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Billet de blog 27 octobre 2012

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(Safe) Sex & Stéréotypes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vue du dessus, bras et jambes écartés, une jeune femme en lingerie sourit. Un point de géolocalisation identifiable comme étant celui de Facebook marque son entre-jambes. A droite de l’image, une phrase bien connue des utilisateurs du réseau social mondial : “un tel et 19 autres étaient ici.”. En bas de l’affiche, le logo de la HIV Foundation/Aids Council of Finland.

Il s’agit d’une des trois affiches de la nouvelle campagne de lutte pour la prévention contre le Sida, créée par une agence de publicité finlandaise. Les trois affiches ont été appelées respectivement “Places for women”, “Places for men” et “Places for gay” (parce que les homosexuels ont droit à une catégorie à part en pub, la chance). La campagne comprend aussi deux vidéos, l’une adressé aux femmes “Places for women”, l’autre aux hommes “Places for men” (pour la vidéo, y a plus d’homos).

Où est le problème ?

Certains ont crié au “slut-shaming”, accusation portée aux femmes à la vie sexuelle jugée trop “libérée” ou au comportement, à l’apparence trop “provoquant”. D’autres, au contraire, y ont vu un manifeste de la “nouvelle femme” sexy, libre, forte, confiante, en contrôle de son corps et de sa sexualité.

Dans la mesure où les deux autres affiches de la campagne représentent des hommes, j’élimine la deuxième solution et je vais nuancer la première. Chacun en prend pour son grade : égalité des chances d’être objectivé. Dans tous les cas, le discours est stéréotypé, voire il actualise des représentations collectives stigmatisantes…

Personnellement, c’est l’utilisation de l’iconographie du “check in” de Facebook qui m’a interpellé. Des femmes à moitié nues on en voit tous les jours et les allusions sexuelles sont nombreuses mais là, la jeune femme est réduite à un lieu où l’on va, au même titre qu’une capitale, un bar ou une salle de concert. Le récepteur comprend tout de suite l’allusion à la fonction “check-in” de Facebook et le transpose dans le contexte de l’image. L’idée, en gros, c’est : tu t’apprêtes à “check-in” dans son vagin mais on y est déjà passé, alors mets une capote.

Certes, plus de partenaires = plus de risques de contamination et de propagation mais l’annonce réveille ce stéréotype de la prostituée syphilitique du début du siècle et finalement diffuse ce seconde stéréotype : femme qui couche = pute. Même si elle s’allonge avec le sourire…

Celle-ci c'est l'affiche adressée aux homosexuels. Les hétéros n’ont pas de sexualité anale. L’homme représenté en boxer clair, de dos, le dos lisse et légérement cambré, l’icône de “check-in” sur la raie des fesses. Là, il se pourrait que cela diffuse la représentation stéréotypée de l’homosexuel séropositif des années 80-90 et son actualisation, homosexualité = mœurs légères.

Pour bien faire la différence entre l’affiche adressée aux homosexuels et l’affiche adressée aux hommes (je reprends les mêmes catégories que l’agence finlandaise), l’homme est très poilu, de face, l’icône de check-in pointant son sexe. Inutile de préciser que c’est lui qui a accueilli le plus de passage.

Mettons de côté la question de la transposition de l’univers symbolique de Facebook au champ de la sexualité, ne serait-ce pas une solution de facilité pour HIV/Aids que d’attirer l’œil avec des corps dénudés et de faire passer un message via des stéréotypes ? Dans une perspective purement marketing, le stéréotype a une efficacité communicationnelle indéniable : la connivence est immédiate, et il pourrait même créer le buzz voire une micro-polémique médiatique. Mais qu’est-ce que ça nous dit de l’état de la bête ?

D’un point de vue publicitaire aussi cette communication pose de nombreuses questions. À qui s’adresse-t-elle ? Quelle est la réponse attendue ? Et même s’il s’agit là d’une représentation dégradante (des femmes, des hommes, de l’homosexualité, de la sexualité et même des partenaires cités), n’est-ce pas finalement “politiquement correct” ?

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