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Billet de blog 8 juin 2012

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Identités sexuelles et représentation dans le discours d’escorte de la Marche des Fiertés LGBT 2011

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quarante-trois ans après la révolte du 28 juin 1969 du Stonewall Inn, bar homosexuel de Greenwich Village à New York, la Gay Pride, marche annuelle des fiertés lesbiennes, gaies, bissexuelles et transsexuelles, est un événement rituel d'une grande importance symbolique et politique organisé dans de nombreuses villes du monde.

La Marche des Fiertés LGBT fait désormais partie du calendrier festif parisien. L'affiche de son édition 2011 a fait débat. Ces discussions ont participé à la construction de l'événement. Puisque, de facto, il n'y a pas de phénomène social sans inscription matérielle, il s'agit de questionner le statut d'une réalité interprétative - l'affiche - et d'analyser le processus de construction de l'événement. L’étude du système discursif qui accompagne la Marche des Fiertés LGBT 2011, avec la polémique autour de son affiche comme cadre, pose la question des potentialités discursives de la sexualité (des sexualités alternatives) et de la représentation du mouvement LGBT, de son sens et de son entreprise (symbolique et politique) : représentation de la communauté ou fédération d’un collectif ?

L’objectif est de mettre au jour la construction de l’événement dans sa rhétorique et sa performance, sa diffusion médiatique et sa reconnaissance sociale. Comment se construit une identité collective à travers le discours ? Comment représenter et, a fortiori, communiquer sur une identité qui ne se laisse pas figer dans une définition arrêtée ? Comment la production discursive autour de la Marche des Fiertés 2011 interroge-t-elle les enjeux de représentations – et donc l’identité LGBT et l’action du mouvement ?

A partir d’une enquête de terrain lors de la Marche des Fiertés, le samedi 25 juin 2011 : observation participante et recueil de témoignages afin d’interroger les mécanismes d’implication des participants. J’ai effectué une analyse comparative avec la San Francisco Pride (observation participante les 23 et 24 juin 2010) et j’ai veillé à tester mes observations et à les compléter par un test de l’affiche.

Dans un premier temps, le discours d’escorte participe à la représentation du groupe cible en ce qu’il le raconte. En incluant à l'analyse de discours l'analyse des modalités d'implication des participants, j'interroge les procédures de discours qui investissent l'événement mais aussi les usages sociaux qui en sont faits et les représentations ambivalentes du mouvement LGBT qu'ils révèlent. Mes analyses mettent au jour la tentative d'articulation des deux dimensions de cet événement hybride, travestissement de la marche revendicative traditionnelle en parade festive et militante. Un système complexe de discours polyphoniques s’articule selon une double logique identitaire et médiacentrique et lie narratologie de l’événement, narratologie de la sexualité, narratologie du mouvement LGBT et mise en intrigue journalistique. Mais "la polyphonie n'est pas cacophonie" (Didier Fassin), et ces discours alimentent une pluralité d'interprétations de l'événement désormais trivial, qui circule socialement donc qui s'altère et se charge de valeur (Yves Jeanneret).

Dans un deuxième temps, le récit de l'événement voit dans le médiatique sa modalité privilégiée. Avec la polémique – médiatique – comme cadre, l’affiche devient prétexte à des discours identitaires qui la dépassent : l’objet de la dispute s’éloigne du visuel-affiche pour venir se placer au niveau plus global de la représentation du mouvement LGBT, représentation mise en tension entre l’idéologie d’une organisation militante et les réactions-commentaires polémiques du public à travers les médias – sociaux.

Finalement, dans le discours d’escorte de la Marche des Fiertés LGBT, la représentation des sexualités alternatives – et de la sexualité en général – n’est plus un signe subversif mais un signe de reconnaissance et un mécanisme de captation, elle correspond à un horizon d’attente, à une demande sociale. Dans l'optique d'optimiser l'efficacité symbolique politique et symbolique de l'Inter-LGBT, l'interrassociative en charge de l'organisation de l'événement depuis 2001, il s'agit de déplacer la question de la représentation de la communauté vers celle de la fédération d'un collectif. La légitimation de la prise de parole de l'Inter-LGBT dans la polyphonie des discours qui entourent la Marche, passe nécessairemnt par ce que j'appelle un "biais communicationnel" et qui pourrait bien se trouver dans une tentative renouvelée d'articulation du festif et du politique, du micro-communautaire et du collectif, d'un bon compromis à chercher entre reconnaissance sociale et subversion politique.

En 1976, Michel Foucault écrivait : "Ne pas croire qu'en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir ; on suit au contraire le fil du dispositif général de sexualité" (Histoire de la sexualité I). La question, pour que la sexualité et sa représentation deviennent - redeviennent ? - subversives est que la subversion, le travail de déconstruction des normes, soit l'intention et l'objet du message.

(Abstract / mémoire de Master 2 "Rhétorique et Perfomance du mouvement LGBT : le discours d'escorte de la Marche des Fiertés LGBT 2011" - CELSA Paris-Sorbonne, 2012)

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