme “toxique et violent” sur les tournages, à l’origine de quatre films : Loulou (1980), Police (1985), Sous le soleil de Satan (1987), Le Garçu (1995). Pour Police, Sophie Marceau est choisie pour le rôle de Noria à l’âge de dix-neuf ans. À cette époque, elle n’est connue que pour le film à succès La boum. Or, les tournages de Maurice Pialat sont réputés pour être “hystériques, humiliants pour la majorité de l’équipe, si ce n’est l’intégralité”. Dans le scénario, il est possible de trouver des scènes de violences, dans lesquelles Depardieu gifle Sophie Marceau qui incarne une délinquante qu’il doit faire parler. Au moment de la sortie du film, l’actrice expliquera que les baffes n’étaient pas simulées, qu’elles étaient douloureuses mais que le réalisateur à succès n'était satisfait que par scènes réelles. Elle dénonce également des “gestes très déplacés” de Depardieu. Sophie Marceau a subi le traitement d’une jeune actrice de dix-neuf ans qui n'était pas en position de prendre la parole pour se plaindre alors que toute l’équipe de tournage était témoin de son expérience.
En 1990, la carrière de Gérard Depardieu prend un envol fulgurant, notamment à l’international. Il incarne Cyrano de Bergerac dans la pièce éponyme de Jean-Paul Rappeneau inspirée de la célèbre pièce d’Edmond Rostand. Au départ, Rappeneau pensait davantage à Jean-Paul Belmondo pour incarner le fameux rôle. Depardieu était trop large alors que Cyrano ne se nourrissait que de “peu de choses [...] un grain de raisin, un verre d’eau et la moitié d’un macaron”, mais il était si exceptionnel dans ce rôle que le film devient vite un chef d'œuvre du cinéma français. Le film est nommé dans plusieurs catégories aux Golden Globes et en 1991 aux Oscars mais les chances de Cyrano sont fortement compromises à cause d’un scandale dont l’acteur fait l’objet. En 1991, alors que la campagne des Oscars est déjà très avancée, Richard Corliss, un critique américain de cinéma très respecté, publie un article dans Time où il fait état de propos que lui a tenu Depardieu sur les tournantes de Châteauroux dans un entretien qu’il aurait donné en 1978. Le jeune acteur, interrogé sur son adolescence tumultueuse à la fin des années 1950, disait au critique :
“C’est mon pote Jackie -il avait 16 ou 17 ans- qui m’a embarqué sur monpremier viol. Une chose en menant une autre, et hop! C’était fait [...] C’était normal.”“Après ça, j’ai eu pleins de viols, trop pour les compter. Mais il n’y avait rien de mal à cela. Les filles voulaient être violées. Enfin, il ne s'agit pas vraiment de viol. C’est juste l’histoire d’une fille qui se met dans une situation qui lui plaît”.
À la sortie de l’article, ces mots suscitèrent la colère des féministes américaines, à l’heure où la classe politique s'inquiétait du nombre croissant de viols. La puissante National Organization for Women (NOW) demanda des excuses de l’acteur. Les médias français dénoncèrent une “attaque américaine orchestrée” pour faire tomber l’acteur effrayant par sa popularité dans le monde. La classe politique française s’en mêla et Jack Lang, ministre de la Culture, lui envoya par télégramme “Je suis de tout coeur avec toi”. Il s’agissait pour les médias français de sauver le soldat Gérard Depardieu. Finalement, son rôle de Cyrano de Bergerac ne lui permet pas de remporter l’Oscar du meilleur film étranger, malgré une campagne devant les jurés des Oscars qui aura été menée par le producteur américain Harvey Weinstein, qui était déjà connu pour ses “promotions canapé” ce qui montre bien que ce qu’on nomme aujourd’hui communément les “affaires #MeToo” représentait à l’époque un point aveugle, aussi bien pour les français que pour les américains. Ces affaires de VSS étaient plutôt instrumentalisées pour d’autres intérêts, notamment commerciaux, et non pas ceux des femmes.
