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Suite aux « résultats » ou plus exactement l'échec démocratique du 1er tour, de très nombreux échanges fleurissent ici, là... Partout.
Et tous ou presque finissent fort logiquement sur le rapport de chacune et chacun au 2d tour : Voter Macron ? · Voter blanc ? · S'abstenir ?
Ces débats pour intéressants qu'ils sont, finissent trop souvent par minorer la question du rapport à l'intime qu'est le vote et se focalisent sur l'élection présidentielle. Tout en omettant d'évoquer tous les autres possibles.
Mediapart avec d'autres fait un travail considérable sur ce sujet... Pour autant, ce travail d'information et d'échanges devrait englober plus avant et plus radicalement (au sens d'enracinement) la question des luttes et des mobilisations qui fleurissent partout et qui indique un refus catégorique de continuer plus longtemps avec la confiscation électorale que constituent les dysfonctionnements intrinsèques de la Ve République.
Nos luttes communes sont la seule voie qui nous rassemblera. Alors prenons là sans attendre. Si nous voulons d'un autre système, si nous voulons une autre société, il nous faudra l'arracher dans et par la rue. Le combat commence maintenant. « Siamo tutti antifascisti ! »
Version « courte »
Quand tu es « sociologue », « philosophe », quand ta place sociale te le permet, tu peux plus facilement voter de façon « détachée ».
Tu as d'autres moyens d'être citoyen·ne, d'avoir du pouvoir sur le monde. Tu peux voter la tête haute, car tu as une reconnaissance de la place qui est la tienne dans la société et en plus, ta position te permet et te permettra d'avoir une prise sur ton travail, sur ton temps, ta vie.
Quand t'es « dominé·e », « exclue » (jeune, privé d'emploi, précaire, pauvre, etc.), voter Macron, c'est tellement plus coûteux… C’est tellement violent. Car, cela revient à devoir acter que pendant ces cinq années (mais avant aussi) tu as été méprisé·e, violenté, bafoué et que tu dois en plus te soumettre et renoncer à l’un des seuls sinon au seul pouvoir que t’as sur le monde. Or, c'est « juste pas possible ».
C’est impossible de s'y résoudre, parce que c'est une humiliation (une de trop) qui reviendrait devoir acter qu'il faut baisser la tête… À nouveau, comme au boulot, comme devant la police, comme devant le juge, devant… La domination.
Entre s'abstenir, voter blanc et voter Macron, nous devons avoir à l'esprit que c'est au plus intime des vies chacun·e que nous nous adressons et que ça, c'est à prendre « avec des pincettes ». Donner un argument ou des arguments. Et laisser les personnes faire leur choix, en conscience.
N’omettons pas une dimension déterminante face à tout cela : la colère et la révolte sociale, progressiste, solidaire.
Le refus que ce système perdure encore et encore est légitime et constitue un moteur. Tant mieux. « Indignez-vous », disait S. Hessel. Il est grand temps de passer aux étapes suivantes : se battre pour ses droits.
Ce qu'une partie de la jeunesse fait en ce moment montre et démontre à nouveau qu'exprimer sa colère, individuellement et collectivement, c'est rendre possible le refus de se soumettre à ce « système », à cette « domination » qui impose une non-alternative entre Macron et Le PEN.
Cette expression de la colère est assurément bien plus efficiente pour lutter contre Le Pen et Macron, que tous nos débats.
La rue et ses mobilisations sociales, ce doit être ça notre terreau commun pour refonder une gauche de lutte et de transformation sociale. Les collectifs, organisation, asso qui visent la justice socio-climatique, l'émancipation, les solidarités existent. À nous d'en faire quelque chose d'agissant. Car, c’est là que nous devrions être toutes et tous.
Alors, à la rue, ici, ailleurs et partout... Maintenant, demain et après !
Ce 16 avril, ce ne doit être qu'un début ou la suite de ce que les étudiant·es nous ont démontré cette semaine : seule l'action collective peut faire dérailler le pouvoir et pourquoi pas, la 5e République.
Nos luttes pour un futur désirable étaient déjà présentent bien avant le 1er tour. Elles résonnent dans les couloirs et les amphis de la Sorbonne et d'ailleurs. Aucune raison que cela cesse dans l'entre deux tours ou après.
Réaffirmons qu'il existe une, des alternatives progressistes, émancipatrices : seules nos luttes communes dans et par la rue les feront fleurir.
« Siamo tutti antifascisti ! »
Version « longue »
Depuis dimanche soir dernier, nous sommes pour la 3e fois en 20 ans, le 2e tour de l'élection présidentielle voit un candidat de droite ultralibéral être opposé à un·e candidat·e d'Extrême Droite.
