[Travail de fin d'études présenté en juin 2023, Master en droit public et international, Université libre de Bruxelles]
A plus de 16.000 kilomètres de Paris, le drapeau français flotte encore sur une terre du Pacifique. La Nouvelle-Calédonie, « confetti de l’empire » est française depuis le 24 septembre 1853[1]. Dès la prise de possession, des politiques de peuplement d’envergure sont mises en place. Les Kanak, autochtones de l’archipel, ont méthodiquement été « repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays »[2].
La démographie de l’archipel témoigne de son histoire mouvementée: colonie pénitentiaire à l’origine, puis colonie de peuplement libre, la Nouvelle-Calédonie constitue aujourd’hui une véritable « mosaïque pluriethnique »[3]. Ainsi, la population kanak ne représentait en 2019 plus que 41% de l’ensemble des habitants, le reste de la population se répartissant entre communautés européenne, vietnamienne, wallisienne et futunienne, métisse[4]…
Durant les décennies qui suivent la Seconde guerre mondiale, de nombreux territoires colonisés accèdent à l’indépendance. En Nouvelle-Calédonie, sur le « Caillou », les revendications indépendantistes prennent de la vigueur durant cette période. La tension entre indépendantistes, loyalistes et l’Etat français monte durant les troubles des années 80, période qualifiée de « quasi-guerre civile »[5]. En 1987 a lieu le premier référendum d’autodétermination. Toutefois, le mouvement indépendantiste, opposé à la définition faite du corps électoral, initie un boycott massivement suivi, d’où un résultat de 98% de votants en faveur du maintien dans la République française[6].
Les camps finissent par déposer les armes et concluent en 1988 l’accord de Matignon-Oudinot[7]. Cet accord de paix historique réorganise les institutions néocalédoniennes et prévoit une politique de développement économique et de réequilibrage entre communautés avant la tenue d’un référendum d’autodétermination en 1998[8]. Toutefois, ce référendum est reporté, par la conclusion d’un nouvel accord en 1998, celui de Nouméa. Concrètement, l’accord organise l’avenir institutionnel et prévoit le transfert irréversible de compétences[9]. L’accord prévoit aussi l’organisation possible de trois référendums portant sur l’indépendance de l’archipel[10]. Lors des deux premières consultations, en 2018 et 2020, le « non » à l’indépendance l’a emporté (56% en 2018 et 53% en 2020)[11]. Lors du troisième référendum, le 12 décembre 2021, le « non » à l’indépendance s’est massivement imposé, avec 97% des votes exprimés[12]. Ce résultat contrastant par rapport à ceux des deux précédentes consultations s’explique par le très faible taux de participation en raison d’un boycott lancé par les indépendantistes[13]. Alors que le processus de Nouméa s’est achevé par une « consultation électorale qui n’est à la hauteur ni des enjeux ni de la qualité du projet politique et juridique y ayant conduit », comment envisager l’avenir de l’archipel[14] ?
Certains considèrent que la Nouvelle-Calédonie, après trente ans de décolonisation concertée sous les accords de Matignon et Nouméa, se trouve à nouveau dans une impasse[15]. L’Assemblée générale de l’ONU estime quant à elle que l’archipel se trouve désormais « dans la phase la plus critique de son développement politique » et que la décolonisation doit se poursuivre dans le respect de la Charte et des résolutions pertinentes[16].
La Nouvelle-Calédonie constitue un cas particulier inédit, dans lequel de nombreux droits s’entrecroisent et s’opposent comme nulle part ailleurs. La question de la mise en œuvre du droit à l’autodétermination se pose dans cet archipel de manière aiguë. Qui est titulaire du droit à l’autodétermination : l’ensemble de la population néocalédonienne ou une part seulement de celle-ci[17] ? Mais quelle part : le peuple Kanak seul, avec éventuellement les « victimes de l’histoire »[18], déportés pénitentiaires français et autres condamnés ayant rejoint le Caillou contre leur gré ? Enfin, sur quelle base opérer une distinction dans la population néocalédonienne, sans tomber dans le piège de critères ethniques ou raciaux ? Comme nous le voyons, de nombreuses questions surgissent dès que l’on se penche sur le cas néocalédonien.
Notre travail se concentrera sur un point précis du droit international. Notre constat de départ est que la situation démographique du « Caillou », l’équilibre entre les communautés, constitue un point essentiel pour comprendre la mise en œuvre du droit à l’autodétermination. En effet, depuis les années 1980, les indépendantistes, loyalistes et l’Etat français se déchirent autour de la question de la délimitation du corps électoral. Cette question est centrale tant pour l’Etat que pour les indépendantistes, en ce que « le résultat d’un éventuel référendum d’autodétermination dépendra bien entendu du corps électoral »[19].
Il y a donc un lien entre la composition du corps électoral pour les consultations d’autodétermination et l’issue de celles-ci : le clivage politique (indépendance contre maintien au sein de la France) se superpose au clivage institué par l’histoire des deux principaux peuplements (c’est-à-dire les populations européenne et kanak)[20]. Comme nous l’avons indiqué, la composition actuelle de la population résulte de politiques de peuplement, menées à partir de 1853. La politique de peuplement menée durant les années 1960 et 1970, alors même que le droit à l’autodétermination et la décolonisation se renforcaient, nous intéresse tout particulièrement. Nous décrirons plus en détail ce moment historique dans la première partie de ce travail.
Le droit international ne fournit pas d’indications très précises quant à la délimitation des personnes légitimes à se prononcer sur l’autodétermination d’un territoire. Ce vide juridique peut s’expliquer par l’exceptionnalité de cette question. En effet, dans la plupart des situations de référendums de décolonisation, le problème ne se posait pas réellement : l’entièreté de la population d’un territoire était invitée à se prononcer et la participation éventuelle d’une minorité issue de la métropole ne neutralisait pas d’office les revendications d’indépendance[21]. La question qui nous occupe n’apparaît donc que dans certains cas-limites, comme la Nouvelle-Calédonie et le Sahara occidental, dans lesquels la population « autochtone » se trouve plus ou moins en situation de minorité sur son territoire et par conséquent dans les urnes.
Notre question de recherche vise à évaluer si la politique de peuplement menée à partir de 1960 était conforme au droit international tel qu’en vigueur à l’époque. Dans ce sens, il importera de déterminer si le droit international contenait une interdiction de ce type de comportement. Ce retour dans le passé devrait permettre, selon nous, d’éclaircir le débat contemporain des titulaires légitimes du droit à l’autodétermination. En effet, en supposant qu’une politique de peuplement contraire au droit à l’autodétermination a été menée par le passé, il serait de la responsabilité internationale de la France de réparer ce préjudice, en tenant compte des conséquences actuelles de cette violation. Comme nous le détaillerons plus tard, la réparation de ce préjudice devrait selon nous se traduire par une délimitation plus adéquate des titulaires du droit à l’autodétermination (c’est-à-dire du corps électoral pour les consultations d’autodétermination).
Dans le cadre de ce travail, nous adopterons une position objectiviste, en considérant que le droit international est primordialement structuré par les nécessités et les solidarités sociales de la communauté internationale.
Quant au matériau étudié, nous allons exprimer ci-dessous les limites de notre travail. La période étudiée n’étant pas contemporaine, nous porterons une attention particulière au « principe du droit intertemporel ». En effet, depuis l’affaire arbitrale Île de Palmas (1928) et selon la jurisprudence de la Cour internationale de justice (C.I.J.), le principe du droit intertemporel préconise « [qu’un] acte juridique doit être apprécié à la lumière du droit de l’époque, et non à celle du droit en vigueur au moment où s’élève ou doit être réglé le différend relatif à cet acte »[22]. Toutefois, la rigueur apparente de ce principe n’empêche pas de prendre en compte les règles coutumières ainsi que « les instruments juridiques postérieurs à la période considérée lorsqu’ils confirment ou interprètent des règles ou principes préexistants », comme l’a énoncé la Cour internationale de justice dans l’avis consultatif rendu dans l’affaire de l’archipel des Chagos[23].
Au-delà de cette limite temporelle, nous limiterons notre étude au droit international public et plus particulièrement au droit à l’autodétermination mis en œuvre par l’ONU et interprété par la C.I.J. Par conséquent, nous n’aborderons pas directement la question néocalédonienne par le prisme du droit français interne, ni par le droit des peuples autochtones ou les droits humains, bien que ces approches ne soient pas dénuées d’intérêt.
Dans la première partie de ce travail, nous nous concentrerons sur le comportement étatique en question, que nous décrirons (Partie I). La deuxième partie tentera de démontrer que le droit international contenait une interdiction de ce type de comportement, dès 1960 (Partie II). Enfin, la dernière partie se concentrera sur l’application du droit au cas particulier, en soulignant les conséquences d’une reconnaissance de l’illicéité du comportement en question (Partie III).
Partie I. Le fait étatique en question
« saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire »
La population de la Nouvelle-Calédonie est composée de différentes communautés. Les paragraphes suivants visent à expliquer comment s’est établi l’équilibre démographique actuel. Il semble intéressant de rappeler quelques éléments historiques sur le peuplement de la Nouvelle-Calédonie, de la prise de possession française en 1853 à nos jours, bien que la période qui nous intéresse soit celle après 1960.