À la suite de ce scandale, la carrière de Depardieu est compromise, en tout cas aux États-Unis, tandis que la France continue de le garder comme acteur fétiche. Il enchaîne les tournages dans les années 1990 mais progressivement, l’acteur entame une phase descendante de sa carrière et commence à se faire connaître pour d’autres sujets que le cinéma. En 1995, il tourne son dernier film avec Maurice Pialat, Le garçu. À partir de cette année-là, il semble que Depardieu s’intéresse moins à sa carrière cinématographique. Il tourne toujours autant mais ce sont ses affaires commerciales qui prennent le pas sur son existence, le marché du vin notamment. Selon Bacqué, “il continue d’apparaître à l’écran seulement parce que sinon, il s’ennuie”. Il se met à investir chez des vignobles, surtout étrangers, se comportant comme un grand chef d’entreprise français. En réalité, il n’est pas très bon en affaires et n’a jamais fait d’extraordinaires bénéfices mais incarner à l’étranger le cinéma et le vin français faisait bonne figure.
Il traverse le globe, visitant les vignobles les plus connus, se considérant presque comme un diplomate ou un président si l’on suit les mots des journalistes. Il commence à fréquenter des hommes politiques, plus particulièrement Despotes. Sa fascination pour les hommes forts et son “appétit pour la bonne chère et les affaires" l’ont conduit, à partir des années 1990, à fréquenter des dictateurs. En effet, il n’y a que très peu de personnes à qui il se mesure, très peu de “monstres sacrés”. Il fréquente Fidel Castro à Cuba puis ajoute à sa collection une série de chefs d’états autoritaires et des chefs d’entreprises aux bras longs tels que Gérard Bourgoin, numéro un mondial de la vente de volaille, jusqu’à rencontrer Vladimir Poutine. L’un comme l’autre mesure le bénéfice d’avoir l’autre icône dans sa collection de fréquentation. Dès que Depardieu commence à contester la politique française et la politique fiscale ainsi que son envie de déménager en Belgique pour éviter les taxes françaises, Poutine se fait un plaisir de l’accueillir en Russie, lui offrant un passeport russe. Quelques mois plus tard, Depardieu achève sa tournée des dictateurs et revient en France avec des passeports russes, chinois, nord-coréen, une collection qui va faire de l'emblème du cinéma français, et de la France plus généralement, l’ambassadeur des pires régimes du monde.
Deux journalistes chez Le Monde ont rencontré des proches de Depardieu dans le cadre d’une série d’articles sur l’acteur. Lors de l’interrogation de plusieurs proches “qui ne sont pas en haut du générique”, iels ont été surpris de leur exclamation sans détour autour des actes déplacés de Depardieu dont iels ont toujours été témoins. Le naturel avec lequel iels racontaient les actes de Depardieu démontre l’immense force de l’habitude. Les accusations publiées chez Mediapart évoquent des comportements de tournage au vu et au su de toute une équipe de dizaines de personnes, qui sont restés muettes face à des agressions et des comportements répréhensibles. Ce n’est qu’aujourd’hui avec le mouvement #MeToo que les réactions commencent à être perçues.
L'affaire Depardieu, symbole du sentiment d'impunité de l'artiste
Charlotte Arnould est la fille d'un hôtelier de luxe au château de Germigney à Port-Lesney que fréquentait Gérard Depardieu. Âgée de vingt-deux ans en 2018, elle souhaitait faire ses premiers pas au cinéma et au théâtre, demandant conseils et recommandations au "génie du cinéma français". Elle se rendit chez lui, où il l’aurait “touché puis emmené dans chambre, puis violé”. Elle revint la semaine suivante, espérant toujours une aide professionnelle. À nouveau, il la viola, dit-elle. Quelques jours plus tard, elle portait plainte. L’affaire s’est déroulée sous les caméras du domicile de Gérard Depardieu, qui nie pourtant les faits de viols et assure le consentement de Charlotte Arnould. En décembre 2020, l’acteur est mis en examen pour viols et agressions sexuelles. Le 1er octobre 2023, il publie une lettre ouverte chez le Figaro pour se défendre de ces allégations. Il y affirme “Jamais, au grand jamais, je n’ai abusé d’une femme”.
Pour l’heure, il reste présumé innocent mais sera jugé en octobre 2024.
En avril 2023, la journaliste Marine Turchi, publie à Mediapart les témoignages de treize femmes accusant Gérard Depardieu de violences sexuelles lors de tournages de onze films entre 2004 et 2022. Trois de ces femmes apportent leurs témoignages à la justice en soutien à Charlotte Arnould. Gérard Depardieu conteste fermement ces accusations. En juillet 2023, des journalistes de France Inter rapportent trois autres témoignages de femmes.