Or, il est notable d'observer que partout, c'est-à-dire, dans tous les espaces de socialisation où la question du rapport au second tour est posée, des échanges ont lieu sur ce que chacun·e, nous estimons qu'il opportun de faire le dimanche 24 avril.
Or, inéluctablement, de tels échanges semblent aboutir à plus de division, parfois à plus de rancœur.
Nous avons pourtant lutté toutes ces dernières années ensemble contre l'ultralibéralisme autoritaire et violent de Macron, contre le libéralisme social-sécuritaire-démocrate d'Hollande, contre le libéralisme-bling-bling-décomplexé de Sarkozy, contre... Nous luttons contre et nous ne cessons pas de le faire au soir d'une élection.
Dans le même temps, nous œuvrons dans nos cercles militant·es à défendre et promouvoir une société de liberté, d'égalité et de solidarité, et de justice tant sociale qu'environnementale, fiscale et sociétale. Si nous avons des désaccords, nous les dépassons en nous rassemblant dans nos organisations, collectifs, asso, etc.
De nombreux textes circulent, des vidéos de qualité traitent de ce sujet ardu : que faire le dimanche 24 avril prochain dans le secret de l'isoloir ?
Voter Macron ? S’abstenir ? Le débat (Mediapart)
Présentation de Médiapart : « Être citoyen·nes de gauche et se retrouver, de nouveau, confronté·es à un second tour… sans la gauche. Faut-il faire barrage à Marine Le Pen et donc voter Macron ? Voter blanc ou s’abstenir ? Notre débat avec les sociologues Marwan Mohammed et Ugo Palheta, Priscillia Ludosky, « gilet jaune » et militante, et Sandra Laugier, philosophe. »
Sur le plateau, deux « sociologues », une « philosophe », un « journaliste » et une « "gilet jaune" et militante ».
Débat de qualité par sa profondeur et par les échanges. Les analyses de Marwan Mohammed (sociologue), d'Ugo Palheta (sociologue), de Sandra Laugier (philosophe) comme de Priscillia Ludosky (« "gilet jaune" et militante ») sont pertinentes et reposent sur des arguments fondés de part et d’autres.
D'un côté, des sachant·es [dont je respecte le travail et dont je partage les analyses - j'ai rencontré Ugo P. à plusieurs reprises, j'ai lu son travail, je relaie depuis longtemps son travail].
Les propos sont clairs, argumentés et indiquent parfaitement que, l'ED est ce qu'elle est, ses dangers sont immenses, sa violence, sa captation du pouvoir.
Iels rappellent également les mécaniques et les conséquences du quinquennat Macron et comment il aboutit à la situation dans laquelle nous sommes. Lorsqu'ils sont interrogés, les chercheur·euses s'effacent pour laisser la place à leur personne politique. Marwan M. et Ugo P. indiquent qu'ils voteront Macron face au risque que représente l'arrivée au pouvoir de M. Le Pen et le théorisent fort justement.
De l'autre, une femme racisée, décrite comme "« gilet jaune » et militante".
Ce qui est notable et qui est trop souvent minoriser, c'est son refus (et/ou son « incapacité ») à détacher sa personne de l'électrice qu'elle est. Elle indique être clairement et parfaitement consciente de la différence entre l'Extrême Droite de M. Le Pen et l'ultralibéralisme violent et autoritaire d'E. Macron.
Un extrait de l'émission est disponible ici.
Rapide verbatim de l'extrait :
« Casse des conquis sociaux. Il y a eu toute cette répression contre les gilets jaunes. Difficile pour moi de voter pour une personne qui n'a toujours pas reconnu cette faute... Recul des libertés individuelles... [...] Tout ça, ça compte dans le fait que je ne veuille pas voter pour Macron. Qu'est-ce que je dirais aux personnes qui ont été mutilées. [...] Je ne peux pas me résoudre à voter ni pour l'un ni pour l'autre. Et je ne me considère pas comme responsable. Ceux que je considère comme responsable de ça, ce sont les politiques. »
Qu'est-ce que tout cela indique ?
Il me semble que cette vidéo a le mérite de mettre en lumière, par delà le débat, le rapport au vote qui nous traverse toutes et tous et qui produit tant d'incompréhensions, qui produit des distances et trop souvent des mépris croisés.
En effet, on peut observer, lorsque l'on est une personne ayant acquis une capacité à agir sur le monde reconnu par la société - (sociologue, philosophe, journaliste,), qu'il semble « plus facile » de voter de façon détachée... Non pas au sens apolitique, mais au sens d'une acceptation plus importante et plus « facile » à renoncer à ce pouvoir symbolique qu'est le droit d'exprimer son choix... Dans l'émission, on observe cette capacité d'entériner la séparation politique entre l'acte lui-même et ce qu'il signifie et la personne qui réalise cet acte.