La Nouvelle-Calédonie a constitué dès la prise de possession française une colonie de peuplement[24]. De 1887 à 1946, la part de la population néocalédonienne identifiée comme « Européenne » reste relativement stable, aux alentours de 30%[25]. La part de la population Kanak (identifiée comme « Mélanésienne » dans les documents de l’époque) diminue quant à elle, passant de 68% en 1887 à 49,6% en 1946. La part de la population identifiée comme « Autres » passe de 1,9% à 21,7%[26]. L’après-guerre est marqué par de profonds changements démographiques. Cette période est marquée par un regain d’intérêt de la métropole pour ce lointain archipel, manifesté par des déclarations au plus haut niveau de l’Etat.
Dès 1953, le ministère de l’Outre-Mer encourage une politique de peuplement ayant pour but le « développement agricole » et, plus largement, d’affirmer « de manière concrète la ferme volonté de la France de défendre et maintenir sa présence dans cette partie du monde »[27]. Cette politique de développement économique par le recours à l’immigration métropolitaine vise aussi à « réaliser un équilibre démographique permettant de maintenir [la présence française] dans ce Territoire »[28]. Cette politique s’accentue durant les années 1970, période qualifiée de « boom économique du nickel »[29]. En 1972, cette volonté de marginaliser démographiquement la population Kanak est exprimée par le Premier ministre de l’époque, Pierre Messmer. Ce dernier appelle à soutenir l’installation de nouveaux colons qui seront en mesure de contrer les revendications indépendantistes et de pérenniser « la présence française en Calédonie »[30]. Au-delà du réel besoin de main-d’œuvre lié au développement économique, le but avoué est bien de « saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire », en neutralisant définitivement « la revendication nationaliste autochtone » par une « masse démographique majoritaire […] non-originaire du Pacifique »[31]. Le premier ministre préconise la mise en place d’une « immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer ( [île de la] Réunion) »[32]. Pierre Messmer qualifie ce peuplement « [d’] entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’est de Suez »[33].
Les chiffres des recensements par communauté en Nouvelle-Calédonie apportent dans une certaines mesure la preuve de la mise en oeuvre de cette colonisation de peuplement. Entre 1946 et 1983, la population identifiée comme « Européenne » passe de 18 100 à 53 974 individus (soit 37% de la population totale en 1983). En 1983, le groupe « Autres » représente 20% de la population totale. Quant à la population dite « Mélanésienne » (c’est-à-dire les Kanak), bien qu’elle double durant cette période, sa part dans le total de la population baisse de 49.6% en 1946 à 42.5% en 1983.
Cette expression de volonté au plus haut niveau de l’Etat, dont la mise en œuvre peut s’observer dans les recensements, constitue un faisceau d’éléments portant à croire que des mouvements organisés de populations ont eu lieu vers la Nouvelle-Calédonie. Bien entendu, nous ne prétendons pas avoir établi irréfutablement l’existence matérielle du fait décrit ci-dessus. L’établissement irréfutable constituerait une question démographique, statistique, historique et politique complexe qui dépasse le droit et nos compétences. Cela étant dit, l’établissement de ce fait constitue notre hypothèse de travail. Cette hypothèse repose sur trois éléments : l’expression d’une volonté au plus niveau de l’Etat français, dans des documents authentiques, la preuve matérielle par les statistiques, ainsi qu’une doctrine juridique et extra-juridique spécialisée reconnaissant unanimement la réalité de ce fait[34].
Dans les développements qui suivront, les expressions « politique de peuplement » et « colonisation de peuplement » seront employées comme des synonymes. Dans la deuxième partie de ce travail, nous verrons si le droit international en vigueur à l’époque (c’est-à-dire depuis 1960) interdisait l’organisation d’une politique de peuplement dans un territoire non autonome (Partie II).
Partie II. Le droit international applicable
Avant de nous pencher en particulier sur la protection accordée par le droit international à l’unité nationale dans les situations de décolonisation (point B.), il nous semble important de rappeler que cette protection s’inscrit comme une composante d’un droit cardinal : le droit à l’autodétermination (point A).
A. Le développement du droit à l'autodétermination
D’un point de vue juridique, le « fait colonial » commence à être encadré et condamné au sortir de la Seconde guerre mondiale. En 1945, la Charte des Nations unies affirme le « principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes »[35]. L’article 73 de la charte instaure une obligation pour les « puissances administrantes » d’amener les populations des territoires non autonomes à « s’administrer elles-mêmes », à développer progressivement leurs propres institutions et à transmettre à l’Assemblée générale des renseignements sur les progrès accomplis[36]. Ce même article énonce aussi le « principe de primauté des intérêts » des habitants des territoires non autonomes en opposition à ceux de la puissance coloniale[37]. Les objectifs généraux de l’article 73 prennent de la vigueur par l’intermédiaire de plusieurs résolutions de l’Assemblée générale.
La résolution du 14 décembre 1946 crée la « liste des territoires non autonomes », dont les populations peuvent légitimement invoquer le droit à l’autodétermination et dont les puissances administrantes doivent communiquer avec l’Assemblée générale les renseignements évoqués ci-avant[38]. Cependant, la détermination des territoires non autonomes revenait aux Etats membres eux-mêmes, selon le principe de souveraineté des Etats en droit international public[39]. Cette latitude laissée aux Etats pour définir quels territoires étaient colonisés ou non laisse rapidement apparaître des failles : par des tours de passe-passe juridique, les puissances coloniales changeaient le statut institutionnel de leurs colonies pour les sortir du champ d’application du droit de la décolonisation et de la surveillance de l’ONU[40]. Cette mainmise des puissance coloniales sur la définition des territoires colonisés apparaît comme une entrave à l’effectivité du droit à l’autodétermination.
Dès lors, trois autres résolutions de l’Assemblée générale, adoptées dans le courant des années 1960, renforcent le droit de la décolonisation et atténuent le pouvoir d’appréciation des puissances coloniales. Bien que formellement juridiquement non contraignantes, les résolutions de l’Assemblée générale reflètent tout de même l’opinion de la majorité des Etats et préfigurent donc des règles coutumières en voie de formation, en plus de constituer un important moyen de pression sur les Etats visés[41].
Premièrement, la résolution 1514 du 14 décembre 1960, couramment désignée comme la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés », qualifie la colonisation de contraire à la Charte et intime les puissances coloniales à prendre des « mesures immédiates […] pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires », sans que la puissance administrante ne puisse invoquer « le manque de préparation pour retarder l’autodétermination[42]. Cette résolution est considérée comme une clarification et un « prolongement des dispositions de la Charte »[43].
Deuxièmement, la résolution 1541 du 15 décembre 1960 apporte une définition « objective » du territoire non autonome : il s’agit d’un territoire « géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre »[44]. Le principe VI de la résolution décrit également les trois choix que peuvent prendre les populations des territoires non autonomes : devenir un Etat indépendant et souverain, s’associer librement à un Etat indépendant ou s’intégrer à un Etat indépendant[45].
Troisièmement, la résolution 1654 du 27 novembre 1961 crée le « Comité de décolonisation », chargé de lister les territoires non autonomes, d’en évaluer la situation et l’évolution et de transmettre des rapports à l’Assemblée générale[46].
Qu’en est-il de la valeur normative du droit à l’autodétermination ? La Cour internationale de Justice a été amenée à se pencher sur le caractère coutumier du droit à l’autodétermination dans la récente affaire de l’archipel des Chagos. Sur base d’une analyse méticuleuse de la pratique générale et de l’opinio juris des Etats membres, la Cour a cherché à définir si et quand le droit à l’autodétermination s’était « cristallisé » en tant que « pratique générale acceptée comme étant le droit »[47]. Dans le raisonnement de la Cour, l’adoption de la résolution 1514 du 14 décembre 1960 constitue un « moment décisif » dans la cristallisation en tant que coutume du droit à l’autodétermination[48]. La Cour établit en effet un lien entre l’adoption de cette résolution en 1960 et le large mouvement de décolonisation au cours de la même décennie[49]. La Cour poursuit son raisonnement en détaillant la nature juridique des résolutions de l’Assemblée générale. La Cour rappelle le caractère formel de « recommandation » des résolutions[50]. Toutefois, en faisant référence à sa propre jurisprudence, la Cour insiste sur la valeur normative de certaines résolutions, en ce qu’elles permettent d’établir l’existence d’une coutume[51]. La valeur normative dépend du contenu (libellé des obligations ou interdictions), des conditions d’adoption (abstention, opposition d’Etats membres) ainsi que de l’existence d’une opinio juris quant à ce caractère normatif[52]. En l’occurrence, la Cour note que la résolution 1514 a été adoptée par une large majorité (89 votes) et n’a fait l’objet d’aucune opposition, malgré 9 abstentions[53]. La Cour poursuit en affirmant le caractère normatif du libellé des dispositions de la résolution, notamment celle-ci: « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies »[54]… En se fondant sur ces éléments (pratique et opinio juris des Etats ainsi que conditions spécifiques d’adoption de la résolution 1514), la Cour confirme le caractère coutumier, remontant à 1960, du droit à l’autodétermination[55].