En septembre 2023, l'actrice Hélène Darras dépose une plainte pour agression sexuelle contre l’acteur. En décembre de la même année, la journaliste et écrivaine espagnole Ruth Baza dépose également plainte pour un viol pour des faits remontants au 12 octobre 1995, à Paris, lorsqu’elle n’avait que vingt-trois ans et Depardieu, quarante-six. Fin décembre 2023, la plainte d'Hélène Darras est classée sans suite en raison de la prescription.
L'affaire prend une ampleur nationale au mois de décembre 2023, suite à la diffusion d'un reportage du magazine Complément d'enquête consacré à Gérard Depardieu. Jusqu’ici, les publics n’avaient connaissance que de plaintes d’actrices non célèbres, de figurantes ou de techniciennes de plateau en bas de la hiérarchie du cinéma, mais n’avaient pas considéré le comportement en lui-même de Gérard Depardieu, ou du moins n’avaient pas souhaité en être conscients. Le reportage révèle des propos obscènes, sexistes et sexuels tenus par l'acteur lors d'un voyage en Corée du Nord en 2018, en compagnie de Yann Moix. L’écrivain cherchait depuis plusieurs années à faire un documentaire sur la Corée, recueillant en vain des financements. Grâce à la présence de Depardieu, acteur français le plus connu dans le monde, il espérait pouvoir approcher le dictateur Nord-Coréen, Kim Jong Un. Même s’ils ne l’approcheront jamais, le documentaire est filmé. Un passage exposant ces propos, notamment envers une jeune fille mineure de dix ans, fait scandale. Un public beaucoup plus large se retrouve choqué face à ce passage, le public qui aime et a toujours aimé Gérard Depardieu, le génial acteur, se retrouve face à la réalité de l’homme Depardieu. Ce qui est étonnant avec la réaction des publics est que Depardieu ne s’est jamais caché. Il existe toute une série de documentaires et reportages, diffusés à heure de grande antenne au journal télévisé, où l’on peut observer des comportements verbaux déplacés et inappropriés de Depardieu, mais aussi des agressions sexuelles (mains aux fesses, mains à la poitrine notamment). Ce qui est frappant dans le reportage est la violence des obscénités diffusées.
Par ailleurs, Yann Moix, réalisateur du documentaire, ne souhaitait pas la diffusion de ces images qui sont le reflet d’un comportement en roue libre de Gérard Depardieu qui depuis longtemps mélange la blague, la sexualité, l’agression et la paillardise. Le producteur du documentaire, Anthony Dufour est également le producteur du sujet que Complément d’enquête a fait sur Gérard Depardieu. Il a pris la décision d’utiliser ces images, sans l’accord de Yann Moix, qui avait pourtant un droit moral et a, en conséquence, annoncé vouloir porter plainte. Dès le soir de la diffusion de l’épisode, la polémique prend de l’ampleur.
Les proches de Depardieu s’empressent de prendre sa défense. Au cours de sa carrière, à chaque fois que Depardieu a été mis en difficulté, il a fait monter ses proches au créneau. Ça a été le cas lorsqu’il s’était exilé fiscalement en Belgique, puis lors de la réception de son passeport russe quelques jours plus tard. Dans cette situation, il a demandé à ses proches, notamment sa fille, son ex-femme ou encore la femme avec qui il a vécu, Carole Bouquet, de venir le défendre, ce qu’elles ont fait à nouveau. Elles ont organisé la contre-offensive, publiant en premier lieu un texte dans le Journal du dimanche (JDD), détenu par Vincent Bolloré, mettant en cause Complément d’enquête et surtout la véracité du montage. Le JDD n’est par ailleurs pas le seul média de Bolloré qui va répandre la rumeur d’une mise en scène dans le reportage, CNews a également utilisé la même technique.
En multipliant dans toutes ses cases et en montant de toutes pièces la polémique d’un montage fait par Complément d’Enquête, CNews a créé un sujet d’actualité. Cette rumeur de montage est médiatisée en masse alors que France Télévisions tarde à répondre aux accusations. Ces médias se confortent dans un esprit de contradiction de tout ce qui pourrait incarner de près ou de loin “le wokisme”. S’attaquer à Depardieu reviendrait à s’attaquer à l’esprit français, l’esprit traditionnel gaulois.
