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Billet de blog 27 janvier 2009

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Le maréchal bling-bling

J'attends avec impatience la suite du travail de Monsieur Mauduit sur Napoléon le petit. Voilà que l'on touche le coeur du problème (l'impatience des élites à façonner, enfin, la société selon leur bon vouloir; la nature fondamentalement réactionnaire des institutions de la 5ème République).

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J'attends avec impatience la suite du travail de Monsieur Mauduit sur Napoléon le petit. Voilà que l'on touche le coeur du problème (l'impatience des élites à façonner, enfin, la société selon leur bon vouloir; la nature fondamentalement réactionnaire des institutions de la 5ème République).

Le bonapartisme, c'est aussi, le résidu funeste du paternalisme, trait marquant de ce pays de paysans que fût longtemps la France (ceci dit sans aucun mépris pour le monde paysan, qu'il me pardonne...), héritage politique tragique dans la France vaincue de juin 1940. Il faut le voir pour le croire, ce président qui tance l'irresponsabilité de telle ou telle organisation syndicale, gronde l'immâturité des députés de l'opposition... Nicolas Le Petit, certes. Mais le Maréchal Bling-bling n'est pas loin. Vous me pardonnerez l'usage de cette onomatopée que je n'aime pas tant elle peine à décrire l'extraordinaire vulgarité du personnage qui préside actuellement la République française.

Cette vulgarité outrancière, cette arrogance sont à l'image des aspirations qu'elles portent : nos élites tendent à s'affranchir de la souveraineté populaire. Cette idée, pourtant si fondamentale, coeur vibrant de la démocratie moderne, est en passe de devenir un gros mot. C'est tout le génie de la Révolution Française d'avoir renversé le paradigme féodal : le peuple ne saurait plus être sujet du souverain et de ses vassaux, l’élite dirigeante est contrainte d'accepter la sujétion à la souveraineté populaire. J'irais même plus loin. La démocratie est cette forme particulière d'organisation de la société où les élites sont constamment placé en "liberté surveillée", sous son contrôle. C'est le rôle des contre-pouvoirs, des corps intermédiaires, de l'ensemble des citoyens, instruits et éduqués aux frais de la République, de s'assurer que les élites contribuent à l'intérêt général au lieu de soumettre la société à leurs intérêts particuliers. C'est dans ce contexte que le journalisme de connivence, le régime des copains, du chroniqueur mondain, le spectacle télévisuel, et donc circulaire, de la prétention au privilège, est si désastreux.

L'élite d'une nation a bien davantage de devoirs que de droits. C'est la société dans son ensemble qui définit les émoluments et les privilèges qu'elle accepte - ou non - d'accorder à ses élites, en rétribution des services qu'elles rendent, des responsabilités qu'on leur confie, pour un temps seulement et selon un mandat clair. Pour éviter, aussi et surtout, la gangrène de la corruption. Dès lors que les élites s'absolvent de la démocratie, c'est à dire du contrôle des citoyens, elles commencent à parasiter la société, détournent les richesses et les ressources de la collectivité à leur profit, et davantage encore - jusqu'à l'hystérie -, dans les conditions de l'absolutisme. Absolutisme où l'on s'affronte entre privilégiés pour la becquée mais aussi, condition nécéssaire, pour un regard attendri du Roi et de son armée de petit prince; une société de petits chefs et de capos, par effet de reproduction, à tous les niveaux du corps social. Dès lors que les conditions de la démocratie disparaissent, on voit s'élever une classe de gens qui ne produisent pas grand chose mais consomment et gâchent énormément, le plus souvent au mépris des besoins sociaux les plus élémentaire.

C'est ce que fût l'URSS de Staline et de ses héritiers, une dictature orientée vers le profit parasite de la nomenklatura. En ce sens, je me permets ici de réfuter l'idée communément admise que le socialisme - en tant que doctrine politique et sociale - se doit nécessairement d'évoluer vers la dictature tandis que l'économie de marché garantit l'épanouissement de la démocratie. Si tel était le cas, nous ne devrions plus guère avoir que la Corée du Nord et Cuba pour figurer au registre des dictatures. Voilà que la plus sauvage des économies de marché s'épanouit pleinement dans les survivances d'une "dictature communiste" pour le moins atroce, et ce pour le plus grand profit de l'actionnariat globalisé.

Il n'y a pas de liens mécaniques entre l'organisation économique, le régime de répartition des richesses produites, et le régime politique dont se dote une société. Il y a des impasses économiques et des rapports sociaux, insupportables en l'espèce, qui font basculer la société d'un régime à un autre; il y a aussi des conditions et un contexte historique qui permette - ou non - à une société de conserver le contrôle de ses élites. L'organisation économique qu'adopte une société ne règle pas le problème du pluralisme, de la liberté d'association, de la liberté d'expression et de celle de la presse, du droit des travailleurs à défendre leurs intérêts économiques en toute indépendance de l'Etat, quel qu'il soit. C'est ce que les révolutionnaires du 18è siècle, puis ceux du 20è ont appris à leur dépend, jusqu'à l'échafaud ou au peloton d'éxécution, dans les conditions et face aux conséquences de la guerre (européenne, civile...).

Nicolas Sarkozy porte l'aspiration d'une fraction de l'élite, européenne du reste et pas seulement française, à s'absoudre de la démocratie. Voilà le danger, en effet. Toujours, l'élite choisit le plus insignifiant, le plus médiocre et le plus avide de ses représentants pour servir ses intérêts. C'est un fait que l'histoire n'a jamais démenti. Le régime et les institutions de la 5ème République, ce présidentialisme spectaculaire, régime acclamatoire réactionnaire et désormais ouvertement raciste, lui sont d'un grand secours, constitue une arme redoutable. Cette rage à briser, non seulement le mouvement social mais aussi tout ce qui ne pense pas droit, ne se soumet pas au dogme de la satifaction immédiate d'intérêts égoïstes, exprime tout à la fois la terreur des élites face au peuple mais aussi son impatience à s'en débarrasser (au sens presque littéral du terme si l'on observe les tendances de fond de l'économie globalisée).

Il ne faut pas seulement se battre pour la République, dans un réflexe instinctif de défense. Il faut, pour cela même, en finir avec la 5ème République, en finir avec le présidentialisme, mettre fin au mythe de la rencontre entre un homme et son (sic) peuple.

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