La Cour semble avoir été convaincue en grande partie par l’argumentaire de l’Union africaine (UA), qui avançait que la résolution « reflétait l’état du droit international au moment de son adoption »[56]. L’UA démontre le caractère coutumier de la résolution et du droit à l’autodétermination, en présentant dans un premier temps les instruments législatifs antérieurs à 1960 (§77-93), avant de s’attarder sur la pratique et l’opinio juris des Etats (§94-106), les décisions juridictionnelles (§107-112), et le consensus académique (§116-128). D’autres Etats ont transmis à la Cour des exposés écrits qui valident cette vision[57]. Dans le cadre de cette affaire, certains Etats ont limité leurs interventions à des considérations techniques ou procédurales, sans aborder directement la valeur juridique (et les varations temporelles de cette valeur) du droit à l’autodétermination[58].
En cause dans l’affaire, le Royaume-Uni s’oppose à l’argumentaire présenté ci-dessus, en contestant, sur le fond, le caractère coutumier de l’autodétermination au moment des faits (1965-1968)[59]. Le Royaume-Uni nie particulièrement la valeur normative, au moment des faits, de la résolution 1514[60]. Toutefois, le Royaume-Uni admet le caractère coutumier du droit à l’autodétermination, en posant une limite temporelle ; ce caractère vaut « après les années 1960 »[61]. Egalement liés à cette affaire, les Etats-Unis ont avancé des arguments similaires, contestant la valeur coutumière du droit à l’autodétermination, au moment des faits[62]. L’argument étasunien comporte aussi une réserve temporelle : Washington reconnaît que le droit à l’autodétermination a obtenu le caractère d’obligation coutumière en droit international, à mesure que les différences d’interprétation s’estompaient (opinio juris) et que les pratiques des Etats s’uniformisaient, soit « à la fin des années 60, au moins »[63].
Comme nous le voyons, la communauté internationale s’accorde sur un point : le droit à l’autodétermination, fondé notamment sur la résolution 1514, constitue un principe fondamental en droit international. Le dissensus porte sur la valeur normative de ce droit au fil du temps; certains Etats et la C.I.J. soutiennent que le droit à l’autodétermination a valeur coutumière depuis 1960, tandis que d’autres ne lui reconnaissent cette valeur qu’à la fin des années 1960. Nous garderons donc à l’esprit, dans la suite de notre travail, que la valeur coutumière dès 1960 du droit à l’autodétermination n’est pas universellement reconnue par la communauté internationale, bien que la C.I.J. ait validé cette argument, mais que la valeur coutumière est indiscutable à partir des années 1970.
Nous venons de passer en revue le contenu et la valeur normative du droit à l’autodétermination. Un point particulier de ce droit nous intéresse précisément : la protection de l’unité nationale.
B. La protection de l'unité nationale
L’interprétation qui suit est basée sur les principes et la structure de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969[64]. Cette Convention de 1969 mentionnant explicitement sa non-rétroactivité, elle ne peut s’appliquer formellement à la résolution 1514, de 1960. Toutefois, nous estimons que les principes énoncés dans cette Convention permettent d’éclairer et d’appuyer notre interprétation de la résolution. La résolution 1514 constitue la manifestation d’après la C.I.J. du caractère coutumier du droit à l’autodétermination. Les développements qui suivent visent à démontrer que cette même résolution et la coutume qui en découle protègent « l’unité nationale » des territoires non autonomes. Le paragraphe 6 de cette résolution nous intéresse tout particulièrement. Ce paragraphe énonce ce qui suit :
« Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies (nous soulignons) »
Si à l’origine ce paragraphe a été interprété dans le sens de la protection de l’unité nationale du peuple/territoire d’un état central face à la sécession d’une province, ou comme argument en faveur de la réintégration d’une province à un état central[65], nous soutenons qu’une autre interprétation est possible, en faveur du territoire/peuple colonisé, comme la C.I.J. l’a défendu dans l’avis consultatif sur les Chagos.
Nous commencerons par analyser le texte et le contexte de la résolution (point 1), pour ensuite nous pencher sur la pratique (point 2), avant d’aborder les objectifs de cette résolution (point 3).
1. Le texte et le contexte de la résolution 1514
L’article 31 de la Convention de Vienne recommande d’analyser en premier lieu le texte et le « contexte » (dans notre cas le préambule) de la disposition interprétée. L’expression « unité nationale » n’est pas définie de manière particulière dans la résolution. Dès lors, il faut s’en remettre au « sens ordinaire » de cette expression[66]. Cette expression renvoie au concept de « nation », soit « [l’] ensemble des êtres humains vivant dans un même territoire, ayant une communauté d'origine, d'histoire, de culture, de traditions, parfois de langue, et constituant une communauté politique »[67]. Autrement dit, alors que « l’intégrité territoriale » désigne le territoire lui-même, l’expression « unité nationale » renvoie aux habitants du territoire, rassemblés en une communauté ou en un peuple. Le paragraphe de la résolution condamne sans équivoque toute atteinte, même partielle, à l’unité nationale d’un pays. En ce sens, il nous semble raisonnable d’estimer que cette disposition interdit à un Etat d’organiser une colonisation de peuplement dans un territoire non autonome sous sa responsabilité. En effet, une telle politique porte indubitablement atteinte à l’unité nationale d’un territoire non autonome, et viole donc la Charte et le droit à l’autodétermination.
Le préambule de la résolution apporte des éléments intéressants pour comprendre le sens de la disposition. En effet, celui-ci présente la colonisation et les obstacles à la liberté des peuples coloniaux comme une « grave menace à la paix mondiale ». Le préambule appelle à mettre fin à toutes les formes de colonialisme et « à toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination » liées, afin d’assurer le droit inaliénable de tous les peuples « à la pleine liberté, à l'exercice de leur souveraineté et à l'intégrité de leur territoire national ». Le préambule établit donc un lien entre la poursuite du colonialisme, sous toutes manifestations, et l’affaiblissement de la paix et de la stabilité mondiale. Selon nous, la mise en place d’une politique de peuplement dans un territoire non autonome constitue une négation « du droit inaliénable de tous les peuples à la pleine liberté, à l'exercice de leur souveraineté et à l'intégrité de leur territoire national ». Une telle colonisation fait en effet obstacle à la liberté des peuples coloniaux et menace la paix et la stabilité mondiale.
L’analyse du texte de la résolution constituait la première étape de notre interprétation. La deuxième étape consistera à se pencher sur la manière dont le texte a été utilisé et appliqué, afin de voir si notre interprétation se confirme.
2. Dans la pratique
Nous allons maintenant voir comment les principes de ce texte ont pu être appliqués et mobilisés. Vu le caractère coutumier de l’autodétermination, notre analyse ne se limitera évidemment pas à la résolution mais prendra en compte l’application du principe de l’autodétermination en général. Nous tenterons de voir si l’interprétation mise en avant dans les paragraphes précédents a déjà été défendue ou reconnue. Dans un premier temps, nous présenterons les plans d’action des décennies de l’élimination du colonialisme (i)), avant d’analyser deux précédents, le conflit israélo-palestinien (ii)) et le Sahara occidental (iii)).
i) Les plans d’action des décennies de l’élimination du colonialisme
La mise en œuvre des objectifs énoncés dans la résolution 1514 a poussé l’Assemblée générale a créer, en 1962, un comité spécial chargé de suivre son application et de formuler des recommandations/interprétations[68]. En 1988, le Comité a proposé à l’Assemblée générale la mise en place d’une « Décennie internationale de l’élimination du colonialisme » (1990-2000). Dans sa résolution 43/47, du 22 novembre 1988, l’Assemblée a demandé au Secrétaire général de lui présenter un rapport « permettant l’adoption d’un plan d’action visant à libérer le monde du colonialisme pour le début du XXIe siècle »[69]. Depuis, les décennies s’enchaînent mais les objectifs demeurent les mêmes : en 2020, l’Assemblée a adopté la résolution 75/123 qui proclame la quatrième décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2021-2030)[70]. Dès le premier rapport du Secrétaire général, lors de la première décennie internationale, une recommandation « à titre prioritaire » identifie un lien entre l’exercice du droit à l’autodétermination et les modifications démographiques d’un territoire non autonome. Le point 11 du rapport indique que les « puissances administrantes devraient veiller à ce que l’exercice du droit à l’autodétermination ne soit pas affecté par des modifications de la composition démographique des territoires qu’elles administrent dues à l’immigration ou à des déplacements affectant la population des territoires »[71]. Cette recommandation ne constitue pas une « nouvelle » obligation, crée par le Secrétaire général. Il s’agit d’une mesure concrète d’application de la résolution 1514. Ce plan d’action et les mesures prévues par celui-ci ont par ailleurs été validées par l’Assemblée, dans la résolution 46/181 du 19 décembre 1991[72]. A l’issue de cette première décennie, l’Assemblée a appelé la communauté internationale à « redoubler d’efforts pour appliquer le plan d’action » présenté par le Secrétaire général[73].