Dans ce contexte tendu, le Président de la République est invité dans l’émission C à Vous, sur France 5, au lendemain de l’adoption de la loi immigration au Parlement, le 20 décembre 2023. Dans cet entretien, il se place en “grand admirateur” de l’acteur qui “a fait connaître la France, nos grands auteurs dans le monde entier” et s’est empressé de dénoncer une “chasse à l’homme” avant de réutiliser la thèse d’une mise en scène par le montage. Emmanuel Macron utilise cet entretien pour deux raisons diplomatiques. À la fois, il vient d’être réélu en 2022 et ne peut réussir à l’Assemblée Nationale sans l’appoint des voies des droites traditionnelles. D’autre part, Gérard Depardieu lui-même lui a téléphoné, dépeignant une détresse apparente, un accablement face aux accusations dont il fait l’objet et la famille Depardieu, comme Depardieu lui-même, ont laissé supposer au Président qu’un malheur pourrait arriver à l’acteur. C’est aussi pour cela qu’Emmanuel Macron intervient : en défense à Gérard Depardieu et en défense de ce qu’il croit être la position des français les plus conservateurs. Il se positionne alors clairement, affirmant que Depardieu “rend fière la France”. Quelques jours plus tôt seulement, Rima Abdul Malak, ministre de la Culture avait par ailleurs été invitée sur ce même plateau de France 5 pour discuter des conditions d’attribution de la légion d’honneur à Gérard Depardieu, émission dans laquelle elle a qualifié Depardieu de “la honte de la France”. En s’opposant aussi frontalement à sa ministre sur le même plateau avec les mêmes journalistes, Emmanuel Macron confirme un conflit très égotique avec la ministre. Il lui reproche de ne pas assez le citer, de ne pas suffisamment lui rendre hommage et utilise ainsi ce sujet et cette émission pour la recadrer devant tous les spectateur.ice.s français.es. Au nom du lynchage que subirait Depardieu, il exécute sa ministre de la Culture.
Puisque le Président a fait écho à cette théorie du montage chez Complément d’Enquête, une chaîne publique qui plus est, la rumeur dépasse les frontières des médias de Bolloré. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, se voit dans l’obligation de répondre aux allégations. Un communiqué de presse est publié, annonçant l’emploi d’un huissier de justice pour prouver la véracité des propos et l’absence totale de trucage, chose faite le vendredi 22 décembre 2023.
La supposée "attaque contre l'art"
Le 25 décembre 2023, une tribune intitulée "N’effacez pas Gérard Depardieu”, en référence à la “cancel culture”, est publiée chez Le Figaro. Il y est dénoncé le lynchage, le torrent de haine déversé sur l’acteur et déplore que Depardieu ne bénéficie pas selon elleux de la présomption d’innocence. Ce texte est basé sur une défense particulière : “Attaquer Gérard Depardieu, c’est attaquer l’art”, comme si le simple fait que Gérard Depardieu soit un immense acteur le rendait nécessairement innocent. La force de cette tribune réside surtout dans la liste de ses signataires, une série de noms du cinéma français, tous et toutes issu.e.s de la même génération (la moyenne d’âge des signataires étant soixante-huit ans). Pourtant très vite, le vernis des beaux noms qui se sont positionnés pour la défense de l’acteur va se fissurer. L’auteur de ce texte est un comédien en mal de notoriété, qui a fait beaucoup de figuration et aspire à des ambitions intellectuelles et journalistiques, Yannis Ezziadi. A cette période, il écrit depuis quelques mois dans le magazine Causeur mais n’est pas du tout connu du monde du cinéma, légèrement dans le monde du théâtre. Pourtant, en une journée, il devient le visage des unes de tous les journaux télévisés, se plaçant en grand défenseur du génie Depardieu. En réalité, il a travaillé pendant plusieurs jours sur cette tribune avec l’aide de Michel Fau, acteur, chanteur et metteur en scène de théâtre et d’opéra français réputé. Yannis Ezziadi a pour responsabilité de s’assurer que les personnalités qui ont accepté de signer restent solidaires à Depardieu. Après quelques jours, les internautes se rendent compte que l’auteur de la tribune est un proche de Sarah Knafo, conseillère et compagne d’Eric Zemmour et d'Elisabeth Lévy, directrice de la rédaction du magazine Causeur. Sous cette révélation, les publics et le monde du divertissement prennent conscience qu’il n’est pas seulement un acteur en mal de notoriété mais surtout un militant politique engagé dans l’anti #MeToo, “l’anti-wokisme” et l’extrême droite plus largement. Quelques jours plus tard, Ezziadi supprime son compte Instagram sur lequel il postait régulièrement des selfies aux côtés de personnalités culturelles et médiatiques et signale au Monde qu’il préfère “arrêter de parler”.
