
Agrandissement : Illustration 1

Zenzile Makeba Qgwashu Nguvama naît le 4 mars 1932 dans un township près de Johannesbourg. Son père est un instituteur xhosa, sa mère une domestique swazi. Elle n’a que quelques jours lorsque sa mère est emprisonnée, avec elle, pour avoir brassé de la bière pour subvenir aux besoins de sa famille. Son père meurt quand elle a six ans.
En 1948, les nationalistes afrikaners gagnent les élections : c'est le début de l’apartheid. Les lois de l’apartheid transforment chaque jour un peu plus l’Afrique du Sud en prison. A 20 ans, Zenzile est bonne d’enfants et laveuse de taxis, elle a quitté son mari qui la battait et elle vit seule avec sa fille et sa mère à Sophiatown, dans la banlieue de Johannesburg.
Elle commence à chanter presque par hasard et enchante les bars clandestins de Sophiatown et de Soweto avec ses premiers groupes, d’abord les Manhattan Brothers puis les Skylarks, un groupe exclusivement féminin.
Un matin de février 1955, les bulldozers arrivent à Sophiatown : plus de 100 familles noires sont expulsées par 2000 policiers armés de matraques et de fusils et emmenées à Soweto, un township exclusivement noir.
"Ils ont détruit ce quartier-là [Sophiatown] qui restait le seul, le dernier endroit où les Blancs, les Noirs, les métis se rencontraient le soir ; ça se mélangeait, ça faisait la fête, c'était le dernier îlot de liberté."
L’année suivante, elle chante la destruction de son quartier dans "Sophiatown is gone". Cette année-là, elle écrit aussi "Pata Pata", une chanson qu'elle trouve "insignifiante" mais qui sera son plus grand succès quand elle la réenregistrera en 1966 (et qui sera notamment reprise pour devenir "le tube de l’été" 1998 en France).
En août 1959, elle s’envole pour La Mostra de cinéma de Venise où est présenté "Come Back Africa", un film anti-apartheid tourné en secret par le réalisateur états-unien Lionel Rogosin dans lequel elle chante deux chansons. Elle ignore alors qu’elle ne reverra son pays que 31 ans plus tard.
Contrainte à l’exil, elle est interdite de séjour en Afrique du Sud. Ses disques sont retirés de la vente dans son pays et elle ne peut pas assister aux obsèques de sa mère en 1960.
Harry Belafonte arrive à lui obtenir un Visa pour les Etats-Unis où elle devient rapidement une vedette. Elle décide de se servir de sa voix et de sa notoriété pour dénoncer le régime de l'apartheid et appeler au boycott de l’Afrique du Sud. Le 16 juillet 1963, Miriam Makeba intervient à l’ONU pour demander aux Etats représentés de faire pression contre la politique d'apartheid sud-africaine :
"Puisque ma musique est au plus haut, ou au plus loin, je vais aller aux Nations Unies. Dire qu'il y a un Etat sur lequel tout le monde ferme les yeux parce que ça arrange tout le monde, mais où la situation est absolument inique, injustifiable, injustifiée. Il faut changer."
En 1965, elle reçoit le Grammy Award du meilleur album pour son disque "An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba" composé de chansons africaines inspirées des styles musicaux du continent.
En exil aux Etats-Unis, elle s’engage avec le mouvement des droits civiques contre la ségrégation raciale. En 1969, elle épouse le militant Stokely Carmichael, un des chefs des Black Panthers. Dans ses prises de parole, elle dénonce le racisme en Afrique du Sud mais aussi aux Etats-Unis… Elle fuit l’Amérique avec son époux pour s’installer dans la Guinée de Sékou Touré.
Elle devient le symbole des luttes contre la ségrégation raciale et pour l’émancipation de l’Afrique. Elle se présente avec ses cheveux naturels (une première), elle promeut le panafricanisme et chante en zoulou, en xhosa, en tswana, en swahili et même en arabe pendant les Jeux africains de 1978 à Alger.
Ses chansons deviennent la bande son des luttes de libération nationale et de décolonisation. Son chant « A lutta continua » est repris par les combattants du FRELIMO au Mozambique. Elle consacre des chansons à Patrice Lumumba, Ahmed Sékou Touré, Malcolm X et participe à des concerts engagés jusqu’à sa mort, en novembre 2008, suite au concert de soutien à Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra traqué par la Camorra, la mafia napolitaine.
Le prix Miriam Makeba récompense la créativité artistique africaine.