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Billet de blog 20 juillet 2012

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Ce pénis dont on a tant besoin

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La naissance mythique d'Aphrodite ne pourrait-elle pas être aussi en partie responsable de l’importance que prend l’éjaculation dans la représentation commune du rapport sexuel ?

Vous serez tous d’accord pour dire que l’éjaculation est considérée comme le paroxysme du rapport sexuel. Paroxysme de clôture qui plus est. Qui l’a dit ?

La sagesse populaire nous dit qu’après l’éjaculation, une pause est nécessaire aux hommes. J’ai fait quelques recherches sur des forums et j’ai appris qu’après l’éjaculation, le mâle a besoin d’un moment pour régénérer sa “force”, pour ne pas “casser” son précieux engin. C’est ce que la biologie appelle la « période réfractaire » et cela s’applique à tous les organes et cellules du corps, pas seulement le pénis. Cela veut dire que pendant un certain temps, l’organe en question sera insensible aux stimuli.

Premièrement, cela signifie que les femmes aussi connaissent une période réfractaire dans la mesure où le clitoris et le vagin sont des organes (si si, je vous le dis). Le truc c’est juste qu’on en parle moins (précisément parce que dans la représentation dominante du rapport sexuel hétérosexuel, les organes ne sont pas le centre de l’attention).

Deuxièmement, cela signifie que la pénétration (/érection) est remise en question après une première éjaculation. Oserais-je poser la question… et alors ? Quel est le rapport avec faire l’amour ? D’autant qu’éjaculation ne veut pas dire orgasme – même si l’industrie porno s’acharne à nous le faire “avaler”.

Sur un forum, à la question “Comment continuer après avoir joui si ma partenaire en redemande?”, on répond : « Si elle en redemande, tu peux lui enfiler un concombre pendant que tu te reposes un peu ». Oui, parce que c’est bien connu, les femmes doivent juste être fourrées, comme des petits choux. Ces « sex machines » n’ont pas besoin d’une “pause” après l’amour (/la pénétration).

Bref, personnellement, j’ai tendance à croire que les hommes, et les femmes, ont besoin d’être stimulés pour “le faire toute la nuit”. Tous autant que nous sommes, nous pouvons tous faire l’amour encore et encore… ou pas. Cela dépend de la réceptivité, de l’érotisme ambiant, de la volonté des partenaires…

De plus, considérer qu’on ne peut pas (re)faire l’amour après l’éjaculation masculine est symptomatique d’une croyance non énoncée comme telle parce que biologiquement explicable et largement diffusée médiatiquement : le sexe n’est pas du sexe sans pénis en érection. En d’autres termes, pas d’ « amour » sans pénétration.

Une de mes amies, en me racontant sa nuit avec un home m’a dit : “on s’est fait des câlins toute la nuit mais on l’a vraiment fait qu’une seule fois”. Ce qu’elle voulait dire c’est qu’il ne l’avait pénétrée et n’avait éjaculé qu’une seule fois. Elle n’est pas la seule à se référer à la pénétration comme le « vrai » rapport sexuel. Combien de fois ne l’ai-je pas entendu ! « On l’a pas vraiment fait, il m’a juste fait un cunni ». Um. La légende selon laquelle il n’y a pas « réel » rapport sexuel sans pénétration est mondialement répandue. Prenons juste l’expression circulante « préliminaires » ; la représentation qui se cache derrière est manifeste…

Bien sûr, c’est parce que la pénétration est la condition de la reproduction. Mais aujourd’hui, la question ne se pose plus de la même façon. D’abord parce qu’il y a d’autres moyens de procréer que par pénétration. Ensuite, parce que les contraceptifs ont bouleversé la sexualité en autorisant une sexualité de « loisir ».

Prenons l’exemple d’un rapport sexuel lesbien. Il est souvent non-pénétratif – contrairement au rapport homosexuel masculin. Cela voudrait dire que ce n’est pas un rapport sexuel ? Je ne crois pas. Mais il semble que pour beaucoup, plaisir = pénis, l’ultime moyen d’accéder au plaisir est la pénétration. Cela ouvre la voie à pas mal de jolies croyances telles que “un trou c’est un trou”, ou encore “les femmes sont toujours prêtes pour l’amour, elle n’ont qu’à ouvrir les jambes”, “c’est plus faciles pour elles”…

Conséquence de cette légende séculaire : pendant l’acte, beaucoup d’hommes pensent avec leur membre. On peut sentir « l’étape suivante » approcher, sous-jacente ; ce bout de peau, gonflé de sang, parfois tout doux, qui pointe vers sa destination finale… Conséquences pour les femmes donc, mais pour les hommes aussi qui sont invités à dépenser de l’argent pour “durer”…

Je me demande : Quand commence le sexe ? Quand s’arrête-t-il ?

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