La même recommandation, validée à chaque fois par l’Assemblée, est présente dans les rapports du Secrétaire général publiés au cours des deuxième, troisième et quatrième décennies de l’élimination du colonialisme (2001-2010, 2011-2020 et 2021-2030)[74]. Le principe d’un lien entre le droit à l’autodétermination et l’interdiction d’une politique de peuplement a donc été validé à quatre reprises par l’Assemblée. Cette reconnaissance est bien entendu limitée par le statut de « recommandation » des résolutions et par le libellé assez permissif (« les puissances administrantes devraient veiller » (nous soulignons)). Toutefois, comme déjà dit, les résolutions liées aux plans d’action sont des mises en application de la résolution 1514, qui ne font donc que préciser le sens d’obligations déjà existantes. Il faut dès lors apprécier la valeur et le sens juridique de ces résolutions d’application en lien avec la résolution 1514, qui a elle un caractère coutumier[75]. Il semble par conséquent raisonnable de dire que l’Assemblée générale, par l’adoption des résolutions liées aux plans d’action, a précisé le contenu du droit à l’autodétermination coutumier, en reconnaissant un lien entre la mise en œuvre de ce droit et l’interdiction de politique de peuplement par la puissance administrante. Nous allons maintenant voir comment la C.I.J. a reconnu partiellement ce lien, dans l’affaire du « Mur ».
ii) Le précédent israélo-palestinien
Dans le cas israélo-palestinien, la colonisation de peuplement est généralement condamnée sur base du droit international humanitaire, et non pas en lien avec le droit à l’autodétermination. L’article 49 de la 4e Convention de Genève interdit en effet à toute puissance occupante de procéder à « la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé ». L’approche du droit humanitaire de la colonisation de peuplement analyse ce phénomène comme un crime de guerre, commis dans un conflit armé international. Notre approche est différente puisqu’elle vise à prouver que le droit à l’autodétermination interdit, lui-même, indépendamment de la question humanitaire, la colonisation de peuplement. La C.I.J. s’est prononcée sur les conséquences de la colonisation de peuplement israélienne sur le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Dans l’affaire dite du « Mur », la C.I.J. établit un lien entre la colonisation de peuplement et le droit à l’autodétermination. En effet, la Cour a estimé que la construction par Israël d’un mur dans le territoire palestinien occupé, permettant notamment l’incorporation de colonies israéliennes, constituerait « un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination »[76]. La Cour estime que l’édification du mur créerait une situation de « fait accompli » équivalent à une « annexion de facto », soit une atteinte à l’intégrité territoriale palestinienne, protégée par le droit à l’autodétermination coutumier[77]. La Cour considère également que le mur risquerait d’occasionner des « modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé » (par l’incorporation de colonies israéliennes de peuplement et par le départ de populations palestiniennes de certaines zones). Si la condamnation de l’annexion en tant que telle est la plus évidente, la Cour insiste aussi sur le risque de modification démographique des territoires, apportant ainsi une certaine reconnaissance au droit à l’unité nationale dérivant du droit à l’autodétermination. Sur base de ces deux points (annexion de facto et risque de modification démographique), la C.I.J. estime que la construction du mur en question ferait obstacle au droit à l’autodétermination du peuple palestinien[78]. Par conséquent, il semble que la Cour admette que le droit à l’autodétermination lui-même, indépendamment du droit humanitaire, prohibe la colonisation de peuplement, dans la mesure où celle-ci engendre des modifications dans les équilibres démographiques d’un territoire non autonome. Dans son exposé écrit concernant l’affaire du Mur, la Ligue des Etats arabes souligne l’importance de trois ensembles de règles et de normes pour condamner la construction du mur : le droit humanitaire, les droits humains et le droit international général, « dont le principe le plus important est le droit à l’autodétermination »[79].
Certains éléments et développements récents poussent à croire qu’une évolution jurisprudentielle serait possible. En effet, la C.I.J. a été une nouvelle fois questionnée sur le conflit israélo-palestinien. La Cour internationale de Justice devrait se prononcer dans les mois à venir sur le lien entre la colonisation de peuplement et le droit à l’autodétermination, dans le cas israélo-palestinien[80]. La question posée par l’Assemblée générale à la juridiction internationale mentionne en particulier l’impact sur le droit à l’autodétermination des « mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem […] »[81]. Il est possible que la Cour s’inspire du rapport sur la « Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », rédigé par la rapportrice spéciale Francesca Albanese, en septembre 2022. La rapportrice indique dans un premier temps que le colonialisme de peuplement a pour objectif d’effacer « le caractère indigène de la terre colonisée », en assurant le contrôle permanent de la population « étrangère »[82]. F. Albanese estime que le colonialisme de peupement viole de manière inhérente le droit à l’autodétermination. La rapportrice poursuit en indiquant que « l’altération […] de la composition démographique du territoire occupé », « l’installation forcée de colons, de zones de peuplement et d’infrastructures de colonisation » entravent l’exercice du droit à l’autodétermination dont le peuple palestinien est titulaire[83]. F. Albanese rappelle ensuite que l’action israélienne en Palestine peut être condamnée sur base du droit à l’autodétermination, au-delà de la question de l’occupation « belliqueuse ». La rapportrice indique en effet que l’occupation israélienne relève du « colonialisme de peuplement » et que cette pratique viole « chaque aspect » du droit à l’autodétermination[84]. La rapportrice avance donc l’argument que nous partageons, selon lequel la colonisation de peuplement, décrite comme une modification démographique, peut porter atteinte au droit à l’autodétermination d’un peuple, indépendamment de la question du droit humanitaire. Dans ses conclusions, le rapport insiste ultimement sur le caractère inaliénable du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. La rapportrice appelle la communauté internationale à « reconnaître la véritable nature de l’occupation israélienne », c’est-à-dire d’une colonisation de peuplement[85]. F. Albanese recommande à tous les états de condamner les « violations intentionnelles par Israël du droit […] à l’autodétermination, y compris par des pratiques de colonisation de peuplement »[86].
Comme on le voit, la rapportrice Albanese tisse un lien très clair entre la colonisation de peuplement et le droit à l’autodétermination, reconnaissant par là qu’une modification démographique intentionnelle peut porter atteinte au droit à l’autodétermination. Le rapport en question concerne bien entendu la situation israélo-palestiennne, dans laquelle le droit humanitaire joue aussi. Toutefois, les arguments de la rapportrice mettent en avant l’importance du droit à l’autodétermination en tant que tel pour condamner la colonisation de peuplement. La portée générale de l’argumentation de F. Albanese semble conforter notre interprétation. Il est toutefois indispensable de garder à l’esprit la limite temporelle exposée en introduction : les arguments développés ci-dessus ne peuvent s’appliquer de manière anachronique. De manière générale, ce précédent montre selon nous que la C.I.J. a reconnu un lien entre le droit à l’autodétermination et l’interdiction de la colonisation de peuplement. Quant aux arguments de F. Albanese, leur valeur juridique dépendra de l’avis futur de la C.I.J. et de leur qualification : constituent-ils un simple éclarcissement d’une obligation existante ou créent-ils une nouvelle norme ?
Nous allons maintenant nous pencher sur un autre précédent : celui du Sahara occidental.
iii) Un précédent au Sahara occidental ?
Le Sahara occidental, administré en partie par le Maroc depuis le retrait espagnol, est le dernier territoire non autonome du continent africain[87]. Les Nations unies rappellent annuellement le caractère inaliénable du droit à l’autodétermination dont jouit le peuple sahraoui, en maintenant des missions internationales sur le terrain (M.I.N.U.R.S.O[88]) appelant à l’organisation d’un référendum[89]. La C.I.J., dans son célèbre arrêt Sahara occidental, a balayé les revendications de souveraineté marocaine et mauritanienne sur le territoire, en rappelant l’importance d’une consultation d’autodétermination permettant « l'expression libre et authentique de la volonté des peuples intéressés »[90].
La situation démographique et historique du Sahara occidental est assez intéressante et présente de nombreuses similitudes avec celle de la Nouvelle-Calédonie évoquée plus haut. En effet, ces deux territoires sont (ou ont été) soumis à des politiques de peuplement, dont les objectifs sont similaires : « territorialiser la colonisation »[91], en favorisant l’implantation d’une population allochtone, pour s’assurer d’un contrôle effectif du territoire et pour contribuer à la marginalisation démographique du peuple autochtone. Cette politique est d’ailleurs dénoncée sans relâche par les représentants sahraouis, issus du Front POLISARIO notamment, auprès du Comité spécial de la décolonisation[92]. Bien que le Maroc, puissance occupante, ait accepté en 1981 le « principe » d’un référendum d’autodétermination, celui-ci n’a jamais eu lieu[93]. Lors des négociations suivant le cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le Front POLISARIO, le projet de référendum a buté sur l’épineuse question de la composition du corps électoral[94]. Comme dans le cas néo-calédonien, la délimitation du corps électoral était d’une importance capitale pour les deux parties, le Front POLISARIO souhaitant le restreindre à la population « authentiquement sahraouie », tandis que le Maroc plaidait stratégiquement pour un corps plus ouvert, incluant sa colonie de peuplement[95]. Ces débats se sont enlisés, et le conflit s’est éloigné du champ juridique pour retourner au champ de bataille.
Comme nous le voyons, la situation du Sahara occidental rappelle celle du « Caillou », à des milliers de kilomètres de distance. Toutefois, ce précédent ne semble pas particulièrement instructif, d’un point de vue normatif. En effet, bien que la plupart des organisations internationales et des Etats maintiennent avec constance un discours juridique appelant au respect du droit à l’autodétermination, des droits humains, du droit humanitaire et à l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, il n’y a pas, à notre connaissance, de condamnation claire de l’impact de la colonisation de peuplement sur le droit à l’autodétermination[96]. De même, les débats sur la composition du corps électoral, c’est-à-dire sur la délimitation des titulaires légitimes du droit à l’autodétermination, se sont concentrés sur des considérations assez techniques et ne constituent dès lors pas un précédent de grand intérêt pour notre travail[97].
