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Billet de blog 1 avril 2009

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La République une idée de Gauche encore faut il la défendre! De l'intérêt de l'enseignement...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A l'heure ou la politique n'est que populisme entre fausse démocratie participative et bougisme a tout craindre venons en aux fondamentaux social-démocrates ou tout simplement républicain. Parce qu'il est toujours bon de rappeler que la République est de gauche. Voici un texte poitevin (non pas royal) d'un autre siècle.

Le Radical Poitevin, Mardi 31 Juillet 1900. N°5. Journal Hebdomadaire dont le rédacteur en chef est Henri RAVÉ. Vendu au prix de 5 centimes, ses locaux sont situés au 18, boulevards Solferino à Poitiers.

CHRONIQUE LOCALE

Un discours républicain.

Nous nous faisons un plaisir, un véritable devoir, de publier in extenso le remarquable discours prononcé à l’une des distributions des prix aux élèves des écoles communales de Poitiers par l’honorable M. Szumlanski, conseiller municipal.

Il n’y a pas un républicain qui n’applaudisse à ce fier et viril langage d’un fils de la Révolution s’adressant à des enfants du peuple.

« MESDAMES, MESSIEURS, CHERS ENFANTS,

Lorsque monsieur Surreaux, ce maire dévoué que vos conseillers républicains ont mis à la tête de votre belle cité poitevine, par l’unanimité de leurs suffrages, lorsque Monsieur Surreaux a bien voulu me désigner pour présider cette distribution de prix, je devine les motifs qui l’ont déterminé.

Il s’est dit : « l’heure est grave ; l’enseignement laïque est de tous cotés calomnié, méconnu, menacé. Pour prendre la parole dans cette circonstance solennelle, nous choisirons parmi tant d’hommes dévoués, non pas le plus éminent, mais celui qui saura défendre nos école avec le plus de convictions, d’indépendance et de dévouement. »

Eh bien, je l’affirme sans fausse modestie, et même avec quelque orgueil. Il ne s’est pas trompé.

Je suis en effet de ceux qui pensent que tout l’avenir est là, là, dans cette pépinière d’homme où s’élabore lentement mais surement l’œuvre nationale.

Et je dis bien haut que dans l’intérêt supérieur de la société future, que nous avons mission de préparer à ses destinées – de la République démocratique et de la patrie, nous devons veiller à l’éducation populaire et lui prodiguer nos soins avec un amour jaloux.

Pendant plus de quinze siècles, l’enseignement du peuple français fut abandonné comme un monopole aux membres du clergé catholique.

Comment se sont-ils acquittés de la noble tâche qui leur était confié ? Demandez à l’histoire.

Ils ont étouffé toute tentative d’émancipation intellectuelle depuis Abélard jusqu’à Galilée, et toute l’œuvre d’enseignement indépendante depuis l’austère et savante école de Port-Royal jusqu’aux humbles prêches des martyrs du désert. Ils ont entretenu les enfants du peuple dans la pieuse ignorance des bêtes ; ils ont étouffé sous l’autorité du dogme, la terreur de l’enfer, et la foi aux mystères les lueurs de l’intelligence qui cherchaient à se faire jour – enfin, ils ont légué à la Révolution un peuple d’enfants ignorants et terribles, un peuple qui ne savait pas lire.

Était-ce de l’incurie ? comme on l’a souvent répété.

Il faut croire plutôt que ce fut un système.

L’ignorance est sœur de la servitude ; or il s’agissait de faire des âmes d’esclaves à une nation de sujets.

C’est si vrai qu’en 1826, un prince italien, Charles Félix de Savoie, osait encore rendre un décret qui interdisait l’enseignement de la lecture et de l’écriture aux enfants dont les parents ne pouvaient justifier d’un revenu d’au moins 1500 livres.

C’est si vrai que jusqu’à nos jours l’enseignement primaire et laïque est attaqué avec un acharnement sans trêve ni merci ; et c’est sur ce terrain que la République à dû livrer ses principales batailles.

