Presque tombée aux oubliettes après les divisions de la majorité l'hiver dernier, la question du travail dominical, qui a déjà connu deux rapports et deux propositions de loi en un an et demi, revient ce mois-ci à l'agenda à l'initiative du Ministre du Travail et des Relations sociales, Brice Hortefeux. Lourd d'enjeux, ce thème est devenu au fil du temps l'un des symboles d'un gouvernement qui veut incarner le changement.
Le Président de la République, en annonçant son programme de rupture, a voulu faire bouger les lignes à un rythme effréné tout azimut. Faire du dimanche un jour de travail et de consommation comme un autre s'inscrit dans cette logique. Mais une fois le mouvement enclenché, la fixation de ces nouvelles lignes se posent, ne serait-ce que pour légiférer. C'est à ce moment que la forme intervient, en particulier la méthode. Le référendum est à la fois le moyen le plus direct d'introduire pleinement le débat dans la société, et son résultat l'état des lieux précis de cette évolution et le feu vert citoyen à ladite mesure.
Les deux derniers référendums, sur le quinquennat en 2000 avec une maigre participation et le « non » à la Constitution européenne en 2005, étaient de nature institutionnelle, donc politiquement risqués. D'où le refus de Nicolas Sarkozy, exprimé durant la campagne présidentielle, de consulter ses concitoyens. Or, les questions de société ne revêtent pas la même difficulté politique, où, quel que soit le résultat, personne ne peut revendiquer une victoire ou une défaite. Le référendum vise à demander aux électeurs d'exprimer leur choix de société.
Au-delà des arguments avancés sur les bienfaits espérés de l'extension du travail dominical sur l'économie, le débat porte aussi sur les valeurs tel le rapport au travail ou encore la religion. Il en est de même pour l'euthanasie, le mariage homosexuel, la bioéthique, la dépénalisation de certaines drogues, etc. Sur ces sujets, gouvernement et parlementaires ne sauraient être complètement légitimes pour décider seuls de l'orientation à donner. Sans prendre l'exemple suisse, qui est une démocratie directe aboutie, les Californiens se sont prononcés en 2004 sur le financement des cellules souches, et les Portugais en 2007 sur l'interruption volontaire de grossesse.
Certes, la consultation peut être détournée à des fins politiciennes, risque par ailleurs inhérent à tout scrutin comme le vote-sanction. Mais cette politisation peut être évitée en faisant voter les Français le même jour sur plusieurs sujets. C'est une pratique courante à l'étranger, où les référendums se mêlent, y compris parfois avec des élections locales ou législatives.
Tactiquement, le Chef de l'État introduirait ainsi de nouveaux clivages, répondant ou retirant des revendications de ses adversaires politiques. A commencer par Ségolène Royal, chantre de la « démocratie participative », qui se verrait couper l'herbe sous le pied d'une de ses principales spécificités.
Outre la véritable innovation politique qu'elle représente, cette méthode permet de faire vibrer notre vie publique et au Président de la République de symboliser la modernité démocratique. D'autant plus que le changement aura lieu au rythme et à la volonté déterminé par le peuple, par cette voie ou par une autre. C'est peut être aussi cela, la rupture.
Julien Arnoult, Président du Cercle Jean Bodin
Matthieu Labbé, membre du bureau de Réforme & Modernité