Nous avons brièvement analysé la pratique et l’opinion d’institutions et de juridictions quant au lien entre politique de peuplement et autodétermination, en général et dans certains cas particuliers. Comme nous le voyons, les résolutions des décennies de l’élimination semblent conforter notre interprétation, d’autant plus qu’elles constituent un éclaircissement de la résolution 1514 (1960), et non pas un instrument nouveau comportant de nouvelles obligations. Enfin, l’analyse du conflit israélo-palestinien apporte des éléments intéressants, mais le précédent sahraoui semble peu instructif pour répondre à notre question.
Dans la partie suivante, selon notre vision objectiviste, nous tenterons de démontrer que la protection de l’unité nationale d’un territoire non autonome est conforme à « l’objet et au but » de la résolution 1514 et du droit à l’autodétermination en général.
3. L'objet et le but de la résolution
L’article 31, §1 de la Convention de Vienne indique qu’un texte doit être interprété « à la lumière de son objet et son but ». La protection de l’unité nationale des territoires non autonomes peut selon nous se justifier au regard des objectifs et des « buts » (ou principes généraux) du droit à l’autodétermination. Ces objectifs sont rappelés dans le préambule de la résolution 1514 évoqué ci-dessus : assurer la paix et la stabilité internationale[98]. Dans ce sens, la résolution indique clairement que « le colonialisme, sous toutes ses formes et manifestations » menace la paix mondiale. La résolution énonce ensuite des principes organisant la mise en œuvre du droit à la libre détermination.
D’un point de vue objectiviste, le droit à l’autodétermination doit être vu comme une nécéssité permettant la restauration de la cohésion et la paix de la communauté internationale, en la libérant du colonialisme. La communauté internationale est formée d'Etats, garants d’une paix stable, principaux sujets et objets du droit international. Le droit à l’autodétermination est instrinsèquement lié à la notion d’Etat. En effet, le droit à l’autodétermination organise la manière dont un peuple, installé sur un territoire défini, peut exercer sa souveraineté afin de déterminer librement son organisation, en devenant ou en rejoignant un Etat[99]. En ce sens, nous voyons les territoire non autonomes comme des « Etats en germe », des structures étatiques non encore abouties. Dès lors, il est possible de considérér le droit à l’autodétermination comme une protection de ce statut d’Etat en devenir. Conformément à l’objectif international de paix durable, le droit à l’autodétermination protège donc les composantes des « Etats en germe » : leur territoire, leur population, leur souveraineté et leur gouvernement[100]. Cette protection et cette référence aux composantes d’un Etat est explicitement mentionnée dans la résolution 1514 : « tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l'exercice de leur souveraineté et à l'intégrité de leur territoire national (nous soulignons) ». La protection accordée aux Etats en germe que sont les territoires non autonomes se justifie donc pas l’objectif de restaurer la paix et la stabilité internationale, en encadrant la fin du colonialisme.
La protection accordée par le droit international aux territoires non autonomes stricto sensu est la plus évidente. La Cour internationale de Justice a consacré récemment cette protection, en tant que corollaire du droit à l’autodétermination coutumier, dans l’affaire des Chagos[101]. Sur le plan des principes, les frontières d’un territoire non autonome sont consacrées par l’uti possidetis[102]. Le droit international protège aussi selon nous la « souveraineté en devenir » d’un territoire non autonome, notamment par l’article 73 de la Charte des Nations unies[103].
La population d’un territoire non autonome est collectivement protégée, en tant qu’unité nationale d’un Etat en devenir. Cette protection s’insère logiquement dans le droit existant et est conforme aux objectifs généraux du droit international (paix et stabilité internationale). La puissance administrante doit donc protéger collectivement l’unité nationale d’un territoire non autonome. L’organisation d’une colonisation de peuplement porte indiscutablement atteinte à l’unité nationale d’un territoire non autonome et doit par conséquent être considérée comme illicite. La valeur juridique de la protection de la population d’un territoire non autonome doit selon nous être calquée sur celle accordée par la C.I.J. au « territoire » lui-même dans l’affaire des Chagos. La C.I.J. a consacré l’interdiction de « démembrer un territoire non autonome » sur base du droit à l’autodétermination. La Cour a en effet considéré que le droit à l’autodétermination avait une valeur coutumière dès l’adoption de la résolution 1514 et elle a énoncé que cette coutume comportait un corollaire : l’interdiction de démembrer un territoire non autonome. La C.I.J. rattache ce corollaire au paragraphe 6 de la résolution. Selon nous, il est logique de reconnaître une protection identique à la « population de l’Etat en devenir », sur base du même raisonnement. Selon notre interprétation, « l’unité nationale » d’un territoire non autonome est donc protégée contre « toute tentative visant à [la] détruire partiellement ou totalement ». Cette protection doit être considérée comme un corollaire au droit à l’autodétermination, ayant donc valeur coutumière depuis l’adoption de la résolution 1514, soit depuis 1960[104].
Partie III. L’application du droit au cas particulier
« Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale […] »[105]
Nous avons évoqué en introduction l’actualité de la question démographique et des limites du peuple légitime à se prononcer sur l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie.
Dans la première partie de ce travail, nous avons mis en lumière le lien entre la composition actuelle de la population et l’organisation d’une politique de peuplement au plus haut niveau de l’Etat français. Nous avons rappelé la complexité de l’établissement de ce fait et son caractère hypothétique dans notre travail. Dans la deuxième partie, nous avons cherché à établir que le droit à l’autodétermination comportait dès 1960 une interdiction de recourir à des politiques de peuplement dans les territoires non autonomes. Nous avons montré comment des éléments de législation et de jurisprudence internationale confortaient en partie cette interprétation. Nous avons aussi démontré comment cette interdiction se justifiait logiquement selon les objectifs internationaux de paix et de stabilité.
Enfin, cette troisième et dernière partie vise à souligner les conséquences de l’application du droit (partie II) au fait (partie I). Comme nous l’avions annoncé en introduction, remonter dans le passé pour établir le caractère illicite d’une politique étatique n’a que peu d’intérêt au sens juridique si l’illicéité démontrée n’a aucun impact sur le présent. Nous expliquerons donc les conclusions que ce retour dans le passé permet de tirer au présent.
A. La responsabilité internationale de l'Etat
Dans le « projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite »[106], la Commission du droit international trace les grandes lignes du régime de responsabilité internationale. Les principes de ce document reflètent l’état du droit coutumier sur le sujet. L’article 1er énonce que « tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité internationale ». L’article 2 définit le « fait internationalement illicite » comme toute action ou ommission « attribuable à l’Etat en vertu du droit international » constituant une « violation d’une obligation internationale de l’Etat ». L’article 15 définit quant à lui la « violation constituée par un fait composite », en souligant qu’elle se caractérise par une « série d’actions ou d’omissions, définie dans son ensemble comme illicite ». Selon la Commission du droit international, la violation de l’obligation internationale « s’étend sur toute la période débutant avec la première des actions ou omissions de la série et dure aussi longtemps que ces actions ou omissions se répètent et restent non conformes » à l’obligation internationale en question. Les articles 30 et 31 édictent les obligations de mettre fin au fait illicite et de « réparer intégralement le préjudice causé ». Cette réparation peut prendre la forme d’une « satisfaction » selon l’article 37, soit la « reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des excuses formelles ou tout autre modalité appropriée ».
Selon nous, le comportement décrit dans la première partie de ce travail contrevient à l’obligation internationale établie dans la deuxième partie du travail, et engage par conséquent la responsabilité de l’Etat français. Le fait que la volonté de mettre en place la politique de peuplement illicite ait été exprimée au plus haut niveau des autorités publiques permet d’attribuer cette violation à l’Etat français[107]. La politique française de peuplement de la Nouvelle-Calédonie qui s’est déroulée après 1960 doit a minima selon nous être qualifiée de « violation constituée par un fait composite », caractérisée par une série d’actions et d’omissions. Une première conclusion consiste donc à dire que la politique française de peuplement était contraire au droit international en vigueur à l’époque et qu’elle engage dès lors la responsabilité de la France.
Cependant, nous pensons qu’il est possible de caractériser autrement cette violation, en s’inspirant du raisonnement de la C.I.J. dans l’affaire des Chagos. Nous pensons que la politique de peuplement peut être qualifiée de « fait illicite à caractère continu ». La qualification de « fait composite » ne prend en compte qu’une temporalité (celle de la commission du fait). D’une autre manière, la qualification de « fait illicite à caractère continu » permet de prendre en compte deux temporalités : le moment de commission du fait et ses effets dans la durée[108]. Selon cette qualification, la responsabilité étatique est engagée « sur toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale »[109]. Dès lors, c’est au regard du droit actuel qu’il faut examiner les effets d’un fait illicite continu[110]. En l’occurrence, nous avons démontré que la politique française de peuplement de la Nouvelle-Calédonie constituait une violation au moment de sa commission, soit durant les années 1960 à 1980. Au-delà de ce point, certains effets de ce peuplement perdurent jusqu’à nos jours. En effet, nous avons écrit en introduction que les clivages politiques et communautaires étaient intrinsèquement liés (pour le dire simplement, les Kanak étant majoritairement pour l’indépendance tandis que les Européens y sont opposés). Par l’incorporation de la « colonie de peuplement » au corps électoral pour les consultations d’autodétermination, la France profite d’une situation démographique qu’elle a en partie façonnée à son avantage, en violation continue du droit international[111]. Cette définition du corps électoral verrouille l’accès à l’indépendance par les urnes (qui constitue une des expressions du droit à l’autodétermination). Cette violation continue doit être appréciée au regard du droit actuel.