À la découverte de l’auteur du texte, plusieurs signataires retirent alors leur signature, craignant pour leur image. Exprimant son malaise, l’actrice Carole Bouquet déclarait sur son compte Instagram “J’ai signé une tribune pour Gérard Depardieu. Cependant, je ne soutiens pas les idées et valeurs associées au journaliste porteur de cette tribune. Lui donner de la visibilité par l’entremise de Gérard me met, comme vous pouvez l’imaginer, profondément mal à l’aise”. Cela montre qu’en signant, iels se sont engagé.e.s contre quelque chose qui pourrait ébranler un milieu du cinéma qui vit sur ses acquis, dans une forme d’impunité, depuis des dizaines d’années. Le monde de la culture et de l’art est un milieu très hiérarchisé qui fonctionne sur des discours très humanistes et généreux mais où les petites mains sont en réalité mal traitées et où seules les stars sont reconnues.
L’artiste génial est souvent l’objet d’attaques qui transcendent sa personne pour viser l’art lui-même. Dans la tribune N’effacez pas Gérard Depardieu, les artistes se sont réunis pour défendre Depardieu qu’il considère comme incarnant l’art français plus largement. Cette tribune souligne l’importance de reconnaître que l’artiste, malgré ses transgressions, est un créateur dont l'œuvre est plus grande que la personne, il offre un héritage culturel au pays. Les performances cinématographiques magistrales de Gérard Depardieu dans Cyrano de Bergerac ou Le Dernier Métro par exemple ont fait de lui une figure emblématique du cinéma français. Toutefois, ses démêlés avec la justice ainsi que ses prises de position controversées ont parfois éclipsé son génie artistique en suscitant des débats sur la séparation entre l’artiste et son œuvre. Pour ces signataires de la tribune, c’est dans ces instants de critiques ou d’attaques que la remise en question de l’artiste dépasse sa personne. Pour elleux, des figures publiques telles que Depardieu incarnent symboliquement l’essence du génie artistique et de l’art à la française. Peu importe leurs actions et comportements personnels, ces figures géniales sont les représentants de l’art et sont donc, par conséquent, intouchables.
Gérard Depardieu est présenté dans La Tribune (Le Figaro) comme l’incarnation de la liberté artistique, le condamner revenant à “attaquer” l’art. Son parcours professionnel, le personnage qu’il incarne aux yeux des publics ainsi que son approche de la création artistique permettent de justifier cette rhétorique. Tout d’abord, dans le contenu de sa création, Depardieu est passé par des films d’auteurs, des drames, des comédies ou encore des superproductions. Sa capacité à naviguer entre des projets très différents démontre sa capacité à exercer une liberté de choix et une volonté de transgresser les limites et les cases à un seul type de rôle ou de film. De plus, son indépendance, tant artistique que personnelle renforce cet imaginaire de la liberté artistique. Choisissant des projets selon ses propres critères, souvent en dépit des pressions du milieu, il a collaboré avec des réalisateurs très variés, souvent à l’extérieur des circuits commerciaux traditionnels, ce qui traduit un engagement envers une vision artistique libre, personnelle, et loin de la recherche du profit et de la rentabilité. Dans une contre-tribune publiée sur Mediapart, les signataires s'adressent directement à ce paragraphe sur une pseudo-attaque directe à l’art :
“Les signataires de la tribune parlent de « La mort de l’art. La nôtre » ? Quelle emphase. Qu’en est-il des artistes qui se tiennent bien ? L’art n’en mourra pas si Gérard Depardieu reconnaît le mal qu’il a fait, et s’excuse. Au contraire, l’art gagnerait beaucoup à être plus humain, plus nourri d’authenticité. Et nous respirerons mieux dans une société où les femmes seront respectées et où les hommes auront moins souvent peur d’être associés à des mâles prédateurs.”.
