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Billet de blog 1 mai 2017

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Affaire Rybolovlev-Bouvier: la justice siffle le hors-jeu

Le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev essuie un nouveau revers judiciaire dans le conflit qui l’oppose au marchand d’art suisse Yves Bouvier.

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C’est un cuisant revers judiciaire et un désaveu cinglant. Début avril, la justice singapourienne a opposé une fin de non-recevoir à Dmitry Rybolovlev, le propriétaire du club de football de Monaco. Après avoir déposé une plainte au pénal à Monaco contre Yves Bouvier dans une affaire de vente de tableaux, le milliardaire russe avait engagé une action au civil en Asie pour scinder la procédure et couper l’herbe sous le pied au marchand d’art suisse. Ses avocats expliquent depuis deux ans que leur client est innocent. La décision rendue par les magistrats de la Cour d’appel de Singapour apporte de l’eau à leur moulin.

Ce nouveau rebondissement fragilise encore un peu plus l’accusation d’escroquerie portée par Dmitri Rybolovlev à l’encontre du patron de Natural Le Coultre. Sonné par son arrestation et sa garde à vue dans les geôles monégasques en 2015, le marchand d’art avait promis de se battre comme un diable pour laver son honneur.

La rencontre entre les deux hommes avait pourtant bien commencé. Collectionneur boulimique mais avisé, le milliardaire russe juge judicieux de se tourner vers ce nouvel ami pour enrichir son patrimoine. Montant total de ces acquisitions étalées sur plusieurs années: deux milliard de dollars. Dmitry Rybolovlev est comblé. Mais courant 2015, le vent tourne. L’esprit du milliardaire est happé par la procédure de divorce qui l’oppose à Elena Rybolovleva. Sa fortune est en jeu. La presse évoque le «divorce du siècle» après qu’une décision de la justice suisse le condamne à verser près de 4 milliards de dollars à son ex-épouse. Finalement, l’affaire se règle à «l’amiable».

Avant que ne soit close cette bataille judiciaire, le contentieux a porté sur l’évaluation de la fortune réelle du milliardaire. C’est dans ce contexte qu’Yves Bouvier se retrouve subitement pris pour cible. Dmitry Rybolovlev met fin brutalement à plusieurs années de rrelation commerciale et accuse son ancien vendeur d'art d’escroquerie. L’oligarque prétend être tombé des nues en découvrant que le marchand avait réalisé de juteuses plus-values en lui revendant les tableaux qui ont enrichi sa collection. C’est du moins ce qu’il affirme aux policiers monégasques qui enregistrent sa plainte. Il a fait ses comptes et estime qu’un milliard de dollars lui a été indûment soutiré. Une somme colossale.

Yves Bouvier ne comprend pas. Les collectionneurs comme Dmitri Rybolovlev connaissent les règles du jeu. C’est la première fois qu’il essuie les foudres d’un client mécontent. Le Suisse, connu pour être le principal locataire des Ports francs est un homme discret. Il est ébranlé par la rudesse des coups qui lui sont portés. Avec l’appui de médias qui lui sont proches, le patron de l’AS Monaco joue les vierges effarouchées. On aurait abusé de sa gentillesse et de sa naïveté. Etonnant pour un homme qui n’a pas pour réputation d’être particulièrement tendre en affaires. Au fil des mois, l’histoire va apparaître bien plus compliquée qu’il n’y paraît. Yves Bouvier ne va pas se laisser faire, rendant coup pour coup et obligeant l’oligarque à sortir du bois. Lequel va enchaîner les maladresses en organisant la vente à vil prix de certaines des œuvres achetées à Yves Bouvier pour essayer de prouver l’escroquerie.

La justice singapourienne a flairé l’arnaque. En recommandant à l’intéressé de se tourner vers un juge suisse pour trancher le litige, elle fait, en réalité, s’écrouler tout le dossier. Car la justice suisse, Dmitry Rybolovlev la fuit comme la peste. Il sait ce qui peut lui en coûter de jouer avec la patience de magistrats qui ne goûtent guère qu’on les prenne pour des imbéciles et qu'on jongle avec les procédures pour lever des écrans de fumée.

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