Quelle que soit la qualification donnée au comportement français illicite (fait composite ou fait continu), il est indispensable selon nous que la France et les institutions internationales, en particulier l’ONU, prennent en compte le caractère illicite de la politique de peuplement menée à partir de 1960, pour définir, aujourd’hui, les limites de la population légitime à se prononcer sur l’autodétermination (c’est-à-dire le corps électoral). Suivant la qualification retenue, cette prise en compte s’interprétera comme une réparation intégrale du préjudice causé (fait illicite composite) ou comme l’arrêt d’une violation continue (fait illicite continu)[112].
La France n’a pas reconnu l’illicéité de sa politique de peuplement mais certaines mesures peuvent être interprétées comme des réparations partielles (si l’on considère que la politique de peuplement était un fait illicite composite) ou comme l’atténuation des effets de la violation continue.
B. Certaines mesures vont dans le sens de la réparation/atténuation de la violation
Les autorités ont toutefois progressivement accepté de prendre en compte certaines conséquences des politiques de peuplement, celles antérieures à 1960 (qui ne concernent pas notre travail) et celles postérieures à cette année (c’est sur ce point que se limite l’illicéité démontrée par notre travail)[113]. Cette prise en compte s’observe dans les restrictions au corps électoral pour les référendums.
En effet, depuis la réunion tripartite de Nainville-les-Roches (1983), l’Etat français a accepté la légitimité et le principe de la restriction du corps électoral pour les consultations, en reconnaissant aussi la « légitimité du peuple kanak, [titulaire d’] un droit inné et actif à l’indépendance » [114]. L’Etat a donc accepté de tempérer le principe démocratique formel « un individu = une voix », principe qui verrouillait complètement l’accès à l’indépendance par les urnes[115]. En ce sens, l’accord de Matignon, conclu en 1988, développe un mécanisme intéressant qui a perduré jusqu’au dernier référendum sur l’autodétermination, le 12 décembre 2021 : le corps électoral « figé ». Ainsi, le corps électoral « pour la consultation » se limite aux citoyens français domiciliés en Nouvelle-Calédonie à la date du 6 novembre 1988[116]. L’accord de Nouméa poursuit la logique de concertation qui dirigeait l’accord de Matignon et prévoit la possibilité de trois référendums. Concernant le corps électoral de ces trois référendums, l’accord contient une liste de huit critères excluant une part de la population de Nouvelle-Calédonie[117].
Comme on le voit, la France a corrigé de certaines manières, toujours partiellement, l’effet de la colonisation de peuplement sur le jeu électoral. Cependant, les définitions proposées ont toujours été précaires et les indépendantistes ont fréquemment employé l’arme du boycott, marque d’un défaut de consentement, pour dénoncer l’illégitimité des référendums et leur décasaccord quant aux modalités de ceux-ci.
Conclusion
De Nouméa à New York et Strasbourg…
Le droit ne fournit pas selon nous une réponse univoque au problème des titulaires légitimes du droit à l’autodétermination. Tout au plus peut-on identifier quelques balises, à partir desquelles une solution issue de la négociation et de la confrontation des points de vue pourra émerger. Selon nous, la reconnaissance du caractère illicite de la politique de peuplement devrait constituer un point de départ de ces négociations.
Ce dernier paragraphe de conclusion vise à donner un aperçu des débats par rapport au critère de distinction employé pour « distinguer » les populations légitimement titulaires du droit à l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Comme nous l’avons souligné tout au long de ce travail, le nœud du problème sur le « Caillou » est bien la « territorialisation de la colonisation » par le recours à des politiques de peuplement, qui amène la question des titulaires légitimes du droit à l’autodétermination : faut-il reconnaître ce droit à l’ensemble de la population d’un territoire non autonome ou un peuple spécifique au sein de cette population[118] ? L’enjeu est ensuite de définir le critère sur base duquel le corps électoral peut (ou doit si l’on reconnaît l’illicéité de la politique de peuplement) être restreint : cette question constitue une intersection assez inédite entre le droit à l’autodétermination, l’interdiction de la discrimination, les droits politiques et civils…
La Cour européenne des droits de l’Homme et le Comité des droits de l’Homme ont eu l’occasion de se prononcer sur cette question dans les affaires Bruno Py c. France (Cour E.D.H.) et Pichot et Gillot c. France (Com. D. H.). Les requérants, résidents français en Nouvelle-Calédonie, considéraient leur exclusion du corps électoral pour la consultation comme une discrimination dans l’accès au droit de vote (garanti par l’article 25 du P.I.D.C.P. et l’article 14, combiné à l’article 3 du protocole n°1 de la Conv. E.D.H.).
Il est intéressant de noter que le gouvernement français devait défendre la restriction apportée au corps électoral devant la Cour strasbourgeoise et qu’il a justifié celle-ci par l’importance de « garantir que les consultations traduiront la volonté des populations ‘intéressées’ et que leur résultat ne sera pas altéré par un vote massif des populations récemment arrivées sur le territoire et n'y justifiant pas d'attaches solides »[119]. Dans les deux cas, les juridictions ont validé le critère de la durée de résidence, en rappelant le caractère exceptionnel du processus d’autodétermination en cours et le caractère objectif, raisonnable et non disproportionné du critère employé[120]. La Cour européenne des droits de l’Homme a repris à son compte le raisonnement du Comité, en ajoutant que cette restriction pouvait se justifier par « l’histoire et le statut de la Nouvelle-Calédonie », qui constituent des « nécessités locales de nature permettre les restrictions apportées au droit de vote »[121].
… Pour revenir à Paris
Des nouvelles négociations tripartites se sont tenues à Paris à la mi-avril 2023. Le ministre de l’Intérieur a mis en avant son rôle d’arbitre, en appelant les camps loyalistes et indépendantistes à « faire les compromis nécessaires », tout en déclarant que l’Etat se positionnait « en faveur du maintien de la souveraineté française du territoire du Pacifique », ce qui constitue une étrange manière d’arbitrer un conflit[122]. La question du corps électoral a aussi été évoquée par le ministre. Tous les sujets semblent donc à nouveau sur la table : un nouvel acte décisif s’ouvre dans le processus de décolonisation qui se joue sur le Caillou.
Références
[1] F. PACCAUD, « L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, ou les pérégrinations d’une indépendance programmée », Revue française de droit constitutionnel, P.U.F., 2019/4, n°120, p. 46.
[2] Préambule de l’accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, J.O.R.F., n°121, 27 mai 1998, §3 (dans la suite du travail, « Accord de Nouméa »). Sur le système juridique en place jusqu’en 1946, le « Code de l’Indigénat », voy. S. GRAFF, « Colonisation de peuplement et autochtonie : réflexions autour des questions d’autodétermination, de décolonisation et de droit de vote en Nouvelle-Calédonie », Mouvements, La Découverte, 2017/3, n°91, p. 25 et l’article du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, « Histoire de la Nouvelle-Calédonie », article disponible sur https://www.elections-nc.fr/, 2021.
[3] P. RIVOILAN, « La croissance démographique fléchit nettement en Nouvelle-Calédonie entre 2014 et 2019 », Insee Première, n°1823, octobre 2020, disponible sur www.insee.fr. Pour un détail des différentes vagues de colonisation, voy. S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., pp. 25-26.
[4] Statistiques INSEE-ISEE, recensement de la population de 2019, voy. P. RIVOILAN, ibid., fig. n°5. Voy. aussi C. DAVID, « Les élections de mai 2014 dans le contexte d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie », Colloque PIPSA 2014, 2014, Papeete (Polynésie française), pp. 2-4, compte-rendu disponible sur www.hal.sc.
[5] Avis du CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’Homme), « La place des peuples autochtones dans les territoires ultramarins français : la situation des Kanak de Nouvelle-Calédonie et des Amérindiens de Guyane », 23 février 2017, p. 23.
[6] A. TUTUGORO, « Incompatible Struggles? Reclaiming Indigenous Sovereignty and Political Sovereignty in Kanaky and/or New Caledonia », discussion paper 2020/5, Australian National University, 2020, disponible sur www.dpa.bellschool.anu.edu.au., p. 2.
[7] Sur les violences de la « quasi-guerre civile », notamment la prise d’otage d’Ouvéa, voy. R. MAPOU, « Analyse dialectique des transformations du droit en Nouvelle-Calédonie : l’état colonial républicain face aux institutions juridiques Kanakes », thèse, Université de Perpignan, 2019, disponible sur www.hal.fr, pp. 16 et 425.
[8] Accord de Matignon, textes nf°1 et 2, voy. aussi D. FISHER, « Uncertainties as New Caledonia Prepares for Its Final Independence Référendum » discussion paper 2021/3, Australian National University, 2021, article disponible sur www.dpa.bellschool.anu.edu.au, p. 1.