Ainsi, la réponse à cette emphase critique l’idée que la reconnaissance des actes de Depardieu pourrait enrichir l’art, et non lui donner la mort, en la rendant plus humaine et authentique. En effet, selon la contre-tribune, l’art ne se définirait pas uniquement par le génie individuel de l’artistique, mais surtout par l’intégrité et la moralité de ses praticiens.
La transgression au coeur de la figure de l'artiste rebelle
Dans l’imaginaire collectif, l’artiste rebelle est perçu comme celui ou celle qui vient défier les conventions et les normes sociales. Entre fascination et controverse, l’image de l’artiste en marge de la société occupe une place particulière dans l’esprit de chacun.e.
Dans Intouchables ? People, justice et impunité : Polanski, Cantat, DSK, Tron, innocents, forcément innocents ?, Lise Bouvet et Yael Mellul décrivent comment les représentations romantiques de l’artiste ont contribué à la construction d’une image quasi divine de l’artiste qui surpasse les normes morales communes à toustes. Certains artistes rebelles ont parfois même été célébrés pour leurs transgressions, symptômes d’une manifestation de leur créativité et de leur indépendance d’esprit, comme Serge Gainsbourg (1928-1991) par exemple.
Gérard Depardieu incarne également l’archétype de l’artiste rebelle, une figure profondément ancrée dans l'imaginaire collectif et la culture française. Cette image s’est construite à travers une carrière prolifique, marquée par des performances artistiques remarquables, mais aussi par des comportements et des déclarations provocatrices qui défient les normes sociales et morales. Depuis ses débuts dans les années 1970, Depardieu s’est forgé une réputation d’acteur talentueux et versatile, capable d’interpréter des rôles complexes et souvent controversés. Sa performance dans des films tels que Les Valseuses (Blier, 1974) et Le Dernier Métro (Truffaut, 1980) a contribué à son image de rebelle, d’homme en dehors des conventions sociales. Les déclarations publiques de Depardieu, souvent empreintes de provocation, ont renforcé son image de rebelle. Il n’a pas hésité à exprimer des opinions tranchées sur la politique, la société et l’industrie du cinéma, parfois au prix de controverses médiatiques. Par exemple, en 2012, il a suscité un tollé en annonçant son départ de la France pour des raisons fiscales, critiquant ouvertement le gouvernement français. Les médias ont joué un rôle crucial dans la construction de cette image. Depardieu est souvent représenté comme un personnage dont les excès et les provocations sont autant d’expressions de son génie créatif et de son refus des contraintes. On peut ici parler d’un personnage représenté et donc perçu comme larger than life, non seulement en raison de sa stature physique imposante, mais aussi par son attitude et son comportement. Son goût pour les excès, qu'il s'agisse de nourriture, de boisson ou de comportements flamboyants, contribue à son image de rebelle qui refuse de se conformer aux normes sociales établies. Il a régulièrement défié les attentes sociales et professionnelles et a souvent critiqué ouvertement les conventions de l'industrie cinématographique en se montrant réfractaire aux codes de conduite attendus d'une célébrité de son rang. Ce refus systématique des normes et des attentes renforce ce statut. Son engagement politique et ses provocations sont également des aspects notables de son caractère rebelle. Depardieu a soutenu des causes controversées et des figures politiques non conventionnelles, sympathisant avec des dictateurs et allant jusqu'à accepter la citoyenneté russe offerte par Vladimir Poutine en 2013, une décision qui a suscité de vives réactions en France et à l'étranger. De plus, il a eu de nombreux démêlés avec la justice et les autorités avant même les accusations de VSS, y compris des accusations de conduite en état d'ivresse et de violences. Ces incidents renforcent son image de figure indisciplinée et rebelle contre les institutions. Enfin, Depardieu n'a pas hésité à critiquer ouvertement l'industrie cinématographique française et internationale, dénonçant ce qu'il perçoit comme de l'hypocrisie et du conformisme. Ses déclarations publiques souvent acerbes lui valent une réputation de franc-tireur.
Cette vision romantique de l’artiste rebelle alimente l’idée que l’art ne peut être contenu par les conventions sociales, mais doit au contraire les défier et les remettre constamment en question. D’une part, l’artiste rebelle est perçu comme un visionnaire innovateur osant repousser les limites de l’art et de la société. D’autre part, il est remarqué pour ses excès et ses comportements destructeurs. Entre admiration pour la liberté créative et inquiétude ou mépris face à ses transgressions, les avis divergent mais existent. Les publics sont fascinés, positivement ou négativement.
