Julien Weinzaepflen

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 octobre 2025

Julien Weinzaepflen

Abonné·e de Mediapart

Macron veut prendre ses responsabilités", démissionner ou décréter l'article 16?

Julien Weinzaepflen

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sébastien Lecornu était très attendu hier soir dans un numéro dont la première équivoque formelle était qu’on ne savait pas pourquoi c’était lui qui devait prendre la parole ni tenter d' »ultimes négociations », et on s’est aperçu que lui qui était nommé Premier ministre -pour quoi faire- avait fait gagner quarante-huit heures à Macron en acceptant la « mission flash » qui lui fut confiée par le président après sa démission qu’il avait acceptée, et était invité au « 20h » de « France 2 » à parler pour ne rien dire ou plutôt si! Pour lui faire gagner quarante-huit heures de plus en assurant que « le président de la République allait nommer un nouveau Premier ministre sous quarante-huit heures »,, mais quand on sait avec quelle lenteur il nomme un gouvernement après avoir nommé son Premier ministre -encore, nome-t-il son gouvernement en deux étapes, autre inédit sous la Vème République: une annonce pour les ministres et une autre pour les secrétaires d’État-… Le président qui après Sarkozy a confisqué la Lanterne, l’ex-résidence des Premiers ministres où les révolutionnaires de 89 voulaient pendre les aristocrates, le président est parti pour nous faire lanterner.
Lecornu a repris à son compte pour se congratuler le qualificatif de « moine-soldat » que son entourage lui décerne. Il en a fait un peu trop dans l’autosatisfaction -les fleurs ne coûtent pas cher en hiver et ce n’est pas Macron qui lui en offrira-, mais on retiendra sa loyauté envers un mentor qui aurait gagné du temps s’il lavait nommé plus tôt et s’il ne s’était pas laissé tordre le bras par François Bayrou, le Premier ministre qui lui a fait perdre du temps en se déclarant capé pour gravir l’Himalaya et en posant crampons et piolet à la première difficulté budgétaire. Sans doute notre nouveau Premier ministre démissionnaire serait-il arrivé au même résultat que le Béarnais, mais sans jeter l’éponge par une absurde « motion de confiance » qu’il ne pouvait pas remporter.
Lecornu a assuré le service avant-vente de la parole présidentielle: « Le spectre de la dissolution s’éloigne » et « un chemin s’ouvre » sans que jamais Léa Salamé lui demande lequel. De même , il n’a cessé de ponctuer son interview de: « J’ai démissionné » sans que Léa Salamé lui demande la raison de son coup de tête. Sous-entendu, « je quitte ce panier à crabes, même si je trouve Édouard Philippe et Gabriel attal mauvais joueurs d’affaiblir l’institution présidentielle qui les a traités comme des fusibles, quand bien même c’est celui qui préside mal qui affaiblit tout seul comme un grand la fonction présidentielle. »
Lundi dernier, Emmanuel Macron promettait de « prendre ses responsabilités ». On peut craindre le pire. Cependant, courageux, mais pas téméraire, le président s’accordait un premier sursit de deux jours en envoyant Sébastien Lecornu au charbon pour consulter la horde des chiens enragés, muselés par des dents désappointées, ayant perdu leur aiguisement d’avoir trop rayé le parquet.
Psychologiquement, Macron ferait un grand pas vers la reconnaissance de l’autre s’il acceptait de tester l’hypothèse que le NFP, l’insoumis en chef en tête, lui a soumise dès le soir du second tour des élections législatives: nommer Premier ministre un membre du bloc arrivé en tête de la tripartition aggravée par les élections issues de la dissolution et pour laquelle la Vème République na pas été pensée. S’il nommait un Premier ministre, Emmanuel Macron accepterait enfin qu’on ne peut pas cohabiter qu’avec soi-même et ce serait la fin d’un déni de réalité.
Marine Le Pen réclame à corps et à cris une nouvelle dissolution, la seconde en un quinquennat et même en un mandat présidentiel, ce qui serait sans précédent sous ce régime de stabilité. Dans son parti, on est béat d’admiration devant la cheftaine qui « sacrifierait son mandat » et ne pourrait pas en réclamer un autre puisqu’elle est inéligible. « C’est pour mieux réclamer Matignon, mon enfant », se lèche les babines la grande méchante louve qui s’entendait comme chien et chat avec les Dobermann de son père. Dissoudre aujourd’hui ne servirait à rien, sinon à reconfigurer la tripartition et la reconfigurer d’une manière qui interdirait encore plus de trouver un équilibre politique. Macron ne veut pas se résoudre à dissoudre et on ne peut que lui donner raison sur ce point. Ça n’aurait strictement aucune utilité. Mais l’autorité tutélaire du Rassemblement national qui veut rassembler les Français sous son nom est aussi capricieuse que l’héritier au sens bourdieusien qui nous sert de président de la République. Aussi capricieuse et plus irresponsable encore: rappelons-nous que c’est à son initiative et à celle de son parti qu’a eu lieu la première « dissolution sans raison »; comme elle a censuré sans raison le gouvernement de Michel Barnier qui lui faisait pourtant des mamours pour se maintenir au pouvoir; aujourd’hui elle promet de « tout censurer », quelle perspective!
Au concours Lépine de l’irresponsabilité, on s’abstiendra, c’est plus responsable, comme Marine Le Pen s’abstient de destituer Emmanuel Macron, de départager la fille Le Pen et le président Macron. Mais où l’on tremble, c’est que Macron promet de « prendre ses responsabilités ». Dissoudre serait irresponsable et il le sait. Irresponsable et sans clarification. Néanmoins ça le mettrait moins en échec que de démissionner. Démissionner serait la première des responsabilités que Macron pourrait prendre. On dit qu’il ne le fera pas parce que c’est un sale gosse qui, s’il claquait la porte, le ferait en estimant que les Français ne le méritent pas. Je crois plutôt qu’il ne le fera pas parce que démissionner le mettrait en constat d’échec et que la faille narcissique qui le fait « se caresser dans les miroirs » de l’Élysée ne lui permettrait pas de le supporter. À l’autre extrême, il ne lui reste qu’une forme de responsabilité dont je ne souhaite pas qu’il la prenne, mais elle lui reste objectivement: c’est celle de décréter l’article 16 qui lui permettrait, peut-être bien, de se passer de Premier ministre pour se donner « les pleins pouvoirs », certes pour une durée limitée et en étant bordé par le Parlement. « Mais au moins, pourrait-il se dire, puisque mes compatriotes m’accusent d’avoir bridé leurs libertés au cours de mes deux mandats, au moins ils sauraient pourquoi. »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.