Julien Ballaire

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Billet de blog 8 janvier 2015

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Charlie, le jour d'après

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après l’émotion de la journée d’hier et alors que la recherche des suspects par la police se poursuit, c’est le temps de la réponse politique qui s’ouvre. Les réactions à l’attentat et aux disparitions des dessinateurs de Charlie Hebdo viennent nous rappeler ce pourquoi ils ont été pris pour cible : pour avoir osé. Tout osé. Cette idée, incarnée par la phrase « Je préfère mourir libre que vivre à genoux », reprise à compte par Charb, mais attribuée en leur temps à Emiliano Zapata ou à Enesto « Che » Guervara. Charlie, c’est l’irrévérence libertaire, l’anticléricalisme radical. Charlie, c’est la liberté de tout faire et tout dire, au risque de choquer et de susciter des polémiques (l’auteur de ces lignes lui-même ayant été plus d’une fois mal à l’aise devant les Unes). Plus largement, c’est toute la presse engagée qui perd ses plumes, de l’Humanité à Marianne et au Canard Enchaîné.

Les hommages de responsables associatifs et syndicaux montrent la quantité impressionnante de travaux que Charb en particulier, avait effectué pour eux, Unes de magazines, dessins de tracts, affiches… Il était omniprésent. Ce sont tous les militants progressistes de France qui perdent une référence politique, un membre de la famille avec cette attaque.

C’est pourquoi, en hommage au projet de Charlie Hebdo, à ce pourquoi Charb, Cabu, Wolinski et les autres sont morts, et surtout, surtout, en hommage à ceux qui restent, survivants de l’attaque, Willem, Coco, Patrick Pelloux..., porteurs de l’âme de Charlie, la réponse doit se faire par un rejet des thèses obscurantistes qui prospèrent de la peur. Il faut, comme le dit Robert Badinter, refuser le piège politique que les terroristes nous tendent. Charlie n'a pas besoin d'une loi anti-terroriste qui porterait son nom. Le meilleur hommage à rendre à Charlie Hebdo, c’est de refuser toute fuite en avant sécuritaire, toute énième loi liberticide qui marquerait la victoire de ceux qui tuent sur ceux qui rient. Bien mieux qu’une unité nationale vide de sens, la meilleure façon d’être Charlie, c’est de porter haut et fort ses valeurs et ses combats, pour la liberté d'expression et le droit de choquer, le devoir d'oser et de provoquer, tous ces combats que Charb et les autres auront porté toute leur vie durant, c'est de dire merde aux cons, surtout s'ils veulent nous gouverner. Etre Charlie, c'est ce battre pour la liberté d'expression, contre toutes les haines. Etre Charlie oui, mais pas avec ceux qui s'opposent à cela, fut-ce au détriment d'une "union" qui n'a de sacrée que le slogan.

Enfin, il faut refuser la tentation de l’amalgame attisée par ceux qui n’ont que la haine pour référentiel. Non, les 12 de Charlie n’ont pas été tués par l’Islam, comme les 77 d’Utoya n’ont pas été tués par le Christianisme. Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Bernard Maris, tous leurs amis, Ahmed et Frank les deux policiers, tous rejoignent les longs cortèges de morts tombés sous les balles du fanatisme, personnalités ou anonymes, d’Itzhak Rabin aux victimes du KKK. Ce que leurs morts nous disent, c’est que, bien loin des appels des prophètes d’apocalypse, de Rioufol à Zemmour, et de ceux qui n’ont même pas la décence d’attendre le temps du deuil pour capitaliser politiquement dessus, ce n’est pas le choc des civilisations qui se joue, ce n’est pas la guerre civile d’une partie des Français contre les autres qui s’avance. Ce que l’actualité vient tragiquement de nous le rappeler, l’Humanité n’est engagée que dans une seule guerre, celle contre la connerie de l’intolérance. Et il n’y a jamais de cessez-le-feu.

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