En d’autres termes, les gouvernements d’autrefois étaient fondés sur l’ignorance, seule garantie de leur stabilité, et la République fille du peuple est aussi fille de la lumière et de la science. Le développement de l’instruction publique sera donc la mesure de sa force et de sa prospérité.

C’est la Révolution, mes enfants, la Révolution, objet de tant de haine et d’enthousiasme, c’est la Révolution maudite et sacrée, qui nous a tirés de ces abîmes d’ignorance et de servitude.

Aussitôt que les philosophes du XVIIIe siècle élevèrent la voix dans la silence universel, ils furent entendus. Et comme la vérité est cent fois plus forte que l’erreur, comme le bien est cent fois plus de bien que le mal ne produit de mal, les principes éternels de justice et de vérité qui sommeillaient dans la conscience des hommes se réveillèrent.

C’en était fait du passé, l’on allait apprendre à lire.

Les conventionnels en effet n’eurent pas de souci plus ardent que de créer l’enseignement national à tous les degrés pour faire des français « un peuple neuf ».

L’élan était donné.

Je ne vous retracerai pas toutes les étapes, toutes les phases de la lutte, victoires ou défaites, reculs ou marches en avant. Permettez-moi seulement de rappeler à votre mémoire les hommes qui dans notre siècle ont le plus fait pour vous, les Guizot, les Duruy, les Paul Bert, les Jules Ferry et les Jean Macé dont les noms resteront illustres moins par leur travaux de politique, de science ou d’histoire, que par la vigoureuse et définitive impulsion qu’ils ont su imprimer en France au mouvement de l’instruction laïque.

Enfants, croyez moi bien, vous n’aurez jamais assez de reconnaissance envers ces grands bienfaiteurs, car après vos parents, personne, jamais, n’a fait autant pour vous.

C’est à eux que vous devrez un jour le meilleur de vous même, tout ce que vous pourrez être comme hommes et comme citoyens – c’est à eux que dès aujourd’hui vous devez l’épanouissement naissant de votre intelligence et cet incomparable personnel de notre enseignement primaire, ces seconds pères de vos âmes qui sont vos institutrices et vos maîtres.

Ceux-là ne vont pas comme les maître du passé berçant leurs esprits dans des rêves mystiques ; ils croient à la science, au progrès indéfini et n’enseignent rein qu’ils ne puissent démontrer.

Ce sont des hommes dans le vrai sens du mot, mêlés à la vie réelle et au monde qu’ils ont la charge de vous faire connaître.

Ils sont pères de famille et savent à la fois le respect que l’on doit aux mères et les égards auxquels ont droit les enfants.

Ils sont citoyens et vous enseignent en même temps l’amour de la République et de la France, confondues en un même idéal : le culte de la vérité et de la justice sans mystère et d’une justice sans privilège, égale pour tous, à la fois maternelle par sa douceur et austère par son impartialité.

Aimez-les, ces hommes sévères et doux, aimez les ces institutrices au cœur de mère qui s’élèvent par l’esprit au dessus de la moyenne de leur sexe tout en gardant sa fraicheur tout ce qu’il a de délicatesse, de grâce et de dignité –Aimez-les, ces maîtres et ces maîtresses d’école, vrais fondateurs de la cité futur qui ouvrent déjà dans l’ombre de vos âmes des horizons inconnus dans des mondes nouveaux.

Oh ! savoir lire et écrire c’est à dire entrer en communion intimes avec d’autres hommes du temps passé et des pays lointains, n’est ce pas élargir le cercle de ses relations et de ses idées ? N’est ce pas trouver en quelque sorte de nouveaux camarades muets, qui parlent cependant une langue noble et pure et qui nous apprennent au travers des croyances changeantes à distinguer les principes immuables d’éternelle vérité.

Oh ! Savoir compter, étudier les éléments des sciences, n’est-ce pas s’affranchir des préjugés barbares, des préventions enfantines sur les hommes et sur les choses et s’élever vers une conception plus vrai et par conséquent meilleure du monde ?

Et puis les éléments qu’on apprend aux écoles permettent à qui les possède d’aller plus loin et de s’élever plus haut : car l’abîme qui sépare aujourd’hui les classes de la société, croyez le bien, c’est moins la naissance ou la fortune que le savoir.