[9] Voy. le titre XIII de la Constitution française et la loi n°99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F., n°0068, 21 mars 1999. Sur ce point, voy. aussi F. PACCAUD, op. cit., p. 47 et A.-L. MADINIER, « L’Etat-nation face à la revendication autochtone : essai sur les institutions juridiques kanakes en Nouvelle-Calédonie », thèse, Université d’Ottawa, 2018, pp. 299 et 302.
[10] Art. 5 de l’Accord de Nouméa.
[11] Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, résultats officiels des référendums de 2018 et 2020, disponibles sur www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/.
[12] Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, résultats officiels du référendum de 2021, disponibles sur www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/.
[13] Les indépendantistes demandaient un report du scrutin au mois de septembre 2022 pour des raisons sanitaires liées au COVID-19 et afin de respecter la période de deuil de la communauté kanak, fortement et particulièrement touchée par l’épidémie. Voy. sur ce sujet l’article « Eclairage. Nouvelle-Calédonie : les résultats du 3e référendum d’autodétermination du 12 décembre 2021 », disponible sur le site gouvernemental www.vie-publique.fr/. Voy. aussi, sur le deuil kanak, la tribune collective, « Respectons le deuil kanak, reportons le référendum en Nouvelle-Calédonie », Le Monde, 23 novembre 2021, disponible sur www.lemonde.fr/. Sur le recours du FLNKS devant le Conseil d’Etat français, voy. V. BRENGARTH, « Nouvelle-Calédonie : quand le Conseil d’État rejoint la réticence du Gouvernement à la pleine souveraineté—à propos de CE, Juge des référés, 7 décembre 2021, n° 459131 », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, 2022. Précisons que l’auteur est également l’avocat des plaignants kanak.
[14] V. BRENGARTH, ibid., p.2.
[15] R. MAPOU, op. cit., p. 274.
[16] Résolution A/AC.109/2022/L.22, « Question de la Nouvelle-Calédonie », 16 juin 2022. Dans la suite du travail, à défaut de mention contraire, les résolutions citées sont toutes issues de l’Assemblée générale des Nations unies.
[17] A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance d’un droit autochtone kanak en Nouvelle-Calédonie—Le droit français républicain et de l’Accord de Nouméa à l’épreuve des principes autochtonistes du droit international public », collaboration scientifique entre le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie et l’Université de Perpignan, 2011, p. 22.
[18] Concept développé par les indépendantistes kanak durant la table ronde de Nainville-les-Roches (point n°2 de la Déclaration de Nainville-les-Roches, 12 juillet 1983). Sur cette déclaration, voy. S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] » op. cit., pp. 26-27.
[19] S. GRAFF, « Quand combat et revendication kanak ou politique de l'État français manient indépendance, décolonisation, autodétermination et autochtonie en Nouvelle-Calédonie », Journal de la Société des Océanistes, n°134, 2012, p. 71.
[20] H. MOKADDEM, « L’accord de Nouméa. Pratique de discours et forclusion de la souveraineté de Kanaky », Journal de la Société des Océanistes, n°147, 2018, p. 319.
[21] Voy. par exemple, le référendum d’autodétermination de l’Algérie en 1962.
[22] Affaire Île de Palmas (Pays-Bas c. États-Unis), sentence arbitrale du 4 avril 1928, RSA, vol. II, p. 845, trad. française de Ch. Rousseau, R.G.D.I.P., 1935, p. 156, cité par S. JAMAL, « L’analyse de la décolonisation de Maurice sous l’angle du droit à l’autodétermination : entre apports et insuffisances (Cour internationale de Justice, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, 25 février 2019 », Annuaire français de droit international, volume 65, 2019, p. 148.
[23] C.I.J., Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, 25 février 2019, C.I.J. Recueil 2019, p. 95, §142 et 143. Dans les références suivantes, la citation sera simplifiée en utilisant l’expression « Archipel des Chagos » et en mentionnant le paragraphe pertinent.
[24] Voir introduction.
[25] Pour les références des statistiques, voy. l’annexe 1.
[26] Groupe résiduel rassemblant les résidents n’appartenant pas aux deux autres groupes.
[27] Rapport de mission du Bureau pour le développement agricole (BPDA), rédigé par le Gouverneur Sorin, pour le Ministère de l’Outre-Mer, réalisé afin d’étudier les possibilités de développement agricole des territoires d’Outre-mer par le recours à l’immigration, cité par S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., pp. 25-26.
[28]S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », ibid., p. 26.
[29] A l’époque, des ressources de nickel sont découvertes sur l’archipel.
[30] Lettre de Pierre Messmer au secrétaire d’Etat aux DOM-TOM, 18 juillet 1972 citée par A.-L. MADINIER, « L’Etat-nation face à la revendication autochtone […] », op.cit., p. 48 (« Lettre de Pierre Messmer » dans les références suivantes).
[31] Lettre de Pierre Messmer, citée par A. TUTUGORO, op. cit., p. 13. Voy. aussi S. GRAFF, « Quand combat […] », op.cit., pp. 63-64.
[32] Lettre de Pierre Messmer, citée par A. TUTUGORO, ibid., p. 13
[33] Lettre de Pierre Messmer, citée par A. TUTUGORO, ibid., p. 13.
[34] Voy. notamment A.-L. MADINIER, « L’Etat-nation face à la revendication autochtone […] », op. cit., §73 à 76, S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., pp. 29 et suiv., A. TUTUGORO, ibid., p. 6, B. TREPIED, « Une nouvelle question indigène outre-mer ? », La Vie des idées, 2012, pp. 11-12 et F. FABERON, « Le fédéralisme, solution française de décolonisation : le cas de la Nouvelle-Calédonie », Revue française de droit constitutionnel, P.U.F., n°101, p. 65.
[35] Art. 1, §2 de la Charte des Nations unies.
[36]Art. 73 de la Charte des Nations unies. Voy. sur ce point C. GRAVELAT, « L’ONU au service du processus d’émancipation de la Nouvelle-Calédonie », Democracy, Sovereignty and Self-Determination in the Pacific Islands, discussion paper 2020/4, Université de Nouvelle-Calédonie/Australian National University, article disponible sur www.dpa.bellschool.anu.edu.au, p.2.
[37] Art. 73 de la Charte des Nations unies.
[38] Résolution A/RES/66 (I) « Transmission des renseignements visés à l’article 73e de la Charte », 14 décembre 1946. Voy. aussi « S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., p. 25.
[39] A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance […] », op. cit., 2011, p. 37.
[40] Voir notamment le cas de l’Espagne et du Portugal, refusant de transmettre les informations prévues à l’article 73, en qualifiant leurs territoires colonisés de « provinces d’outre-mer » (A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance […] », ibid., p. 37.
[41]C. GRAVELAT, op. cit., p.3.
[42] Résolution 1514 (XV), « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés », 14 décembre 1960 (« résolution 1514 » dans la suite du texte). Voy. aussi C. GRAVELAT, ibid., pp. 2 et 3.
[43] M. VIRALLY, « Droit international et décolonisation devant les Nations unies », Annuaire Français de Droit International, 1963, n°9, pp. 520-521.
[44] Principe IV de la résolution A/RES/1541, « Principes qui doivent guider les États Membres pour déterminer si l’obligation de communiquer des renseignements, prévue à l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte, leur est applicable ou non », 14 décembre 1960.
[45] Voy. aussi A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance […] », op. cit., pp. 21-22 et C. GRAVELAT, op. cit., pp. 2-3.
[46]Résolution A/RES/16/54 (XVI), « La situation concernant la mise en œuvre de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », 27 novembre 1961. Voy. aussi C. GRAVELAT, ibid., p.3.
[47] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §148 et 149.
[48] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §150.
[49] 28 indépendances.
[50] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §152.
[51] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §151 et 152. La Cour fait référence au §70 de l’avis consultatif Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires du 8 juillet 1996.
[52] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §151 et 152.
[53] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §152.
[54] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §153.
[55] C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, 25 février 2019, §158 à 161.
[56] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit de l’Union africaine, C.I.J., 1er mars 2018, disponible sur www.icj-cij.org., §77. L’ensemble des exposés cités dans les notes suivantes est disponible sur ce même site.
[57] Voy. notamment les exposés écrits de la République fédérative du Brésil, §18, 1er mars 2018, de la République Sud-Africaine, §62-63, 1er mars 2018, de la République argentine (§25, 26 et 32) et de la République du Chili, §6 et 7 (sur la procédure, le Chili s’oppose à la compétence de la C.I.J., mais soutient sur le fond la valeur normative du droit à l’autodétermination depuis la résolution 1514), 28 février 2018.
[58] Voy. notamment les exposés écrits de l’Allemagne, de la République populaire de Chine, de la République française et de la République de Corée.
[59] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 15 février 2018, §8.24 à 8.81.
[60] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 15 février 2018, §8.79 à 8.81.
[61] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 15 février 2018, §8.65 et §8.81.
[62] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, 1er mars 2018, §4.23 à 4.72.
[63] C.I.J., Archipel des Chagos, exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, 1er mars 2018, §4.64.
[64]Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, Vienne, Recueil des Traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.
[65] Il s’agit notamment de l’interprétation marocaine dans l’affaire du Sahara Occidental. Voy. C.I.J., Sahara occidental, compte-rendu des audiences publiques, 1975, exposés oraux des MM. Slaoui et Dupuy, représentants du gouvernement marocain et C.I.J., Sahara occidental, avis consultatif du 16 octobre 1975, §49 et 61. L’Espagne avance cet argument aussi pour soutenir la réintrégration de Gibraltar.
