Chronique traduite en turc et publiée le 4/04/14 sur uplifers.com
On connaissait le #nomakeup selfie, cette tendance qui invite les filles à se prendre elles-mêmes en photo sans maquillage parce que les garçons, contrairement à ce qu’on pensait, n’aiment pas tant que ça les filles maquillées et que, comme c’est plaire aux garçons qui compte, les filles se maquillent moins.
Des milliers de femmes ont ainsi diffusé leurs faces sur Twitter, Facebook et Instagram. Aussi parce que c’était pour une bonne cause : c’était pour lutter contre le cancer. Le buzz était assuré par la participation à l’opération de Beyonce, Rihanna et quelques mannequins. Oui, c’était pour faire plaisir aux hommes et pour une bonne cause : c’était pour montrer que, sans l’artifice du maquillage, les femmes se montrent telles qu’elles sont, pures et fragiles.
Il y a désormais l’#aftersex selfie !
Les # sont là pour signifier que c’est surtout sur Instagram et Twitter que ça se passe. Je n’ai pas Instagram personnellement (quoi ? et elle dit qu’elle étudie la circulation des représentations dans les médias ?!) mais j’ai appris que l’ #aftersexselfieétait le nouveau « must do » pour être virtuellement stylé.
Mais qu’est-ce que l’#aftersexselfie ? Comme son nom l’indique (quoi ??? tu parles pas l’anglais ?!), il s’agit d’une photographie que l’on prend soi-même de soi (génération pourquoi) après s’être adonné à une activité sexuelle, principalement hétérosexuelle au vu des photos.
Plus de 3000 photos post-coït ont été postées sur Instagram, la nouvelle façon de dire à tout le monde que tu viens de faire du sexe.
Là, ce n’est pas pour une bonne cause mais les clichés genrés sont encore en bonne position. Des chambres super girly, des expressions de déception sur le visage des filles qui jouent sur la connivence de genre « les filles sont insatisfaites par les prestations sexuelles des hommes et attendent autre chose » et des hommes qui, eux, ont l’air contents d’eux… Si l’espace public appartient aux hommes, il semble que ces tendances Instagram sont elles bien féminines : les femmes n’ont pas d’autres activités qu’elles –mêmes.
Ce qui est rigolo c’est que l’article que j’ai lu à ce sujet mettait l’accent sur l’exclusion des célibataires de cette nouvelle micro-pratique sociale éphémère. Comme si c’était la question. Mais finalement, « c’est beaucoup plus LOL que hot » donc ça va. Ce n’est pas du tout effrayant. C’est plutôt sympa de voir des couples (hétérosexuels) qui « posent les cheveux en bataille » ou « visiblement pas tout à fait comblés » ou encore « simulant une sieste après des ébats sexuels torrides ». Une photo en dit long apparemment sur, encore une fois, la qualité du rapport sexuel. Parce que c’est ça qui compte.
Fantasmes mis en images, en corps, en scène, en mots… Entre vie sexuelle et sociale médiatisées (mises en médias et via médiation), la « génération YouPorn », comme Kim Chapiron aime à l’appeler, se cherche… Et en attendant de trouver son « nouveau moi », comme l’y invitent tant de magazines, elle parle de son soi actuel, encore et encore, et met en scène sa vie, sa vie toute entière, même (surtout ?) sa vie sexuelle. Tu m’étonnes que la vie n’ait pas beaucoup de sens…
Peut-être que l’intimité c’est tellement XXe siècle ? Peut-être que, comme le disait un mec bien dans l’air du temps que j’ai eu le malheur de croiser sur les bancs de l’école, « la vie privée, c’est obsolète comme concept » ?