Un homme instruit ne se classe-t-il pas, pour le fait même fut-il dénué de toutes ressources, au-dessus de la masse des autres hommes ? Et ceux qui se distinguent entre tous parmi les gens instruits, artistes, orateurs ou savant, ne sont-ils pas placés dans l’opinion au–dessus des milliardaires et des princes de sang ?

Voilà la vrai noblesse de notre société démocratique, noblesse personnelle et méritée, à laquelle chacun peut prétendre.

Tous vous avez en main, chers enfants, par l’instruction qu’on vous prodigue, l’outil merveilleux avec lequel vous pouvez bâtir à votre guise l’édifice de votre avenir.

Au siècle dernier, nos pères semblaient rivés pour toujours à leur misère. – Mais vous, l’instruction gratuite et obligatoire vous a faits, vraiment, les maîtres de vos destinées.

Regardez dans l’histoire contemporaine, ces ouvriers inventeurs comme Jacquard comme Stephenson, ces généraux improvisés, Lanues garçon de moulin, Hobe le neveu de la fruitière, et Gambetta fils d’un petit épicier, et Franklin et Pasteur et tout le défiler glorieux de ces enfants du peuple dont les noms rayonnent à aujourd’hui d’un éclat immortel – Ils sont là pour attester ce que peut faire un homme par intelligence et le travail dans une société démocratique.

Que serait-il advenu d’eux s’ils étaient nés cent ans plus tôt ?

Ils seraient alors sans doute incapables et méconnus s’ignorant eux même comme tant d’autres génies en puissance avortés et perdus dans la poussière des siècles.

Mais ce n’est pas seulement pour donner satisfaction aux légitimes ambitions, ou même aux droits de l’individu que la Révolution et la République que on répandu partout l’instruction à pleines mains.

En déplaçant l’axe du pouvoir et en substituant le principe de la souveraineté populaire à la royauté de droit divin elles devaient par une conséquence logique créer et favoriser un enseignement national.

Sous une future forme de gouvernement l’enseignement n’est qu’un bénéfice ; sous un régime parlementaire et démocratique, c’est une nécessité d’État.

Un vrai citoyen ne peut être un ignorant car c’est lui qui est en dernier ressort comptable des affaires publiques – car les électeurs n’ont en sommes pour les gouvernements que les représentants qu’ils choisissent et méritent.

Vous le voyez mes chers enfants, l’Instruction est en somme dans notre monde nouveau le grand ressort dont personne ne peut se passer, ni l’homme ni la société.

Vous comprenez donc pourquoi tant de soins pieux vous entourent, tant d’efforts sont fait par l’initiative privée, la Ligue de l’Enseignement, le Conseil Municipal, ou l’État.

Vous comprendrez aussi maintenant le beau rêve que forment ceux qui comme nous recherchent, à la fois et avec passion, l’intérêt des enfants du Peuple et la grandeur de la Patrie.

Nous rêvons de voir petit à petit tous les enfants de France, moins par l’exigence de la loi que par la volonté réfléchie des familles, s’habituer à prendre sans exception le chemin de nos écoles publiques.

Alors, au lieu de la division profonde qui se prépare dans les écoles rivales et qui tend à faire des Français comme deux peuples de frères ennemis, l’on verrait bientôt à la voix sage et tolérante du maître les haines s’éteindre et les divergences s’effacer dans une fraternité nouvelle, chacun pratiquant librement au dehors ses croyances respectables et respectées, et les enfants de toutes les classes et de tous les cultes s’habitueraient dans la vie commune, à se connaître, à se juger, à s’aimer.

Ne croyez vous pas que l’école serait alors vraiment ce qu’elle doit être, non seulement l’endroit où l’on apprend les éléments des connaissances diverses, où l’on sème des germes que le géni fera fructifier, -- où se prépare un peuple d’hommes et de citoyens, où s’acquiert l’esprit de tolérance et de justice, -- mais encore le creuset où se fondent tous les éléments du peuple pour former l’airain indestructible de l’Unité Nationale.

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