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Billet de blog 27 juin 2017

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Les moteurs de l'hyper-sexualisation des fillettes

Composé du préfixe « hyper », indiquant un excès, et de sexualisation, action de donner un caractère sexuel, le terme « hyper-sexualisation » est apparu à l’aube des années 2000 pour la première fois au Canada, et ce, plus précisément au Québec. Ce phénomène montre comment l’enfant, influencé par la société, est poussé à ressembler à un adulte.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans les années 1990, la presse féminine mobilise la figure de Lolita, écho au roman de Nabokov. Une chanson des années 2000 « Lolita », chantée par une jeune adolescente de quinze ans, Alizée, était destinée aux jeunes filles du même âge. Nous passons d’un modèle littéraire à une figure de la mode : les fillettes et les jeunes adolescentes aspirent à s’habiller et à se comporter comme l’héroïne de Nabokov. On assiste au phénomène de la « lolitisaton », pour reprendre les termes du sociologue Michel Fize. Selon l’article de la revue Knibielher  en 1983 la petite fille serait passée « De la pucelle à la minette ».

Dès les années 2000, cette image de la jeune fille est bouleversée : la nouvelle mode du « string », du « décolleté » ou encore du « piercing » au nombril encourage la fillette à devenir une femme et à développer son aspect érotique et attirant, afin d’aboutir à un désir particulier : attirer le regard sur soi et prendre place dans le monde des femmes. Cette mode métamorphose le corps de l’enfant en un corps sexué et érotisé.

La société actuelle favorise en effet l’apparence physique, ce qui entraîne une perception négative du corps chez la fillette chaque fois qu’il ne correspond pas à celui des icônes du moment.

Les médias, les magazines féminins et émissions télévisées, telles que les télé réalités, massivement diffusées à la sortie des classes, présentent aux jeunes adolescentes une image idéale de la femme belle et surtout mince. Durant ces dernières années des icônes nées des télé-réalités sont devenues des modèles pour les adolescentes et celles-ci tentent de leur ressembler. Nous pouvons prendre pour exemple de la célèbre Kylie Jenner ou encore Kim Kardashian. Les magazines, destinés aux jeunes filles, se sont multipliés par trois en seulement dix ans. Ils apportent des conseils ainsi que des astuces sur la manière de penser, d’agir ou de se comporter, en tant que sex bomb. Cette figure est présente tant par les images que par les titres : Selon le magazine Isa, « être une sex bomb. Ça s’apprend ! ». D’autres magazines à destination d’un public plus âgé présentent les mêmes images : Glamour propose un look « chic et sexy » pour l’été.   

Donc, par le biais des médias, qui multiplient les stéréotypes, la fillette ou la jeune adolescente se sent obligée de respecter ces « critères » de féminité.

Le culte de cette apparence est aussi fortement entretenu par les réseaux sociaux : l’image de soi y est, au quotidien, excessivement mis en scène aussi bien pour les adultes que pour les enfants : par exemple la mode du selfie encourage le narcissisme.

A cela s’ajoute les références à la sexualité devenues, aujourd’hui, omniprésentes : les images de porno chic s’imposent au regard dès le plus jeune âge et deviennent une banalité quotidienne. L’image de la femme, renvoyée aux petites filles par les médias, est celle d’une femme qui se définit par sa capacité de séduction. Or, il est difficile aujourd’hui de ne pas être en contact avec ces apparitions à caractère sexuel qui se trouvent tout autour de nous. C’est pourquoi les fillettes, cibles commerciales très convoitées, sont intéressées, de plus en plus tôt, à ce qui fait la « vraie » femme. Très au courant des gestes de beauté, certaines d’entre elles disposent de maquillage, dès l’âge sept ans, pour femme, provenant de marques prestigieuses. La majorité d’entres elles exprime une volonté inexpliquée de porter des soutiens-gorges. Ces « Lolitas » sortent tout juste de l’enfance et entrent à peine dans l’adolescence qu’elles sont dominées, en raison d’une pression sociale, par un besoin infini de consommer des produits réservés à la femme adulte et coquette.

Les parents jouent un rôle prépondérant dans l’éducation de leur fille mais ne prennent pas toujours conscience du danger véhiculé par certains produits.  En raison de l’évolution de la mode, les marques offrent un échantillon de choix très diversifié : des chaussures à talons et des soutiens-gorge pour poitrines inexistantes sont proposés. Les parents et plus particulièrement les mères sont fortement incitées à acheter ces produits à leur fille. De plus, l’ère des princesses, aujourd’hui dépassée, est remplacée par un phénomène qui met en avant le soin et la beauté du corps. Les anniversaires d’antan, animés par des comédiens en costumes de princesses, ont fait place à une séance de Spa : Les Louves, lieux de bien-être réservé aux enfants localisé à Paris en est un exemple. Ainsi, ces « lieux de bien-être » voient se développer une clientèle infantile à laquelle sont proposés des massages aux huiles parfumées au nougat, caramel etc, odeurs propres à l’enfance. Une fillette déclare d’ailleurs dans le documentaire Sans tabou, Quand les petites filles jouent les lolitas : « les princesses ça fait trop petite fille ». 

Pourtant, certains parents, conscients des conséquences que suscitent tel ou tel produit, refusent d’exposer leurs filles à un monde hyper-sexualisé. Comment protéger l’enfant alors que les références à la sexualité sont omniprésentes ? La féminité, exagérée, apparaît aussi dans le monde des jouets. Bratz crée une figurine en 2001 plus provocante que les poupées Barbies, alors elles-mêmes représentatives de la femme idéale dès les années soixante. Le maquillage des premières est très prononcé, les habits s’apparentent à ceux d’une femme aux moeurs légères. Ces codes, avant réservés à la sphère de la pornographie se développent ainsi dans le monde des jouets attirant de plus en plus de fillettes. L’image qui leur est renvoyée devient dangereuse puisqu’elle présente une féminité excessive, qui n’est pas celle de la vie ordinaire. Ainsi, les sociétés commerciales axent leurs stratégies de vente sur la sexualisation des produits et de l’enfant mannequin

Aujourd’hui, le phénomène de l’hyper-sexualisation des fillettes a pris de l’ampleur avec le développement de notre société consumériste où les médias sont omniprésents. D’une part, les fillettes expriment leur goût pour une mode en réalité unifiée, diffusant souvent l’image d’une femme séductrice, et d’autre part les publicitaires mettent en avant des stéréotypes sexistes comme ceux d’une femme passive et soumise. De cette façon, ces représentations s’imposent à notre regard, se banalisent, et certaines fillettes, inconscientes qu’elles adoptent l’attitude d’une femme séductrice, sont capables de susciter le désir d’un adulte. Ce phénomène ne pourrait-il pas alimenter la "culture du viol" ?  Justifier le crime ?

Ainsi, cette étude permet de mettre en avant un phénomène nouveau et paradoxal : la fillette est protégée dans un cadre juridique très stricte mais, elle est exposée quotidiennement et sans protection, aux images capables de dégrader son identité.

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