D'ailleurs, les deux sociologues le disent et le revendiquent : ils iront voter Macron « de façon détachée », quand la « gilet jaune et militante » ne le peut pas.
Avons-nous vraiment le choix ?
C'est précisément de cela que nous débattons.
Mais assez mal de part et d'autre. Car trop souvent de façon sentencieuse, de façon moralisatrice...
Et c'est logique, car nous y mettons toutes et tous très logiquement nos affects, notre sensibilité au monde, notre vécu et nos peurs aussi.
Chacun·e intervient ainsi nécessairement depuis un rapport à soi et au monde, un rapport moral qui finit par être moralisateur...
Pire, sur un ou des arguments pour ensuite essayer d'asséner que tout autre choix est une erreur. C'est louable, mais c'est inopérant.
Jacques Rancière, au moment de la précédente Présidentielle, proposait de réfléchir à la distinction entre la notion de choix et celle de la décision. Il indiquait :
« La vraie question est celle du choix lui-même : nous assistons à une élection de la dépossession. [...] Il y a un combat à mener contre les idéologies ouvertement réactionnaires et élitistes, et un autre contre les fausses évidences. [...] Il faut ramener la démocratie du côté de l'action, de la décision hors de cette frénésie du choix de tel ou tel programme. »
Également sur France Culture, il indiquait au sujet de l'élection présidentielle française : lien vers la vidéo ici
"Cette élection présidentielle au suffrage universelle set une chose inventée par les royalistes en 1848. Ce qui était vraiment une arme contre la démocratie. C'est devenue maintenant l'incarnation de la démocratie. Il y a quand même de quoi s'interroger. C'est absolument une monarchie..."
Que faire dans une telle période ?
Aussi, nous devrions non pas nous diviser sur ce qui relève d'un choix personnel et intime... Mais travailler, œuvrer à nous rassembler toutes et tous sur ce qui nous réuni : nos aspirations communes pour une tout autre société et notre colère à nous voir confisquer pour 5 années encore toute possibilité de répondre aux urgences socio-climatiques.
Nous toutes et tous actrices et acteurs du monde social, du monde militant, du monde qui nous entoure nous avons cette responsabilité-là : réaffirmer que, toutes et tous, nous sommes des citoyen·nes chaque jour et que nous ne faisons que consentir à être gouverné·es. Et que dans ce cadre, il est dans nos droits de nous mobiliser, d'exprimer nos désaccords et nos oppositions.
Aussi, continuons à échanger sur l'analyse la plus fine possible quant à la caractérisation de l'ED et le bilan du quinquennat, sur les risques de l'abstention, du vote blanc, du vote Macron... Mais sans jugement, car on le voit, tout cela ne sert à rien sinon à nous éloigner les un·es des autres... Quand nous avons besoin d'être réuni·es, d'être solidaires, d 'être mobilisé·es ensemble.
Le prochain vote pour le 1er tour des présidentielles, soit dans environ 1810 jours...
Mais nous avons surtout nous n'avons plus que 8 jours pour faire dérayer le second tour. Pour construire la lutte contre l'extrême droite et l'ultra-libéralisme autoritaire et violent.
Or, pour l'instant, c'est une partie de la jeunesse qui a choisi l'action. Elle l'a choisi, car elle refuse le non-choix que nous actons toutes et tous d'un pseudoduel entre l'ultralibéralisme autoritaire, violent et l'Extrême Droite fascisante. Et c'est tant mieux.
La colère, notre colère, nos colères communes :
c'est assurément de cela qu'il faut parler et surtout des moyens que nous déployons pour que chacun·e autour de nous — collègues, voisin·es, ami·es, camarades, famille — exprime à travers ce genre de légitime indignation sa capacité à (re)prendre du pouvoir sur le monde. Ce pouvoir d'agir si cher à Mohamed Mechmache notamment.
Le 2e tour de la présidentielle comme les jours, les semaines et les mois qui viennent seront ce que nous en ferons, nous citoyen·nes qui luttons pour la justice socio-climatique, pour l'égalité de tous·tes, pour le progrès social et l'émancipation, pour le droit de chacun·e à l'autodétermination.
Alors, à la rue, ici, ailleurs et partout... Maintenant, demain et après !
Ce 16 avril, ce ne doit être qu'un début ou la suite de ce que les étudiant·es nous ont démontré cette semaine : seule l'action collective peut faire dérayer le pouvoir et pourquoi pas, la 5e République.
Nos luttes pour un futur désirable étaient déjà présentes bien avant le 1er tour. Elles résonnent dans les couloirs et les amphi de la Sorbonne et d'ailleurs. Aucune raison que cela cesse dans l'entre deux tours ou après.
Réaffirmons qu'il existe une, des alternatives progressistes, émancipatrices : seules nos luttes communes dans et par la rue les feront fleurir.
« Siamo tutti antifascisti ! »