L’image de l’artiste rebelle est un archétype puissant dans la culture contemporaine. Elle incarne les tensions entre liberté créatives et normes établies, offrant un miroir provocateur de la société d’un temps sur ses propres limites et ses propres tabous. C’est au cœur même de cette dualité que réside la fascination durable, l’attachement unique pour l’artiste rebelle qui suscite tant d'émotions et de réflexions au sein des publics de toutes générations. Dans son ouvrage La photographie : étude philosophique de “la star” dans la société contemporaine, André Rouillé évoque également le concept d’aura qui entoure les personnalités médiatiques et célèbres. Il décrit un phénomène issu d’un processus dans lequel les “stars”, représentées par les médias et l’exposition médiatique, acquièrent une sorte d’aura qui les rend à la fois familières et étrangement différentes, suscitant des réactions ambivalentes chez le public. L’auteur parle de “jeu de reflet” pour se référer à la manière dont le public se perçoit à travers les stars. Elles deviennent en quelque sorte des miroirs de leurs aspirations, une incarnation de leurs désirs, mais aussi de leurs frustrations. En admirant une star pour son apparence, son charisme ou son talent, le public projette en elle ses rêves en s’identifiant à elle, donnant lieu à un sentiment d’admiration et de dévotion. André Rouillé explique par ailleurs que ce sentiment d’admiration peut être accompagné d’une certaine jalousie et d’un sentiment d’injustice. En raison de leur statut, les stars semblent pouvoir échapper aux contraintes et aux conséquences qui affectent les publics. Elles bénéficient d’un traitement différent dans le système social, le système judiciaire ou encore dans d’autres aspects de la vie quotidienne. Ce sentiment d’injustice produit une perception d’inégalité et de privilège. Le “jeu de reflet” engendre ainsi des sentiments mitigés entre fascination, dévotion, admiration, mais aussi parfois jalousie et injustice. C’est une dynamique psychologique et sociale qui se produit dans la relation entre les artistes célèbres et leur public.
“Laisser faire la justice son travail”, l'a fait-elle vraiment ?
L’appel à la présomption d'innocence constitue la réponse la plus fréquente lorsqu’un artiste est accusé de VSS. La présomption d’innocence est un principe selon lequel, en matière pénale, tout individu poursuivi est considéré comme innocent des faits qui lui sont reprochés tant qu’il n’a pas été déclaré coupable par la juridiction compétente. Ce principe est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et a donc une valeur constitutionnelle qui a pour objectif de faire bénéficier du doute la personne concernée.
La culpabilité étant souvent difficile à prouver dans les affaires de VSS et les conséquences sociales pouvant être très lourdes pour les accusé.e.s, la présomption d’innocence est très utilisée pour défendre un artiste accusé. Toutefois, l’application de ce principe suscite souvent des débats, car elle implique un équilibre délicat entre la protection des droits des accusés et la quête de justice pour les victimes. Trois semaines après avoir défendu Depardieu sur le plateau de C à Vous, Emmanuel Macron a affirmé à nouveau son soutien à l’acteur : “Je me félicite que la parole [des victimes] se libère mais je pense que notre rôle c’est de permettre à la justice de faire son travail mais qu’on ne le fasse pas en oubliant les principes de présomption”.
La présomption d’innocence implique souvent une instrumentalisation de la loi et des principes juridiques pour servir les intérêts de l’accusé.e. Plutôt que d’entamer un débat équitable sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé, la stratégie de la présomption d’innocence discrédite les témoins et les victimes présumées en mettant en avant leur manque de preuves tangibles ou en remettant en question la véracité de leurs propos et leur crédibilité. Concernant les viols et les agressions sexuelles, l'invocation de la présomption d'innocence a un effet pervers, car elle laisse entendre que les plaignantes pourraient toutes être des menteuses potentielles. L'opinion publique ne se déchaîne jamais autant contre les victimes présumées que lorsqu'il s'agit de viol ou d'agression sexuelle. Cela ne semble pas anodin, d'autant plus qu'il est désormais établi que moins de 2% des plaintes pour viol sont infondées.L’objectif est de provoquer un doute dans l’esprit du public, sapant ainsi la légitimité des accusations et protégeant la réputation des hommes artistes. Cette stratégie peut être renforcée par des médias complaisants ou des discours publics qui mettent l’accent sur les droits de l’accusé, en minimisant les souffrances des victimes présumées ou en cherchant dans le passé de la victime pour y trouver des éléments qui justifieraient des mensonges, ou correspondrait à l’idée que la société se fait de quelqu’un.e qui serait capable de diffamation.
