Julien Armijo
Physicien, chercheur et consultant. Ecologie, transition énergétique, hydrogène. Contribue au livret Planification ecologique de la France Insoumise.
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Billet de blog 23 mars 2017

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Salar d'Atacama (Chili): alerte écologique des habitants sur la minerie de lithium

L'expansion minière dans les grands lacs salés andins ("salars") au Chili, en Bolivie, et Argentine, dopée par le boom des énergies renouvelables et les besoins en batteries chimiques, menace les fragiles écosystèmes et les populations locales. Traduction française de la déclaration des Habitants du Bassin du Salar d’Atacama pour la Défense de l’Eau.

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Déclaration Publique “Tous pour le Salar d’Atacama”

Par le présent communiqué, nous voulons manifester, en tant qu’habitants du bassin du Salar d’Atacama, notre inquiétude et notre préoccupation concernant les effets que l’industrie minière du Lithium a sur l’écosystème dans lequel nous vivons. Nous parlons des activités que SQM soutient depuis deux décennies – sans aucune régulation publique et avec une histoire sombre de pratiques illégitimes; la décision récente de l’Etat Chilien d'autoriser l’augmentation des opérations que l’entreprise nord-américaine Albemarle réalise sous le nom de Rockwood Lithium, et enfin la menace d’entrée dans la course d’un troisième « concurrent » dans le Salar d’Atacama, l’entreprise canadienne Wealth Minerals.

Etant donné que l’obtention du lithium se fait à partir de l’extraction de très grandes quantités d’eau sous forme de saumure – avec la perte considérable d’eau par évaporation qui en résulte – nous croyons que la surexploitation des aquifères du Salar d’Atacama qui découle de ces procédés se traduit en une menace fatale pour les différentes formes de vie qui se développent dans cet écosystème. Nous nous référons autant aux groupes humains du Salar d’Atacama qu’aux espèces emblématiques, comme le Flamant Andin et aux formes de vie uniques à haute valeur scientifique telles que les Microbialites de la Lagune Tebenquiche. En ce sens, il est important de remarquer que cinq zones humides sur les sept protégées par la Convention de Ramsar se trouvent sur le Salar d’Atacama, ainsi que le Secteur Soncor et Aguas de Quelana de la Réserve Nationale Los Flamencos, situés à quelques kilomètres des bassins d’évaporation.

Les premiers habitants du Salar d’Atacama se sont installés sur ce territoire il y a plus de 10,000 ans grâce à l’eau. Jusqu’à aujourd’hui, tant le peuple Lickanantay (ou Atacaménien) que tous les habitants du Bassin du Salar, nous dépendons d’un délicat équilibre déjà menacé par les effets du changement climatique (que le Chili s’est engagéà combattre à la Conférence de Paris en 2015). C’est pourquoi les effets d’une industrie du Lithium en expansion seraient catastrophiques.

Par conséquent et en conscience, en tant qu’Habitants du Bassin du Salar d’Atacama :
-  Nous voyons le Bassin du Salar d’Atacama comme un système vivant, dont la destruction d’une seule des parties impactera nécessairement le reste. L’eau dans le Salar, c’est la vie. C’est pourquoi nous considérons un devoir éthique de l’Etat de garantir la défense de l’eau pour préserver la vie sous toutes ses formes.
-  Nous refusons le modèle extractiviste néolibéral rendu possible par la Constitution et validé par les différents gouvernements. Nous considérons que ce modèle est une menace à la vie et aux cultures traditionnelles, tant sur le Salar que dans le reste de notre planète.
-  Bien que nous comprenions l’importance du lithium en tant que matière première pour les batteries utilisées dans des industries telles que les énergies renouvelables et les voitures électriques, nous n’acceptons en aucune circonstance que cela signifie le sacrifice de l’eau et de la vie sur notre territoire
-  Nous refusons les accords conclus jusqu’à présent dans le dos de la société civile entre Rockwood Lithium, l’ancienne administration du Conseil des Peuples Atacaméniens, et CORFO. Notre territoire, Terre Mère, Patta Hoiri, n’est pas monnaie d’échange.

Par conséquent, nous exigeons :
-  Une étude sérieuse des Impacts sur l’Environnement, avec la participation de tous les habitants du Bassin d’Atacama, qui considère le Bassin du Salar d’Atacama comme un système vivant et qui rende compte de façon claire des effets de la diminution du niveau des eaux du Salar d’Atacama provoquées par l’activité des industries minières SQM et Rockwood Lithium sur toutes les formes de vie, prenant en compte les pratiques ancestrales du peuple Lickanantay telles que l’agriculture traditionnelle, l’élevage mais aussi celles à caractère spirituel.
-  L’exécution des Droits et Devoirs Constitutionnels de l’Etat Chilien, spécialement ceux contenus dans l’article N° 19 folio 2, 8 et 24, ainsi que le respect et l’application de l’accord 169 de l'OIT sur les peuples Originaires, permettant par là que le peuple Lickanantay participe de manière légitime, informée et transparente concernant les actions que l’Etat et les entreprises privées soutiennent sur ce territoire. Et ce, tant en ce qui concerne les entreprises minières du lithium dans la région que les projets géothermiques qui cherchent à utiliser l’eau du Bassin.
-  Un consensus de tous les acteurs du Bassin du Salar d’Atacama sur l’utilisation des ressources, ayant comme but ultime la conservation de l’environnement et la sécurité des ressources hydriques pour les générations futures.
-  Un programme de Durabilité pour l’Industrie du Lithium, qui établisse des mécanismes adéquats qui permettent le développement de technologies pour l’exploitation du carbonate de lithium niveau batterie sans que cela implique le sacrifice de l’eau, avec un système de contrôles sur les répercussions, contrôles qui ne doivent en aucune manière être financés par les industries minières, comme c’est le cas actuellement. Ce programme doit également prévoir l’étude et le développement de processus efficaces pour le recyclage des batteries au lithium déjà existantes.

Les batteries au lithium ne sont pas écologiques : leur empreinte environnementale est tout simplement ignorée. C’est pourquoi nous disons à l’Etat Chilien et à la Communauté Internationale de prendre les mesures nécessaires pour la protection de cet écosystème unique, reconnu et visité par des centaines de milliers de personnes venues du monde entier chaque année. C’est plus urgent que jamais. Sauver le Salar d’Atacama de sa disparition est le travail de toutes et tous et cela doit se faire maintenant.

Habitants du Bassin du Salar d’Atacama pour la Défense de l’Eau – San Pedro de Atacama, Chili, Février 2017 Contact : todosporelsalar@gmail.com Facebook : https://www.facebook.com/todosporelsalar

Publication originale du 03/02/2017 (en espagnol) sur le site de l'Observatoire Latino-américain des Conflits Environementaux : http://olca.cl/articulo/nota.php?id=106686

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