[66] Art. 31, §1 et 4 de la Convention de Vienne précitée.
[67] Définition du dictionnaire Larousse (www.larousse.fr).
[68] Article des Nations unies, rubrique « Décolonisation », disponible sur www.un.org.
[69] Résolution A/RES/43/47, « Décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 22 novembre 1988, point 2.
[70] Nations unies, article thématique « Décolonisation », disponible sur www.un.org.
[71] Rapport du Sécrétaire général, « Décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 11 décembre 1991, A/46/634/Rev.1, point III.11.
[72] Résolution A/RES/46/181, « Décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 19 décembre 1991, points 4 et 5.
[73] Résolution A/RES/55/146, « Deuxième décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 8 décembre 2000.
[74] Rapport du Secrétaire général, « Deuxième décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 22 mars 2001, A/56/61, point IV.11, Résolution A/RES/65/119, « Troisième décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 10 décembre 2010 et Résolution A/RES/75/123, « Quatrième décennie internationale de l’élimination du colonialisme », 10 décembre 2020.
[75] Comme nous l’avons dit ci-dessus, le caractère coutumier du droit à l’autodétermination est universellement admis, mais des désaccords subsistent au niveau « temporel ».
[76] C.I.J., Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, 9 juillet 2004, §122. Dans les références suivantes, l’expression « Edification d’un mur » sera employée.
[77] C.I.J., Edification d’un mur, avis consultatif, 9 juillet 2004, §121.
[78] C.I.J., Edification d’un mur, avis consultatif, 9 juillet 2004, §121.
[79] C.I.J., Edification d’un mur, exposé écrit de la Ligue des Etats arabes, 28 janvier 2004, pt. VII « Le mur en tant que fait internationalement illicite : le droit applicable ».
[80] L’Assemblée générale des Nations unies a en effet demandé à la C.I.J. de se prononcer sur les conséquences juridiques de la colonisation, de l’occupation et de l’annexion du territoire palestinien, en tant que violation du droit à l’autodétermination.
[81] Résolution A/RES/77/247, « Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », 30 décembre 2022.
[82] F. ALBANESE, « Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », 21 septembre 2022, disponible sur www.ohchr.org., §13.
[83] F. ALBANESE, ibid., §35.
[84] F. ALBANESE, ibid., §36.
[85] F. ALBANESE, ibid., §74.
[86] F. ALBANESE, ibid., §78.
[87] Liste des territoires non autonomes, disponible sur www.un.org.
[88] « Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental ».
[89] Les résolutions annuelles depuis 2008 sont consultables sur le site des Nations unies, sous la rubrique « Les Nations unies et la décolonisation », www.un.org.
[90] C.I.J., Sahara occidental, avis consultatif, 16 octobre 1975, §55, 72 et 172.
[91] Expression de A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance […] », op. cit., p. 22.
[92] Voy. les interventions des MM. AGRON POLI et CHRIS SASSI, Réunion du Comité spécial de la décolonisation, AG/COL/3344, « Coup d’envoi de la session de fond 2021 du Comité spécial de la décolonisation avec les questions des Tokélaou, de Gibraltar et du Sahara occidental », 14 juin 2021, compte-rendu disponible sur www.un.org.
[93] K. MOHSEN-FINAN, « Sahara occidental: de la prolongation du conflit à la nécessité de son règlement », Politique étrangère, automne 1996, vol. 61, n°3, p. 665.
[94] K. MOHSEN-FINAN, ibid., p. 665.
[95] K. MOHSEN-FINAN, ibid., p. 665, C. RUCZ, « Un référendum au Sahara occidental ? », Annuaire français de droit international, volume 40, 1994, p. 258.
[96] Pour les positions de l’Assemblée générale de l’ONU, voy. les résolutions annuelles mentionnées ci-dessus. Pour les positions du Conseil de sécurité, voy. notamment la résolution S/RES/26/54, adoptée par le 27 octobre 2022, mentionnant en son début les anciennes résolutions du Conseil. Pour les positions de L’Union africaine (UA), voy. notamment la résolution, « Décision sur le rapport du président de la Commission de l’Union africaine sur la question du Sahara occidental », 1 et 2 juillet 2018, 31e session ordinaire, disponible sur www.au.int.
[97] La difficulté première à l’organisation d’un référendum était la question technique des recensements de la population, le dernier recensement complet datant de la période espagnole (1974). Cette question était d’autant plus complexe que le territoire comporte des populations nomades et que la guerre a causé des départs de réfugiés vers les pays voisins (voy. C. RUCZ, op. cit., pp. 256-258).
[98] « Consciente de la nécessité de créer des conditions de stabilité et de bien-être et des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect des principes de l'égalité de droits et de la libre détermination de tous les peuples […] », « Consciente des conflits croissants qu'entraîne le fait de refuser la liberté à ces peuples ou d'y faire obstacle, qui constituent une grave menace à la paix mondiale », « Convaincue que le maintien du colonialisme empêche le développement de la coopération économique internationale, entrave le développement social, culturel et économique des peuples dépendants et va à l'encontre de l'idéal de paix universelle des Nations unies » (nous soulignons, Préambule de la résolution 1514).
[99] Le principe VI de la résolution 1541 décrit les trois choix que peuvent prendre les populations des territoires non autonomes : devenir un Etat indépendant et souverain, s’associer librement à un Etat indépendant ou s’intégrer à un Etat indépendant.
[100] Il s’agit des éléments constitutifs classiques d’un Etat (voy. l’article 1 de la Convention concernant les droits et les devoirs des Etats, adoptée à Montevideo le 26 décembre 1933).
[101]C.I.J., Archipel des Chagos, avis consultatif, §173 et 174.
[102]Voy. O. CORTEN, B. DELCOURT, P. KLEIN et N. LEVRAT, « Démembrements d’États et délimitations territoriales : l’uti possidetis en questions) », Collection de droit international, Bruxelles, Bruylant — Editions de l’Université de Bruxelles, 1999, p. 12 et J.-M. SOREL, M. ROSTANE, « L'uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique : essai de réactualisation », Annuaire français de droit international, volume 40, 1994, p. 11.
[103] Cet article reconnaît le « principe de la primauté des intérêts des habitants » des « territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement ».
[104] Si l’on suit l’inteprétation défendue par la C.I.J. et l’UA (notamment) concernant le caractère coutumier du droit à l’autodétermination, dès 1960. Voir point A. de la partie II.
[105] Préambule de l’Accord de Nouméa, précité.
[106] « Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite », texte adopté par la Commission du droit international, 53e session, 2001.
[107] Sous réserve bien sûr du caractère hypothétique rappelé dans la première partie.
[108] S. JAMAL, op. cit., p. 149.
[109] G. DISTEFANO, « Fait continu, fait composé et fait complexe dans le droit de la responsabilité », Annuaire français de droit international, 2006, p. 11, cité par S. JAMAL, ibid., p. 149.
[110] S. JAMAL, ibid., pp. 149-150.
[111] Voy. S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., p. 34 : « [L’Etat] a opposé à la volonté d’indépendance du peuple colonisé un principe démocratique formel et ainsi imposé dans le corps électoral la colonie de peuplement qu’il a lui-même créée et développée avec constance. Il déclare alors que ce sont les Calédonien·nes qui doivent décider de leur avenir, sachant que la démocratie et le principe d’un individu-une voix peuvent devenir, dans un contexte de colonisation de peuplement, un atout contre le peuple colonisé et sa volonté d’indépendance ».
[112] Art. 30 et 31 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite », texte adopté par la Commission du droit international, 53e session, 2001.
[113] Nous n’aborderons pas ce point ici, mais la France a mis en place des mesure de réequilibrage économique pour corriger les effets de la politique de peuplement, en redistribuant des terres aux Kanak.
[114] Point n°2 de la Déclaration de Nainville-les-Roches, 12 juillet 1983.
[115] S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op.cit., pp. 33-34.
[116]Nous rappelons que trois corps électoraux existent en Nouvelle-Calédonie (corps électoral général, corps provincial et corps « pour la consultation »), voy. sur ce sujet S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., p. 31. Dans le cadre de ce travail, seul le corps « pour la consultation » nous intéresse. Voy. l’article 2 de la loi référendaire n°88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, J.O.R.F., 10 novembre 1988, et S. GRAFF, « Quand combat […] », op. cit., p. 74.
[117] Cette exclusion se fait principalement sur base de la durée d’établissement et la nature des attaches avec l’archipel . Voy. l’art. 2.2.1. de l’accord de Nouméa, « Le corps électoral », mis en œuvre par l’article 218 de la loi organique du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie. Voy. aussi S. GRAFF, « Colonisation de peuplement […] », op. cit., p. 31.
[118] A.-L. MADINIER, « Contribution à la reconnaissance […] », op. cit., p. 22.
[119] Cour E.D.H., Py Bruno c. France, 11 janvier 2005, §50.
[120] Com. D.H., Pichot et Gillot c. France, 26 juillet 2002, §13.6 à 14.
[121] Cour E.D.H., Py Bruno c. France, 11 janvier 2005, §63 à 65.
[122] Article « Une réunion sur le statut de la Nouvelle-Calédonie prévue en avril », Le Monde, 6 mars 2023, disponible sur www.lemonde.fr.