Jackson et Dorling ont écrit en 2012 une revue de littérature sur l’impact de la présomption d’innocence dans les procédures pénales. En examinant une gamme d’études empiriques concernant ces sujets, ils ont évalué comment ce principe fondamental du droit pénal affecte différents aspects des affaires criminelles, notamment les accusations pour viols. Dans leur analyse, ils examinent de quelle manière la présomption d’innocence influence le comportement des acteurs judiciaires : les juges, les procureurs, les avocat.e.s de la défense. Ils évaluent comment ces acteurs interprètent et appliquent ce principe dans leur travail, ainsi que son impact sur les différentes décisions prises tout au long d’un procès.
De plus, l’article permet l’exploration des conséquences de la présomption d’innocence sur les affaires pénales, y compris les verdicts rendus par les juré.e.s et les peines infligés aux accusés. Jackson et Dorling (2012) étudient si la présence ou l’absence de ce principe a un effet mesurable sur les chances de succès et la sévérité des peines prononcées. Cette étude permet l’évaluation de la pertinence d’un tel principe ainsi que la robustesse des preuves soutenant l’efficacité de la présomption d'innocence en tant que principe juridique. Concernant Depardieu, vingt femmes l’ont accusé de VSS, dans la presse ou auprès de la justice, depuis la révélation de l’affaire en 2018 (la plainte de l'actrice Charlotte Arnould, qui a mené à une mise en examen pour “viols” et “agressions sexuelles” depuis 2020). Selon Mediapart, la juge aurait bouclé son instruction le 17 avril 2024. Les deux parties doivent à présent adresser leurs observations écrites et le parquet de Paris doit rendre ses réquisitions. L’acteur, qui conteste toujours toute agression sexuelle ou viol, bénéficie donc de la présomption d’innocence. Le lundi 29 avril, il a par ailleurs été convoqué dans un commissariat parisien en vue d’un placement en garde à vue. L’acteur a été entendu après les plaintes de plusieurs femmes, l’accusant d’agressions sexuelles commises en 2014 (sur le tournage du Magicien et les Siamois) et en 2021 (sur le tournage des Volets Verts). Ces deux affaires feront l’objet d’un procès en octobre 2024.
Que peut-on prétendre espérer ?
Le procès de Depardieu approchant, il est toutefois difficile d’espérer une condamnation à la hauteur des actes présumés commis par Gérard Depardieu, ou dans toute autre affaire de VSS pour plusieurs raisons. Dans de nombreuses juridictions, le taux de condamnations dans les affaires VSS est relativement faible à cause notamment du manque de preuves tangibles, des défis liés à la collecte de preuves, surtout quand les affaires remontent à plusieurs années, mais aussi à cause des pratiques de minimisation ou de sous-estimation des allégations de VSS, surtout quand les accusés sont des célébrités reconnues. Souvent complexes, les affaires de VSS concernent souvent des problématiques autour du consentement (concept absent dans le droit français), de coercition, de manipulation... Il est difficile pour les tribunaux de déterminer la vérité au-delà de tout doute raisonnable, ce qui rend les condamnations rares. Le facteur social de l’impunité qui protège les artistes dans de telles situations peut se traduire par des privilèges dans le système judiciaire, une protection accrue de leur réputation et parfois même des pressions pour minimiser les conséquences de leurs actes présumés. Enfin, les stéréotypes de genre, les attitudes de renversement de la culpabilité peuvent contribuer à décourager les victimes de chercher justice. L’analyse des chiffres relatifs à l’accès à la justice des victimes de VSS sonne comme un violent rappel à l’ordre. En effet, selon l’étude du ministère de l’intérieur concernant les féminicides (16 août 2022), ces crimes ont augmenté de 20% entre 2020 et 2021. En matière de VSS, la dernière enquête de victimation de l’INSEE (“cadre de vie et sécurité”) révèle que seulement 0,6% des viols ou tentative de viol ont donné lieu à une condamnation en 2020.